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EAN : 9782369145585
496 pages
Libretto (06/02/2020)
3.77/5   15 notes
Résumé :

On oublie souvent qu'avant l'or, la vraie richesse de l'Ouest fut la forêt source d'un commerce de la fourrure qui faisait vivre tout un peuple de trappeurs (franco-canadiens pour la plupart, avec quelques pintes de sang iroquois pour faire bonne mesure), tout un peuple de négociants aussi, entre Montréal, New York, Londres et Hambourg. Parmi eux, un petit immigré de souche allemande, John Jacob Astor, eut l'idée d'étendre ce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Lorsqu'une masse critique vous fait le privilége de vous offrir un livre aussi puissant que celui de Washington Irving , Astoria , vous ne pouvez que vous montrer reconnaissant . Un grand merci donc , à Babelio et aux éditions Libretto qui m'ont permis de découvrir un ouvrage marquant de la découverte et l'exploitation de nouveaux horizons , le Nord Ouest américain, par une population européenne en mal d'enrichissement sur des terres encore mal exploitées et conservées par des " sauvages " ignorants mais très vite initiés aux " lois " du commerce . Et là , comme toujours , les plus audacieux s'aventurent avec plus ou moins de réussite .C'est cette épopée qui nous est contée là avec une sincérité louable .Car il ne faut pas s'y tromper , il ne s'agit pas d'un roman mais d'un reportage qui , s'appuyant sur des notes prises " sur le vif " , nous permettra de vivre plus une vraie aventure qu'une fiction .Et c'est là que ce livre devient particulièrement intéressant car c'est un vrai témoignage, un récit authentique relaté par un regard , un regard qui n'a rien de neutre, certes , mais ne semble pas avoir de prétention particuliére non plus . Une grande et belle épopée , l'histoire des exploitants d'une richesse autre que celle de l'or , celle des exploitants de fourrures . Trappeurs et négociants se rejoignent à travers une activité économique lucrative , sur des territoires qui délivrent peu à peu des intérêts plus qu'économique .Le nouveau monde . Un monde à s'approprier.
Incontestablement un super document pour des gens qui s'intéressent à ce sujet et à cette époque , plus hermétique et complexe pour ceux qui attendent une fiction" remuante", alerte....une fiction contemporaine .
Le récit est très bien documenté et écrit mais avec " ce je ne sais quoi de vieillot " .Une certaine neutralité, un certain recul , des faits , rien que des faits , c'est assez " lisse " et rappellera à chacun d'entre nous certaines lectures un peu fastidieuses de notre adolescence, avec ces très belles descriptions ...à analyser .
Un bon récit historique , donc , mais pas forcément de nature à exalter le lecteur .
La couverture , superbe , à mon sens , suggère une intrigue qui n'est pas au rendez - vous . Il n'est pas forcément toujours opportun de vouloir remettre au goût du jour et dans le circuit économique, des oeuvres qui ont " fait leur temps " et peuvent plus servir les intérêts de spécialistes que ceux de lecteurs - lambda comme moi . Monsieur Irving sert la cause des historiens , c'est une certitude et nous devons lui être reconnaissants pour ce témoignage de premier plan . Les spécialistes le reconnaissent comme un grand écrivain. Nul ne contestera cet avis .Comme nombre d 'entre nous , ses écrits ont tout simplement ....vieilli ...C'est loin d'être une tare......Et si quelqu'un parle un jour de nous comme on parle si bien de ce livre , alors ce ne sera pas si mal......Bon, on passe et on profite ....aujourd'hui , c'est comme ça , demain , c'est une autre histoire.....
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Qui n'a jamais rêvé de grands voyages ? Je me souviens, petit garçon, d'avoir passé des heures formidables et mémorables devant des cartes routières obligeamment offertes par l'office du tourisme canadien. Je m'imaginais alors, au guidon d'une moto, rutilante ou défraîchie peu importe, partir sur les routes et les chemins dans un interminable et merveilleux périple qui me conduirait de Québec à Vancouver. Je n'avais ni moto, ni permis, ni argent mais à quoi servirait donc l'imagination ? Certains rêvent leur vie d'autres vivent leurs rêves. Ce fut assurément le cas de John Jacob Astor, le patriarche de la dynastie des Astor, né en Allemagne dans la petite ville de Walldorf et dont la mémoire fut honorée par celui de ses descendants qui, avant de périr à bord du Titanic, fonda le… Waldorff-Astoria, hôtel emblématique de New York.
C'est l'histoire de la fondation d'Astoria, à l'autre bout du continent en Oregon, que raconte ce livre écrit en 1836 par Washington Irving et qui a été qualifié de « premier western de l'histoire ». On y suit deux expéditions, l'une terrestre qui va tenter de relier les Grands Lacs canadiens à la Côte Pacifique, l'autre maritime visant la même destination depuis New York. le but : fonder un comptoir à l'embouchure de la Columbia river afin de pouvoir vendre en Chine les peaux et fourrures récoltées sur l'ensemble du continent pour en rapporter thé, tissus, vases ou bijoux. A travers les fleuves qu'on remonte (Missouri) ou ceux qu'on descend (Snake, Columbia ou Yellow Stone) calmement parfois, furieusement souvent, les Grandes Plaines qu'on arpente, les collines où la vue embrasse des centaines de kilomètres, les Montagnes rocheuses qu'on doit franchir, en été ou au début de l'hiver sous la neige, c'est toute la somptuosité de l'Ouest qui défile. L'Ouest presque désert, peuplé de bisons, d'antilopes, d'élans, de castors, de chevaux sauvages, d'ours. D'Indiens aussi, certains hostiles (Sioux), d'autres très hostiles (Pieds-Noirs), d'autres amicaux et avides de commercer (Aricaras, Chinooks, Omahas), ou simplement suffisamment empathiques pour ne pas laisser mourir de faim un voyageur égaré. A ce propos, il est toujours intéressant de vérifier, par un récit de l'époque de ces premières expéditions, que le manichéisme qui sévira dans les heures de gloire du western hollywoodien (les gentils pionniers attaqués par les méchants Indiens et sauvés par l'arrivée de la cavalerie) auquel succédera le manichéisme inverse (des brutes sanguinaires prêtes à tout pour faire fortune et massacrant de gentils Indiens pacifiques et communiant avec la nature pour leur voler leurs terres) doit être nuancé. Les hommes sont les hommes et, quelle que soit leur couleur de peau et leurs croyances, dès qu'ils sont en position de force ils en abusent au détriment de leurs voisins, de leurs familiers ou de tous ceux qui entravent leurs appétits. L'histoire est aussi vieille que le monde et Hunt, dans une lettre adressée à son patron Astor, se montre assez clair sur les exactions que les tribus indiennes avaient l'habitude de pratiquer les unes vis-à-vis des autres avant l'irruption massive des colons dont beaucoup ne conduisirent pas mieux. D'autres passages éclairent comment, au fil de l'arrivée des Blancs, la situation relativement apaisée des premiers temps put assez vite mal tourner sans réelle préméditation.
C'est également l'occasion de mesurer combien, en l'espace de deux siècles, nous avons perdu les capacités physiques et mentales de nos ancêtres. Celles qui leur permettaient de supporter ce que nous ne serions plus capables d'affronter : la faim, la soif, la souffrance, le désespoir né de l'isolement. Et à cet égard, la description du caractère des Coureurs des bois, issus du Québec peuplé de colons français, pourra sembler aussi éloignée que possible de l'humeur actuelle de notre pays : « Il est peu d'adversités qui puissent comprimer l'esprit jovial que les Voyageurs canadiens ont hérité des Français… Il n'y a pas d'hommes plus soumis à leurs chefs, plus capables de supporter la fatigue, plus joyeusement résignés dans les privations. Ils ne sont jamais si heureux que pendant le cours des plus rudes randonnées où ils s'épuisent à remonter les rivières, à traverser les lacs, campant la nuit sur leurs bords, bivouaquant en plein air et bavardant autour de leurs feux. Ce sont d'habiles et vigoureux bateliers, prêts à ramer sans murmure du matin jusqu'au soir. Celui qui gouverne le bateau chante souvent une vieille chanson française terminée par un refrain qu'ils répètent tous ensemble, en marquant la mesure avec leurs rames. Si de temps en temps ils se laissent abattre et diminuent leurs efforts, il n'y a qu'à entonner une chanson de ce genre pour les remettre en bonne humeur et en pleine activité. Les rivières du Canada retentissent sans cesse de ces couplets français, transmis de bouche en bouche et de père en fils depuis les premiers jours de la colonie. Par une chaude et belle soirée d'été, rien n'est plus gracieux que de voir un bateau glisser sur le sein tranquille des lacs, les rames marquant la cadence de ces vieux refrains ; »
Souvenons-nous que s'il existe aujourd'hui à Québec une université qui se nomme Laval, c'est parce que certains des fondateurs de la ville (magnifique, courrons-y) avaient quelque lien avec le chef-lieu de la Mayenne. de Cadillac à Detroit en passant par Des Moines ou Sault Sainte Marie, toute la région des Grands Lacs porte l'empreinte des descendants de certains de nos aïeux.
Ne cherchez pas de personnages de roman dans ce récit. Ils sont tous très romanesques, mais il aurait fallu les prendre un par un pour consacrer un roman à chacun. le propos de l'écrivain n'est pas là, il se contente de rendre compte de ces deux extraordinaires expéditions, ce qui doit suffire au plaisir de lecture à condition de savoir ce qu'on va lire : un récit de voyage et seulement un récit de voyage. Celui-ci est de grande qualité et, pour qui a eu, par une nuit claire et avec le ventre plein, la chance de contempler les étoiles, allongé sur l'herbe grasse de la Grande Plaine, pour qui a regardé les saumons de la Snake river remonter le courant dans des sauts ahurissants ou qui a admiré les chutes de la Yellowstone river, c'est une irrésistible invitation à repartir vers l'Ouest et à saluer à l'Est nos accueillants cousins québécois et leur « esprit jovial » que vante Irving tout au long de son récit.
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Je remercie chaleureusement les éditions Libretto ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance.

C'est en 1834, que l'homme d'affaires et célèbre financier John Jacob Astor propose à Washington Irving d'écrire l'histoire d'Astoria. Irving est alors tout juste rentré aux États-Unis, auréolé, des deux côtés de l'Atlantique, du statut de plus grand écrivain américain de son époque. le livre d'Irving « Astoria« sera publié en octobre 1836 et il connaîtra un immense succès public et critique dès sa sortie. « Astoria » c'est l'histoire d'une expédition pensée et financée par John Jacob Astor entre 1810 et 1813, d'où le nom donné aux membres de l'expédition qui sont appelés les « Astoriens ». Astor détenait la moitié des parts de la Pacific Fur Company mais également de l'American Fur Company, compagnies spécialisées dans le commerce des fourrures. Astor souhaitait trouver dans la région du fleuve Columbia des zones de chasse pour alimenter ses commerces en fourrures. Deux groupes participèrent à l'expédition D Astor. le premier devait rejoindre par la terre l'embouchure du fleuve Columbia alors que le second groupe devait s'y rendre par la mer. le premier groupe devait explorer l'intérieur des terres tandis que le second avait pour but de commencer la construction d'un fort près de l'embouchure du fleuve. Avant l'or, la forêt fût une source de commerce de la fourrure qui faisait vivre tout un peuple de trappeurs (franco-canadiens pour la plupart), de chasseurs, de négociants. L'essor de la collecte euro-américaine de peaux de castor et de bison conduit à de nombreux mariages de trappeurs et de traiteurs, souvent de langue française parmi les Sioux. Jusqu'aux années 1840, les relations entre Blancs et Indiens des Plaines sont, dans l'ensemble, pacifiques, en dépit de quelques accrochages qui ne manquent pas d'être narré dans « Astoria » avec le soucis du détail et une puissance d'évocation qui en font un témoignage de première main sur cette histoire. C'est ce rêve déçu, d'instaurer un Empire des Fourrures de l'autre côté des Rocheuses avec Astoria pour capitale, qui nous est raconté avec talent par Washington Irving. L'échec d'Astoria rejoint la légende, celles de ces hommes qui partirent au péril de leur vie tenter l'aventure, peu après la célèbre expédition Lewis et Clark. Les membres de ces deux expéditions connurent la faim, la rudesse de ces paysages, la souffrance sur les rapides de la Columbia, le froid et la solitude des montagnes, les relations parfois tendues avec les peuples Indiens.. L'expédition terrestre permit d'explorer le Wyoming et de découvrir le South Pass, un passage permettant de franchir les Rocheuses plus facilement. On considère « Astoria » comme le chef d'oeuvre de Washington Irving, un roman entre récit de voyage, d'aventure avec le soucis d'un réalisme nouveau pour l'époque, et les légendes de l'Ouest sauvage. Si le style d'écriture est par bien des aspects un peu suranné, le souffle épique de ces aventures ne manque pas de nous apprendre des éléments sur la vie de ces trappeurs, des Indiens qu'ils rencontrent sur leur périple. le récit est enlevé il peut être vu comme un excellent moyen d'appréhender les mentalités d'alors surtout du côté des hommes blancs car le regard porté sur les Indiens est lui, le fruit des préjugés sur eux, notamment de leur prétendue sauvagerie et de leur goût pour la rapine. Il faut bien évidemment remettre dans le contexte des idées de cette période de l'histoire des États-Unis, certains passages qui aujourd'hui heurtent nos sensibilités. Malgré ces quelques réserves, je trouve pour ma part que c'est une riche idée que celle des éditions Libretto de republier ce roman témoin de son époque. Irving y décrit la dégradation des relations entre les tribus indiennes et les populations blanches des États-Unis. Récit crépusculaire d'un rêve évanoui, d'un monde qui n'est déjà plus au moment où Irving publie son roman, histoire aussi d'une lutte tragique qui débouchera sur cinquante ans de guerre dans les plaines. Je ne peux que vous inviter à découvrir ce texte témoin important d'une époque.

Lien : https://thedude524.com/2020/..
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Je remercie Babelio pour m'avoir permis la lecture de ce roman du grand auteur américain Washington Irving dans le cadre de l'opération Masse critique.

Ayant particulièrement apprécié la plume de cet écrivain dans les contes de l'Alhambra, étant en outre particulièrement intéressé par tout ce qui a trait à la conquête de l'ouest et à, disons, « l'esprit trappeur », je ne pouvais que m'engouffrer avec intérêt dans cette lecture.

Et de fait, Astoria s'avère être une juste description de cette phase toute particulière de la conquête de l'Amérique, celle des territoires encore à découvrir, à découvrir et surtout à posséder.

Passé le temps de la lutte pour l'indépendance, les américains, nouveau peuple conquérant d'un espace immense, se sont employés à marquer cette terre de leur empreinte, en prenant peu à peu le pas sur les anciens ordonnateurs de l'histoire, français et anglais, au travers de rivalités incessantes.

Dans ce temps de l'histoire, qui précède celui de la ruée vers l'or, chaque partie tenta de poser ses propres jalons sur les routes du commerce roi de l'époque, celui de la pelleterie, qui draina avec lui tout un essor commercial, qui assura une dynamique, un « transport » des hommes et des biens, auquel participèrent, initialement, les premiers habitants des lieux, ces fabuleux peuples indiens qu'Irving nous décrit au fil des pages, avec autant de détails que de clichés, dans le ton de l'époque, mais sans mépris.

Et c'est un intérêt particulier de ce livre que de nous montrer la figure de l'indien non pas comme celle de « l'homme rouge » étant en lutte pour survivre à « l'homme blanc », qui va le supplanter, mais de nous la décrire dans le temps -qui ne durera pas – de la découverte de l'autre, de son apprentissage, oscillant continuellement entre confiance et défiance.

Bref, le temps de l'histoire où le Crow, le Sioux, le Pied-Noir, étaient appréciés pour ce qu'ils étaient: des guerriers intrépides, des cavaliers émérites, des commerçants avisés et des voleurs habiles, qui faisaient preuve autant de sagesse que de « sauvagerie ».

Irving ancre son récit sur la narration des expéditions commerciales qui devaient permettre à J.J. Astor, illustration parfaite de l'Eastman, de fonder une ville, sa ville, qu'il imagina faire sortir de terre en lançant sur les cours d'eau sauvages de la Columbia toute cette foultitude humaine des premiers temps de l'Amérique, Voyageurs et autres trappeurs, véritables chantres du mythe de l'esprit pionnier.

Las, cette histoire restera celle d'un échec, Astoria ne connaîtra pas l'essor rêvé, et restera un maillon de cette chaîne blanche, qui traversa l'Amérique de la première partie du XIXème siècle, celle des Forts et des Comptoirs.

Je ne cacherais pas que la lecture d'Astoria peut parfois apparaître quelque peu fastidieuse. Son intérêt peut pâtir des trop longues descriptions inhérentes à la narration des expéditions. L'aspect « journal de campagne » pourra décourager certains.

Cela étant, la dernière page tournée impose sa conclusion, qui est aussi une leçon. Astoria est le récit d'un échec, un grand échec même, mais qui, in fine, a sans doute plus d'importance que certaines petites victoires de l'histoire de la fondation de l'Amérique.

La faillite d'Astoria s'inscrit dans le concept même du mythe du Rêve américain. Pour que certains réussissent, il faut que d'autres échouent.

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J'avoue n'avoir jamais entendu parler de Washington Irving (1783-1859) avant la lecture d'Astoria. Qui sait qu'il est l'auteur de « La légende de Sleepy Hollow », la nouvelle dont s'inspira le cinéaste Tim Burton pour La Légende du cavalier sans tête (Sleepy Hollow) ? En effet, celui qui est considéré comme le premier homme de lettres américain est peu connu en France malgré une oeuvre abondante.
Astoria n'est pas un roman, mais une sorte d'épopée dont le coeur est l'expédition menée par Wilson Price Hunt pour rejoindre depuis Saint-Louis, à la confluence du Mississipi et du Missouri, le comptoir commercial d'Astoria, fondé sur la côte Pacifique par son commanditaire et associé, John Jacob Astor, un négociant en peaux. Hunt qui est un homme sans aucune expérience de la Prairie, mais choisi pour ses solides compétences commerciales, quitte au printemps 1811 les villages indiens Aricaras, sur le Missouri, dans le Dakota du Sud, avec soixante-cinq personnes dont un pisteur métis Pierre Dorion et trois trappeurs-guides. Dix personnes périront en route, et après de multiples péripéties, cinquante-cinq rejoindront en groupes séparés la factorerie d'Astoria, à l'embouchure du fleuve Columbia, dans l'actuel Orégon, au début de 1812.
Ce récit m'a intéressée pour deux raisons. La première concerne la représentation que se font les hommes blancs des « Sauvages » et qui est différente de celle qu'auront plus tard les pionniers. La plume d'Irving est rarement méprisante à l'égard des Naturels. Les coureurs des bois, les trappeurs, les trafiquants de peaux ont des contacts fréquents avec les Indiens, ils ne sont pas véritablement en concurrence sur ces espaces immenses et, surtout, ce ne sont pas des sédentaires qui cherchent à s'accaparer des territoires. Se manifeste donc, parfois, une solidarité entre Blancs et Indiens en raison des échanges, des unions, de la dureté des conditions d'existence. le second intérêt d'Astoria concerne la description des contrées de l'Ouest. Il y a des pages magnifiques pour décrire la prairie ou les contreforts des Rocheuses. Pourtant, Irving n'y a jamais mis les pieds puisqu'il rédige son récit à partir d'archives et de témoignages.
Mathias Énard confie dans sa chronique du Monde des Livres du 6 mars 2020 : « malgré tous les efforts du traducteur il faudrait être assis sur une chaise de fakir, cloutée, pour ne pas piquer du nez sur les aventures de Mr Hunt. » Son avis suscite chez moi deux remarques. La traduction de P.N. Grolier est, en effet, remarquable et date de… 1843, sauf erreur de ma part. Quant au côté soporifique de la lecture, je conseillerais à M. Énard – s'il me l'autorise – d'ouvrir de temps à autre Astoria, de piquer au hasard un passage, et de le savourer à la manière d'une fenêtre qu'on ouvre brusquement pour prendre une grande bouffée de l'air du large.

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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Une nouvelle classe d'hommes naquit graduellement de ce trafic : on les appelait Coureurs des Bois. Après avoir longtemps accompagné les Indiens dans leurs expéditions et s'être familiarisés avec les différentes tribus, ils étaient devenus, pour ainsi dire, les colporteurs du désert. Ils partaient de Montréal avec des canots remplis de marchandises, d'armes, de munitions, et, suivant les rivières sinueuses qui découpent les vastes forêts du Canada, côtoyant les lacs les plus reculés, ils créaient de nouveaux besoins, de nouvelles habitudes chez les Naturels. Quelquefois ils demeuraient parmi eux des mois entiers, se pliant à leurs goûts et à leurs moeurs avec l'heureuse facilité des Français, adoptant jusqu'à un certain point les costumes indiens, et prenant assez souvent des femmes indiennes pour compagnes.
Douze, quinze, dix-huit mois s'écoulaient parfois sans qu'on eût d'eux aucune nouvelle. Mais un beau jour ils redescendaient en chantant la rivière Ottawa, et leurs canots étaient remplis de peaux de castors. C'était alors le temps des plaisirs et du repos...
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L'acquisition de trois hardis chasseurs était une excellente affaire, surtout en de si dangereux parages. La connaissance qu'ils avaient acquise de l'intérieur du pays était d'une grande importance. Il engagèrent ainsi M. Hunt à changer la direction de sa route. Il s'était d'abord proposé de suivre les traces de MM. Lewis et Clark dans leur fameuse expédition exploratrice, c'est-à-dire de remonter le Missouri jusqu'à ses Fourches, et une fois là de franchir les Montagnes Rocheuses. Les trois chasseurs lui firent remarquer qu'en suivant cette route il serait obligé de passer à travers un pays infesté par les Pieds-Noirs, lesquels, on le sait, avaient juré une haine mortelle aux Blancs à cause de la mort d'un de leurs guerriers, tué par le capitaine Lewis. Nos aventuriers conseillèrent donc à M. Hunt de faire route plus au midi, vers les sources des rivières Platte et Yellow Stone. C'était par là qu'ils étaient revenus, en franchissant les Montagnes par un défilé beaucoup plus praticable que celui de Lewis et Clark. En prenant cette route, M. Hunt devait traverser un pays abondant en gibier, où il avait toutes chances de se procurer les provisions nécessaires, et où il courrait moins de risques d'être molesté par les Pieds-Noirs. S'il adoptait ce projet, il ferait bien d'abandonner la rivière au village des Aricaras, où on allait arriver sous peu de jours. Comme les Indiens de ce village possédaient plus de chevaux qu'il ne leur en fallait, il pourrait leur en acheter un nombre suffisant pour son grand voyage par terre, qui commencerait en cet endroit...
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"Nous tuons les hommes blancs, répondit un des chefs, parce que les hommes blancs nous tuent. Cet individu-là même, ajouta-t-il en montrant Carson, une des nouvelles recrues, a tué un de nos frères l'été passé. Les trois hommes blancs ont été immolés pour venger sa mort."
Le chef avait raison. Carson confessa que se trouvant avec un parti d'Aricaras sur le bord du Missouri, et voyant un parti guerrier de Sioux du côté opposé, il avait déchargé sa carabine vers l'autre rive. C'était un coup perdu, tiré sans en attendre grand résultat, car la rivière avait près d'un quart de lieue de largeur. Malheureusement un guerrier sioux tomba, et ce meurtre, commis de gaieté de coeur, provoqua une terrible vengeance. C'est ainsi que des Blancs, par méchanceté ou par étourderie, commettent fréquemment des outrages contre les Naturels. Les Indiens y répondent suivant une loi de leur code, qui demande sang pour sang ; et leur action, qui n'est chez eux qu'une pieuse vengeance, retentit à travers les terres comme un acte de cruauté perverse et non provoquée. Le voisinage se lève en armes : une guerre s'ensuit, qui finit par la mort de la moitié de la tribu, par la ruine des survivants, et par leur expulsion de leurs demeures héréditaires. Telle est, trop souvent, la véritable histoire des guerres indiennes. On attribue leur origine à quelque caprice sanguinaire d'un Sauvage, tandis que l'outrage du misérable Blanc qui l'a provoqué est ordinairement passé sous silence.
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La plus grande difficulté était de se procurer l'interprète sioux. Il n'y avait à Saint Louis qu'un seul individu qui fût capable de ce service... un métis nommé Pierre Dorion.
Pierre était fils de ce Dorion qui accompagna MM. Lewis et Clark en qualité d'interprète dans leur fameuse expédition exploratrice à travers les Montagnes Rocheuses. Le vieux Dorion était un de ces créoles français, descendant des anciens colons du Canada, qui abondent sur la frontière de l'Ouest et s'amalgament avec les Sauvages. Il avait séjourné parmi différentes tribus, et avait peut-être laissé de sa progéniture chez toutes ; mais sa femme habituelle et régulière était une squaw sioux. Il avait eu d'elle une couvée de fils métis pleins d'espérance. Notre Pierre était l'un de ces enfants. Les affaires domestiques du vieux Dorion étaient conduites suivant le système indien. Père et fils s'enivraient ensemble chaque fois qu'ils le pouvaient, et alors leur cabane devenait le théâtre de grossières clabauderies, de disputes et de batailles, dans lesquelles le vieux Français était souvent fort maltraité par sa race croisée. Dans une de ces affreuses rixes l'un des enfants, ayant renversé le vieil homme par terre, était sur le point de le scalper. "Arrête, mon fils ! s'écria le pauvre diable d'une voix suppliante ; tu es trop brave, trop généreux, pour scalper ton père !" Cet appel toucha le côté français du coeur du Métis, et il permit au vieillard de garder intact son cuir chevelu.
C'est un des membres de cette aimable famille que M. Hunt désirait engager comme interprète.
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Quand un marchand arrivait dans son village, il était obligé de porter et d'étaler dans sa loge toutes les marchandises dont il s'était pourvu. Le chef choisissait alors ce qui convenait à son royal plaisir, couvertures, tabac, whiskey, poudre, balles, grains de verroterie, vermillon. Il mettait ces articles de côté, sans daigner rien donner en échange ; ensuite, appelant son héraut, il lui ordonnait de monter sur le sommet de sa loge et d'inviter tous les chasseurs de la tribu à apporter leurs pelleteries pour trafiquer avec l'homme blanc. La loge se remplissait d'Indiens chargés de peaux d'ours, de castor, de loutre, et d'autres animaux à fourrures. Personne n'avait le droit de discuter les prix fixés par le marchand blanc, qui prenait soin de s'indemniser cinq ou six fois pour les marchandises que le chef s'était administrées. De cette manière, l'Oiseau-Noir s'enrichissait tout en enrichissant les Blancs, ce qui le rendit fort populaire parmi les marchands du Missouri. Ses guerriers, cependant, n'étaient pas trop satisfaits d'un système commercial qui leur était si manifestement désavantageux ; et ils commencèrent à montrer quelques signes de mécontentement. Dans cette conjoncture, un marchand rusé et sans principes révéla à l'Oiseau-Noir un secret à l'aide duquel il pourrait obtenir un pouvoir sans bornes sur ses superstitieux sujets ; il l'instruisit des qualités mortelles de l'arsenic, et lui fournit une ample provision de cette drogue homicide. Depuis ce temps, l'Oiseau-Noir sembla doué du don de prophétie, et du pouvoir surnaturel de disposer de la vie et de la mort de ses guerriers. Malheur à celui qui osait mettre en question son autorité ou résister à ses ordres. L'Oiseau-Noir annonçait qu'il mourrait avant telle date, et il avait les moyens secrets d'accomplir sa prophétie. Avant l'époque prédite, le guerrier, attaqué d'un mal étrange et soudain, disparaissait de la surface de la terre. Chacun restait épouvanté de ces exemples multipliés du pouvoir surhumain de leur chef ; chacun craignait de mécontenter un être si puissant et si vindicatif ; et l'Oiseau-Noir jouissait d'une autorité incontestée et sans bornes.
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Videos de Washington Irving (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Washington Irving
Un essai d'Edhem ELDEM, professeur au Collège de France, à retrouver en librairie et sur : https://www.lesbelleslettres.com/livre/4460-l-alhambra
L'Alhambra, ensemble palatial fondé aux XIIIe et XIVe siècles par les souverains arabes de Grenade, est resté dans l'ombre pendant plusieurs siècles après la fin de la Reconquista. Les Espagnols furent les premiers à « redécouvrir » l'Alhambra au XVIIIe siècle, alors que ses visiteurs étrangers en firent l'une des premières destinations touristiques du XIXe siècle. Beaucoup ont laissé de précieuses traces de leur passage : des écrits, des photographies et, surtout, des commentaires dans le livre des visiteurs de l'Alhambra, tenu depuis 1829. L'historien Edhem Eldem a analysé ce document fascinant pour proposer une vision tout à fait nouvelle de l'Alhambra et de ce qu'il représentait. De Chateaubriand à Owen Jones et de Washington Irving à Jean-Léon Gérôme, les Occidentaux ont bâti une image de l'Andalousie toute empreinte de romantisme et d'orientalisme. Mais l'engouement occidental ne doit pas faire oublier les visiteurs « orientaux » du monument : des Maghrébins, nombreux mais peu loquaces ; des diplomates et voyageurs ottomans, parfois plus orientalistes que les Européens ; des Arabes du Machrek, de plus en plus influencés par le nationalisme arabe prôné par la Nahda, la « renaissance arabe ». Autant de regards croisés que le registre des visiteurs, la presse de l'époque, les mémoires et les récits de voyage ont permis à l'auteur de reconstituer pour en tirer une histoire culturelle des rapports entre Orient et Occident, Nord et Sud, islam et chrétienté, centre et périphérie.
Ouvrage publié avec le soutien de l'Académie du Royaume du Maroc.
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