Passionnés d'histoire maritime, ce livre exceptionnel est pour vous. D'une grande richesse d'informations glanées dans des mètres linéaires d'archives, les auteurs ont effectué un travail remarquable pour rendre honneur à l'amiral Guichen, on disait, à l'époque Lieutenant général, et présenter ce qu'était la marine royale française de la fin de la Régence à la Révolution.
Cette marine si fragile sous Louis XV, incapable de tenir la mer, faute de moyens robustes, et encore moins de rivaliser avec la Royal Navy, deviendra fine tacticienne avec des bateaux toujours aussi médiocres mais qui tiendra la dragée haute au champion en titre des mers, la perfide Albion, il est vrai disséminée sur de trop nombreux théâtres d'opérations dont celui de la révolte des colonies américaines.
Au-delà des batailles de ce siècle des Lumières, les auteurs abordent également la vie à bord, 'organisation des ports, les difficultés du loin, longtemps en équipage à une époque où l'hygiène et les moyens de bien nourrir les hommes étaient chose ardue. On découvre aussi les contraintes du tout à la voile. Comment il est difficile de sortir d'un port et d'y rentrer, de rallier les autres navires et enfin de maintenir un comportement au combat stable pour l'emporter.
Quant à Guichen, c'est un marin, un tacticien naval (au regard de la stratégie de cette époque) et un homme tout simplement admirable. Il est l'archétype du serviteur de son royaume. Chevaleresque, il est diplomate. Bien loin des grandes bouches de l'époque, comme de Grasse ou Suffren !
Il consacrera sa vie à la mer et à son pays. Il donnera au Roi ses trois fils, deux décèderont d'un accident et le dernier des suites des blessures d'un combat naval que son père dirigeait. A soixante dix ans, Guichen menait les escadres de Louis XVI. Qui commanderait encore à cet âge à la mer ?
Ces victoires furent peu mises en exposition, et pourtant elles furent si importantes qu'elles permirent que d'autres plus médiatiques arrivent, comme celle de la Chesapeake, qui permet aux troupes américaines de l'emporter à Yorktown sur les Britanniques.
Il est regrettable que Guichen ne soit pas reconnu à sa plus juste valeur. Deux navires de la marine portèrent son nom. Un croiseur de la Belle époque et un escorteur d'escadre, prise de guerre aux Italiens, qui servit jusqu'en 1976. C'est peu.
Même moi, ancien marin, ayant vécu à côté de sa ville, Morlaix où il est enterré, je ne connaissais pas le personnage ô combien modeste mais rapporté comme très humain.
Pour illustrer ce portrait, je donnerai sa réponse à des officiers qui le félicitait pour avoir reçu la plus haute décoration de la royauté française.
« Messieurs, le Roi a voulu accorder une croix de ses ordres aux corps de la marine et c'est moi qu'il a chargé de la porter ».
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