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Critique de ODP31


Genève, ton univers impitoyable !
Règlements de comptes… en banque.
Retour avec Joseph Incardona dans le monde des Golden boys de la fin des années 80. Fleurissent et volent les billets verts, comme au temps des romans de Paul-Loup Sulitzer. Calvin est enterré depuis bien longtemps. Les scrupules et les consciences aussi.
Coluche disait qu'en Suisse, on ne pouvait attraper que des médicaments, pas de maladies. Il se trompait. La fièvre de l'argent y circulait aussi vite que les valises pleines de billets qui fuyaient le fisc. le paradis fiscal brisa les ailes d'anges drogués à l'argent sale.
Pendant qu'Aldo, professeur de tennis et gigolo encanaillent des quinquas délaissées, la brillante Svetlana, jeune banquière issue d'une famille modeste de l'Europe de l'Est et mère célibataire, gravit à grand pas d'escarpins les échelons de la réussite.
A force de fréquenter les requins de la finance, les oursins qui colonisent les poches des costumes sur mesure, les piranhas en col blanc qui se dévorent, les sirènes qui se transforment en mérous sous l'effet de la chirurgie esthétique et les maquereaux assis sur les bancs, Aldo et Svetlana décident de plonger en apnée dans cet aquarium. Ces gros poissons ne fréquentent pas les eaux du lac Léman mais plutôt les piscines des Palaces. Les deux ambitieux vont découvrir le prix à payer pour barboter dans les hautes sphères. Très vite, ils n'auront plus pied.
Aldo va jouer les mules pour transporter des valises de la mafia corse de la France jusqu'aux banques suisses sans passer par la case Prison de cette partie de Monopoly. de son côté, Svetlana va devoir se rendre complice d'opérations financières illégales et léguer son corps aux puissants pour avoir sa part du gâteau (un Financier forcément…).
Ces deux destins se croisent et se lancent dans une OPA amoureuse. La tragédie helvète est en place.
J'aurai pu détester ce roman car le biotope des transactions boursières et des milieux affairistes des eighties ne me passionne guère. Je l'ai au contraire adoré.
Le rapport du sexe à l'argent a rarement été aussi bien mis en scène. Dans les hautes sphères, les mariages sont décrits comme des investissements, les divorces comme des krachs boursiers et les mélanges des corps comme des paiements avec contact. de même, l'auteur tend à montrer que l'argent n'est plus un moyen mais une finalité, une religion matérialiste.
Ce roman est construit comme l'algorithme d'un trader qui suivrait le cours des actions de chaque personnage en fonction sa rentabilité et de son paraître. L'honnêteté n'est pas vraiment un indice de croissance, la morale est un signe de faillite. le propos est froid, amoral mais l'histoire d'amour d'Aldo et de Svetlana humanise l'histoire et les incursions narratives de l'auteur en voix off impitoyable dopent les transitions.
Joseph Incardona décode aussi très bien le génome de l'ambition, cette volonté de s'élever dans la société pour rejoindre des castes hors-sols et hors d'atteinte.
Autre force du roman, même les personnages les moins recommandables ne sont pas présentés de façon manichéenne et ils ne sont pas exemptés de tourments. La maladie, la vieillesse, le deuil, les déceptions amoureuses et les amitiés artificielles font fi du statut social et fédèrent la tristesse de l'espèce.
Dès les premières pages, on sent qu'il ne peut y avoir de happy end pour les personnages mais rien n'empêchera tout ce petit monde qui baigne dans le grand monde d'aller au bout de ses obsessions.
Une lecture qui m'a fait penser au Wall Street d'Oliver Stone et au Bucher des Vanités de Tom Wolfe.




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