Alex Verus, tome 1 : Destinée

Ah, ne me lancez pas sur le sujet des licornes. Pour une raison mystérieuse, tout le monde en a une image idéalisée, comme s'il s'agissait de flocons de neige splendides et innocents. Splendides, certes. Mais innocents ? Laissez-moi rire. Attendez qu'un de ces petits salopards essaie de vous transformer en kebab, et vous allez vite changer d'avis.

J'ai entrepris de passer en revue les futurs un à un, dans le but d'identifier celui où je parviendrai à forcer la statue sans activer l'élémentaire de foudre. C'était un processus lent et laborieux, et le temps filait tandis que je restais là, debout, à trier tous ces possibles qui n'en finissait pas de basculer, de changer, dans l'espoir de dénicher le bon. J'ai dû en visionner plus de mille, peut être deux ou trois mille, en essayant tous les objets, toutes les actions, toutes les combinaisons de sorts imaginables. Avec toujours la même conclusion.

Les devins ne peuvent pas dégainer l'arsenal flamboyant des mages élémentaires. Nous ne savons ni voler ni lancer du feu ou désintégrer des trucs. (...) Ce que nous possédons, en revanche, c'est la connaissance, et à condition de l'employer à bon escient, elle peut devenir un moyen de pression redoutable.

Quand on parle de prédire l'avenir, la plupart des gens s'imaginent un gars bizarrement accoutré en train d'hypnotiser une boule de cristal ou de lire dans des feuilles de thé. Ils seraient franchement déçus de me voir faire. Je ne suis pas amateur de boules de cristal, et je déteste la méthode des feuilles de thé. Il m'arrive en revanche de me servir des tarots, mais uniquement dans des occasions très spécifiques, et elles sont rares. Non, ce que font les vrais devins lorsqu'ils veulent se mettre sérieusement au boulot, c'est trouver un coin calme et isolé, s'installer confortablement puis fermer les yeux. Pour le profane, ça ressemble à une petite sieste, mais les meilleurs devins peuvent voir à peu près ce qu'ils veulent sans quitter leur fauteuil.

Il a placé la verveine, la myrrhe et l’encens dans le sachet que je lui tendais et a payé sans cesser de me fixer d’un air stupéfait, puis il est parti.

Quand on doit se rendre à une rencontre entre mages, le choix de l'équipement est une affaire délicate. La frontière est ténue entre se préparer aux problèmes et être considéré soi même comme le problème.

Je n'en ai pas l'air comme ça, mais je suis un très bon danseur, depuis mon apprentissage avec Richard. Je n'ai pas eu beaucoup d'occasions de pratiquer, depuis, mais c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas.

Certes, le savoir peut être une source de souffrance, mais l'ignorance peut faire beaucoup plus de mal encore.

Je m’appelle Alex Verus. Ce n’est pas mon nom de naissance, mais ça c’est une autre histoire. Je suis devin. On appelle parfois les gens comme moi oracles, ou voyants. Ou bien mage, si on veut se donner un genre intello. Personnellement, tous ces termes me conviennent, du moment qu’on ne me traite pas de « diseur de bonne aventure ». Je ne suis pas le seul mage dans ce pays, mais à ma connaissance je suis le seul à tenir une boutique.

C'était une journée calme, et j'étais tranquillement en train de lire derrière le comptoir, scrutant l'avenir.
Il n'y avait que deux clients dan la boutique. Le premier était un étudiant, la chevelure en bataille, qui jetait nerveusement des coups d’œil par-dessus son épaule. Il se tenait près du rayon des herbes et des poudres et avait déjà fait son choix depuis dix bonnes minutes sans trouver le courage de venir me parler. Le second était un ado en T-shirt Linkin Park qui avait repéré une boule de cristal mais attendait que le premier soit parti pour passer à la caisse.