J'avoue n'avoir jamais entendu parler de
Washington Irving (1783-1859) avant la lecture d'
Astoria. Qui sait qu'il est l'auteur de « La légende de
Sleepy Hollow », la nouvelle dont s'inspira le cinéaste
Tim Burton pour La Légende du cavalier sans tête (
Sleepy Hollow) ? En effet, celui qui est considéré comme le premier homme de lettres américain est peu connu en France malgré une oeuvre abondante.
Astoria n'est pas un roman, mais une sorte d'épopée dont le coeur est l'expédition menée par Wilson Price Hunt pour rejoindre depuis Saint-Louis, à la confluence du Mississipi et du Missouri, le comptoir commercial d'
Astoria, fondé sur la côte Pacifique par son commanditaire et associé, John Jacob Astor, un négociant en peaux. Hunt qui est un homme sans aucune expérience de la Prairie, mais choisi pour ses solides compétences commerciales, quitte au printemps 1811 les villages indiens Aricaras, sur le Missouri, dans le Dakota du Sud, avec soixante-cinq personnes dont un pisteur métis Pierre Dorion et trois trappeurs-guides. Dix personnes périront en route, et après de multiples pé
ripéties, cinquante-cinq rejoindront en groupes séparés la factorerie d'
Astoria, à l'embouchure du fleuve Columbia, dans l'actuel Orégon, au début de 1812.
Ce récit m'a intéressée pour deux raisons. La première concerne la représentation que se font les hommes blancs des « Sauvages » et qui est différente de celle qu'auront plus tard les pionniers. La plume d'Irving est rarement méprisante à l'égard des Naturels. Les coureurs des bois, les trappeurs, les trafiquants de peaux ont des contacts fréquents avec les Indiens, ils ne sont pas véritablement en concurrence sur ces espaces immenses et, surtout, ce ne sont pas des sédentaires qui cherchent à s'accaparer des territoires. Se manifeste donc, parfois, une solidarité entre Blancs et Indiens en raison des échanges, des unions, de la dureté des conditions d'existence. le second intérêt d'
Astoria concerne la desc
ription des contrées de l'Ouest. Il y a des pages magnifiques pour décrire la prairie ou les contreforts des Rocheuses. Pourtant, Irving n'y a jamais mis les pieds puisqu'il rédige son récit à partir d'archives et de témoignages.
Mathias Énard confie dans sa chronique du Monde des Livres du 6 mars 2020 : « malgré tous les efforts du traducteur il faudrait être assis sur une chaise de fakir, cloutée, pour ne pas piquer du nez sur les aventures de Mr Hunt. » Son avis suscite chez moi deux remarques. La traduction de P.N. Grolier est, en effet, remarquable et date de… 1843, sauf erreur de ma part. Quant au côté soporifique de la lecture, je conseillerais à M. Énard – s'il me l'autorise – d'ouvrir de temps à autre
Astoria, de piquer au hasard un passage, et de le savourer à la manière d'une fenêtre qu'on ouvre brusquement pour prendre une grande bouffée de l'air du large.