Les six millions, vous savez ce qui leur est arrivé. Moi je voulais vivre, vivre malgré tout. Vivre. Un jour de plus une semaine ! J’ai saisi l’étincelle de vise au fond de mon cœur et je m’y suis accrochée. Sans problème de conscience ou autre chose. Pourquoi ? D’abord, si j’avais refusé, une autre l’aurait fait en cent fois pire que moi. Et puis on se doit d’être solidaire envers soi-même. Ce n’est pas seulement naturel, c’est moral. C’est même recommandé par la religion au nom de Pikouah ha Nefesh. C’est un commandement divin comme quoi la vie humaine est tellement sacrée quon a le droit de tout faire pour la conserver. Et je l’ai fait. C’est tout. J’ai eu cette chance de ne pas terminer ma vie dans une chambre à gaz. Et je n’ai pas honte et je ne vous demande pas pardon. C’est tout. Je ne suis pas un monstre. Je suis comme vous monsieur le juge, seulement en plus malheureuse. C’est tout !
R. : Parce que je n'ai commis aucune faute de conscience malgré toutes les souffrances et le malheur qu'il m'a été donné de vivre à Ravensbruck. Je vais te dire une dernière chose, Judith, écoute bien, tes cheveux vont se dresser sur ta tête. Parfois, lorsque les prisonnières se défendaient avant d'être fusillées, l'Oberscharführer Moll les jetait vivantes au feu dans les fosses communes. Une fois, pour s'amuser, il m'a ordonné de chanter et de sauter au-dessus des corps en train de brûler. Alors à côté de ça, tu vois, tu n'es qu'un petit cauchemar. Tu n'existes pas.
-A quoi servent les écrivains ?
- Paula Jacques : A éclairer la complexité de l'âme humaine . A maintenir le goût de miel des mots sur la langue . A restituer , mieux que l'historien parfois , la mémoire des choses du passé . A vivre les milles vies que l'on ne connaîtra jamais . A mieux se connaître soi-même .
( interview de l'auteur en 2015 ).
Remerciements
Je tiens à exprimer ici toute ma reconnaissance aux personnes qui m'ont apporté conseil, soutien et encouragement à écrire cette fiction basée sur des faits historiques. Je remercie Eglal Errera, Tom Segev, Annette Wievorka, Amos Gitaï, Dan Setton, Henri Leclerc, Jean-Louis Chalanset.
Solly et Lola Sasson ne se mêlaient de rien. Ils se tenaient à l'écart, ni joyeux ni pleins d'espoir. Pour eux, débarquer à Haïfa ou à Zanzibar, ils ne voyaient pas la différence. Enfin, on verra bien, dit Solly, histoire de dire quelque chose de rassurant. De toute façon, ça ne pouvait pas être pire que ce qui était arrivé déjà et Lola dit oui, ça ne pouvait pas être pire.