Un essai d'Edhem ELDEM, professeur au Collège de France, à retrouver en librairie et sur : https://www.lesbelleslettres.com/livre/4460-l-alhambra
L'Alhambra, ensemble palatial fondé aux XIIIe et XIVe siècles par les souverains arabes de Grenade, est resté dans l'ombre pendant plusieurs siècles après la fin de la Reconquista.
Les Espagnols furent les premiers à « redécouvrir » l'Alhambra au XVIIIe siècle, alors que ses visiteurs étrangers en firent l'une des premières destinations touristiques du XIXe siècle. Beaucoup ont laissé de précieuses traces de leur passage : des écrits, des photographies et, surtout, des commentaires dans le livre des visiteurs de l'Alhambra, tenu depuis 1829.
L'historien Edhem Eldem a analysé ce document fascinant pour proposer une vision tout à fait nouvelle de l'Alhambra et de ce qu'il représentait. De Chateaubriand à Owen Jones et de Washington Irving à Jean-Léon Gérôme, les Occidentaux ont bâti une image de l'Andalousie toute empreinte de romantisme et d'orientalisme. Mais l'engouement occidental ne doit pas faire oublier les visiteurs « orientaux » du monument : des Maghrébins, nombreux mais peu loquaces ; des diplomates et voyageurs ottomans, parfois plus orientalistes que les Européens ; des Arabes du Machrek, de plus en plus influencés par le nationalisme arabe prôné par la Nahda, la « renaissance arabe ».
Autant de regards croisés que le registre des visiteurs, la presse de l'époque, les mémoires et les récits de voyage ont permis à l'auteur de reconstituer pour en tirer une histoire culturelle des rapports entre Orient et Occident, Nord et Sud, islam et chrétienté, centre et périphérie.
Ouvrage publié avec le soutien de l'Académie du Royaume du Maroc.
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Il y a du sacré dans les larmes. Ce ne sont pas des signes de faiblesse, mais de force. Ce sont les messagers de l'incommensurable chagrin, et de l'indicible amour.
Partout, quand Noël arrivait,
Un homme en ce temps-là pouvait
Contre le froid opiniâtre
Voir un bon feu lutter dans l'âtre.
Petits et grands faisaient régal.
On conviait le voisinage ;
On les traitait, selon l'usage,
En amis, et l'accueil brutal
Ne contristait pas l'infortune,
Qui prenait place et s'étonnait
De ne point paraître importune ....
(Le Livre d’esquisses)
J'avoue ne rien connaitre à la manière dont le coeur féminin doit être séduit et gagné. À mes yeux, les femmes restent mystérieuses et suscitent toujours mon étonnement. Celle-ci semble n'avoir qu'un unique point faible, et son coeur une seule voie d'accès, tandis qu'à telle autre mènent mille avenues et l'on peut la conquérir de mille façons. Gagner l'affection de la première constitue un gage appréciable d'habileté, mais c'est faire montre de la plus haute stratégie que de conquérir la seconde pour longtemps, car il faut alors défendre la citadelle de son coeur, combattre sans relâche à chaque porte et à chaque fenêtre. Celui qui séduit un millier de coeurs ordinaires acquiert fort logiquement un certain renom, mais celui qui sait garder pour lui seul les faveurs d'une coquette est un véritable héros.
La vigilante Frédégonde était une des vieilles filles les plus méfiantes du monde. Elle avait pour ce qu'elle appelait "le sexe opposé" une terreur qui n'avait fait que s'accroître avec son célibat. Non qu'elle eût l'occasion de pâtir de ses ruses, la Nature l'en ayant garantie par un visage qui interdisait d'empiéter ses terres; mais les femmes qui ont le moins de motifs de craindre pour elles-mêmes montrent souvent un soin extraordinaire à surveiller leurs voisines plus exposées par leurs charmes.
(page 235)
— O sage Ibrahim, demande tout ce que tu voudras. Je suis là pour te fournir tout ce qui est nécessaire dans ta solitude.
— Eh bien, dit le philosophe, j’aimerais bien avoir quelques danseuses.
— Des danseuses ! répéta le trésorier abasourdi.
— Oui, des danseuses, affirma gravement le sage... Oh, quelques unes seulement, car je suis un vieux philosophe, qui se contente de peu. Il faudrait, tout de même, qu’elles soient jeunes et agréables à voir, car la vue de la jeunesse et de la beauté rafraîchit la vieillesse.
J'ai remarqué que les histoires de trésors enfouis par les Maures, si populaires dans toute l'Espagne, reviennent souvent dans la bouche des plus infortunés. C'est ainsi que mère Nature, miséricordieuse, offre des mirages à ceux qui manquent de choses palpables. L'homme altéré rêve de fontaines et d'eaux courantes, l'affamé, de banquets fabuleux, et le miséreux, de monceaux d'or enfouis ; rien n'est plus riche que l'imagination d'un mendiant.
Jamais anéantissement ne fut plus complet que celui des Maures d'Espagne. Où sont-ils ? Interrogez les rivages de Barbarie et ses déserts. Ce qui restait de cet empire si puissant s'est fondu dans l'exil parmi les barbares d'Afrique et a cessé d'être une nation. Après avoir été pendant près de huit cent ans un peuple connu, ils n'ont pas même laissé un nom. La terre qu'ils ont adoptée et occupée pendant des siècles refuse de les reconnaître, si ce n'est comme envahisseurs et usurpateurs. Seuls survivants, quelques monuments en ruine attestent leur puissance révolue, à la façon dans certains rochers solitaires, perdues dans l'intérieur d'un pays, portant témoignage de l'étendue de quelque importante inondation. Tel est l'Alhambra : palais musulman au sein d'une terre chrétienne, édifice oriental parmi les bâtiments gothiques occidentaux, élégant vestige d'un peuple brave, intelligent et raffiné qui conquit, gouverna, et passa.

Une nouvelle classe d'hommes naquit graduellement de ce trafic : on les appelait Coureurs des Bois. Après avoir longtemps accompagné les Indiens dans leurs expéditions et s'être familiarisés avec les différentes tribus, ils étaient devenus, pour ainsi dire, les colporteurs du désert. Ils partaient de Montréal avec des canots remplis de marchandises, d'armes, de munitions, et, suivant les rivières sinueuses qui découpent les vastes forêts du Canada, côtoyant les lacs les plus reculés, ils créaient de nouveaux besoins, de nouvelles habitudes chez les Naturels. Quelquefois ils demeuraient parmi eux des mois entiers, se pliant à leurs goûts et à leurs moeurs avec l'heureuse facilité des Français, adoptant jusqu'à un certain point les costumes indiens, et prenant assez souvent des femmes indiennes pour compagnes.
Douze, quinze, dix-huit mois s'écoulaient parfois sans qu'on eût d'eux aucune nouvelle. Mais un beau jour ils redescendaient en chantant la rivière Ottawa, et leurs canots étaient remplis de peaux de castors. C'était alors le temps des plaisirs et du repos...
Chacune de ses paroles était infaillible pour ses sujets ; car il était si riche,
qu’il n’avait jamais besoin de soutenir son opinion par un argument. L’aubergiste le soignait d’une manière particulière, non qu’il payât mieux
que ses voisins, mais parce que l’argent du riche semble toujours de meilleur aloi. L’hôte avait sans cesse une plaisanterie ou un bon mot à
insinuer dans l’oreille de l’auguste Ramm. À la vérité, Ramm ne riait jamais ; il conservait une imperturbable gravité et un maintien plein de morgue ; mais il récompensait de temps en temps l’aubergiste par un signe d’approbation qui, quoique ce ne fût qu’une sorte de grognement, réjouissait plus l’hôte que les francs éclats de rire d’un homme pauvre.
- Encore l'amour, dit Ahmed. Je t'en prie, ma jolie colombe, peux-tu me dire ce que c'est que l'amour ?
- Trop bien, hélas, mon prince. Pour un, c'est le tourment; pour deux, le bonheur; pour trois, la discorde...
(Page 182)