Depuis sa sortie en poche (en 2021 alors que le livre original en espagnol est sorti en 2012), j'étais tentée par la lecture de ce livre dont je lisais des critiques dithyrambiques. Et puis, je suis tombée sur la publicité de l'autobiographie de
Dita Kraus (parue en 2020 pour le titre original et en 2021 pour l'édition française en poche),
la bibliothécaire d'Auschwitz dont il est question dans ce roman et j'ai fait le choix de commencer par l'autobiographie avant de lire le roman. Grand mal m'en a pris car, du coup, je n'arrêtais pas de comparer et j'avais le sentiment que le propos de l'auteur (Antonio J. Iturbe) était trop romancé (donc au final entâché d'un manque de crédibilité quand à la réalité des faits) mais aussi que la figure de son personnage principal, ici Dita, était par trop héroïque (et ne correspondait pas de fait à la personnalité plus atténuée que j'avais ressentie à la lecture de son autobiographie).
Bref, si j'ai un conseil à donner, c'est de commencer par le roman pour s'en imprégner totalement et ressentir pleinement ce qu'il y a à ressentir, puis de continuer avec l'autobiographie (dont on verra d'ailleurs qu'il existe très peu de pages relatant le rôle de Dita au sein de la bibliothèque, d'où une réelle frustration).
Il n'en reste pas moins que cette histoire de bibliothèque cachée dans le bloc 31 du "camp des familles" de Birkenau est réelle et confirmée tant par la principale intéressée que par quelques survivants qui ont écrit à ce sujet. Pendant plusieurs années, des centaines d'enfants ont pu y recevoir quelque instruction mais surtout s'ouvrir à des activités ludiques leur permettant de s'évader d'une réalité insupportable. La façon dont les quelques livres disponibles sont protégés est remarquable ainsi que le rôle déterminant des adultes qui en tant que "livres vivants" racontaient aux enfants les histoires qu'ils connaissaient et dont ils gardaient la mémoire vive.
Il n'en reste pas moins que les conditions de survie des détenus de ce camp et les événements qui y sont relatés sont réels et étayés par de nombreux témoignages... Au bémol près que ce "camp des familles" était le moins pire des camps d'Auschwitz puisque devant servir de "vitrine" pour la propagande et pour leurrer les associations caritatives, telle la Croix Rouge internationale sur la réalité de ce qui se passait dans les camps de concentration.
Le dernier tiers de l'ouvrage est particulièrement intéressant. Il montre la débâcle des Allemands et les conditions dans lesquelles les détenus ont été soit exterminés, soit trimbalés d'un camp à l'autre jusqu'à leur libération.
Et puis, les dernières pages se terminent sur l'évocation du devenir de certains personnages-clés du récit (tant du côté allemand que du côté des déportés) ainsi que les contacts qui, depuis 10 ans, se sont établis entre l'auteur et
Dita Kraus, toujours vivante.
Et, enfin, j'ai eu la surprise de lire, en fin d'ouvrage, que mon ressenti était finalement le bon puisque l'auteur écrit cela en dernière page :
"Dita se fâche car, sous ma plume, son personnage apparaît comme une héroïne. Pour moi, les héros ne sont pas les individus baraqués des films. Ce sont ceux qui tombent et se relèvent, ceux qui, après être tombés cent fois, continuent d'aller de l'avant une fois. Elle est la plus grande héroïne que j'ai connue."
Et c'est clair que de la savoir encore alerte à plus de quatre-vingt dix ans et oeuvrant toujours pour la transmission de la mémoire, après tout ce qu'elle a vécu, on ne peut que lui tirer notre chapeau.