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Citations sur Le capital, c'est ta vie (22)

Si bien qu’il y a un marché pour toute chose en ce monde, pour ce qui se trouve sur terre et dans les airs, dans les mers, pour toute chose qui est là et pour tout ce qui arrive et tout ce qui pourrait arriver dans l’avenir et tout ce qui se passe dans tous les organes du corps et dans les tréfonds de l’âme, du début jusqu’à la fin de ma vie :
le marché des frites congelées
le marché des mères porteuses
le marché de la liquidité interbancaire
le marché du cobalt
le marché du divorce
le marché des produits dérivés
le marché des droits à polluer
le marché des assurances
le marché des pur-sang
le marché de l’emploi des jeunes
le marché de la dépression
le marché de la méthamphétamine
le marché du cannabis
le marché du gaz
le marché des organes
le marché de la fin de vie
le marché des produits ménagers bio
le marché des familles monoparentales
le marché de la préadolescence
le marché des produits pétroliers
le marché du sexe tarifé
le marché de l’audit
le marché du logement
le marché du conseil en prospective
le marché du voyage et de l’évasion
le marché du sommeil
le marché de l’attention
le marché des vélos d’occasion
le marché des voitures neuves électriques
le marché des embryons animaux
le marché de l’espace et des corps célestes
le marché du taux actuariel
le marché des rencontres amoureuses
le marché du kiwi
le marché des loisirs créatifs
le marché conjugal
le marché du nettoyage à domicile
le marché des droits de pêche
le marché des devises
le marché de l’outplacement
le marché du jardinage particulier
le marché des taux d’intérêt à moyen terme
le marché des produits nucléaires
le marché de la garde d’enfants
le marché du crime
le marché de la beauté
le marché de la formation
le marché du lithium
le marché des swaps
le marché de l’aide à domicile
le marché des opiacés et antidouleurs
le marché du sextoy
le marché du soutien scolaire
le marché de la truite fumée
le marché du jouet
le marché de l’amitié et des nouvelles rencontres
le marché des valeurs technologiques
le marché des vaccins
le marché de la plaisance
le marché de l’emploi universitaire
On n’arriverait certainement pas à terminer un jour la liste, si bien qu’on se dit sans exagérer à la fin que le marché est devenu la seule catégorie qui permet d’appréhender le monde dans son entier, le marché c’est le monde et le monde c’est le marché, pour ainsi dire le monde est tombé dans le marché, le marché est tombé sur toute chose, et dans un article resté célèbre, publié dans le Journal of Economic Perspectives en 1991, quelques mois avant l’effondrement définitif de l’Empire soviétique, le Prix Nobel Herbert Simon conçoit qu’un visiteur imaginaire venu de Mars, approchant de la Terre équipé d’un télescope susceptible de révéler la nature des structures sociales surdéterminées par le marché (en rouge) ou non (en vert), ce visiteur, estime Simon, enverrait un message chez lui décrivant de « grandes zones vertes interconnectées par des lignes rouges ».
Mais revenant trente ans plus tard, le visiteur de Mars apercevrait une tout autre planète, rouge vif, où le marché a pris toute la place, eh oui, ça frotte, c’est dur, on perd parfois ses repères, les prix fluctuent, s’envolent, c’est l’affolement, ou bien les choses perdent brutalement toute leur valeur, tout s’effondre et on lâche prise, c’est la panique, mais dans l’ensemble, ça marche, chaque jour quand tu sors dans la rue, c’est cadré, tu arrives toujours à négocier ta place dans ce monde, tu sais où tu vas, tu as des projets, tu es prêt à rebondir, tu es à l’écoute de ton désir, tu stabilises tes préférences, tu en as besoin pour conduire ta vie.
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Je cherche à croiser un autre regard, n’importe lequel, qui me verrait vraiment, qui reconnaîtrait un semblable ou qui compatirait un peu, avant que tout ce qui se passe autour de moi ne se transforme en menace, en offense, qu’il m’apporte un peu de soutien, de consolation, aidez-moi, donnez-moi un avenir, mais non, je suis au présent, vulnérable, verrue coincée dans un paysage qui défile sans fin, tout ce monde empressé,affairé, et moi, je suis comme un chantier arrêté, une maison inhabitée ou désertée, ou déjà en ruine.
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Tu as de la chance, comme pour beaucoup de gens autour de toi, la question ne se pose pas de ta survie, ici-bas ou dans l’au-delà – savoir si tu vas manger à ta faim ou si tu survivras à ta propre mort, cette condition n’a jamais été la tienne. Qu’as-tu en commun avec celui ou celle, dans tant de pays du monde, qui doit trouver de quoi se nourrir chaque jour et prie chaque soir pour le salut de son âme ?
Tu appartiens à la classe moyenne, ta condition, ce n’est pas ta survie, c’est ta vie, c’est-à-dire tes projets à moyen terme : prévoir les vacances, déménager, arrêter de fumer, avoir un enfant, changer de travail, trouver une maison à la campagne avec un petit jardin, etc.

En 1983, j’ai treize ans, je suis au collège, je viens d’arriver à Paris, c’est le « tournant de la rigueur », la gauche socialiste au pouvoir depuis deux ans se convertit à l’orthodoxie monétaire et budgétaire et le gouvernement prend le décret 83-797 du 6 septembre 1983 dont l’article 4 inscrit dans le droit le principe de priorité au carrefour giratoire, ou rond-point, dont l’installation se généralisera massivement les années suivantes. Toutes les études montrent que ce dispositif améliore considérablement la sécurité routière dans les agglomérations.

Dans ces moments de panique aiguë, je forme des images instables, j’esquisse des destinations floues, des plans sur la comète, des projets imprécis, autant de moments ou de lieux, d’activités plus supportables, plus excitants, etc., et tout de suite je les détruis, je les efface avant même qu’ils ne commencent à exister, à trouver un semblant de forme, un début d’épaisseur.
Dans ces moments-là, mon esprit s’épuise, sans fil directeur, sans continuité, il tourne en rond et il bifurque, plusieurs fois par seconde, d’une angoisse à une autre, sans lien, de plus en plus vite, par là, par ici, non par là, par ici, et puis ça monte à nouveau dans mes jambes, je suis perdu, pas de planche pour me sauver, je fuis sans fin, immobile, tuyau percé de mille trous.

La question qui doit être celle de ta vie : quelles sont tes options ?
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En 1983, j’avais treize ans, j’avais souvent mal au ventre, la veille d’aller à l’école et le matin au réveil, il arrivait que je reste à la maison certains jours, ma mère prévenait le collège, elle préparait un mot d’excuse et mon père rédigeait un certificat médical.

Cette même année, dans un article resté célèbre, l’économiste Theodore Levitt invente le terme « globalization » que l’on traduira par « mondialisation », pour désigner ce qui est en train d’arriver et le monde est en train de naître : les entreprises, explique Levitt, sont en voie de passer d’une logique d’adaptation des produits aux marchés locaux à une offre de produits standardisés, sophistiqués, fonctionnels, fiables et à des prix peu élevés. Reprenant la fameuse distinction d’Isaiah Berlin entre le renard qui en sait beaucoup sur beaucoup de sujets (Tolstoï) et le hérisson qui sait tout sur un seul sujet (Dostoïevski), il y affirme que « la firme multinationale en sait beaucoup sur beaucoup de pays et s’adapte gentiment aux différences supposées entre eux (…). Elle ne comprend pas combien le monde est prêt à toucher les bénéfices de la modernité, surtout au meilleur prix. Cette approche est médiévale. L’entreprise globale, elle, sait tout d’une seule chose. Elle sait qu’il faut être compétitive à l’échelle mondiale et nationale et cherche le prix le plus bas en standardisant ce qu’elle vend et ses modes de production. Elle sait une chose importante que toutes les nations et les peuples ont en commun : le manque. Tout le monde veut plus. C’est l’explication de la division du travail et de la spécialisation de la production. C’est ce qui permet aux peuples et aux nations d’améliorer leurs conditions par le commerce. Son moyen est en général l’argent. »

Quant à moi, je sens que quelque chose envahit mes jambes, je fabrique un nuage glacé qui m’engloutit.

En 1983, Kim, elle, n’a que trois ans, elle est la deuxième fille de Kris et de Robert Kardashian, elle ne manque de rien, elle partage la même chambre que sa sœur Kourtney dans une maison très confortable avec piscine à Los Angeles, et elle ne peut savoir encore la place que le monde va lui réserver dans quelques années.
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Et moi qui me croyais si fort dans ce monde, je suis là où je n’existe plus, dans une contrée hostile, douloureuse.

Regardez mon œil blanc aveuglé par la panique, comme je tremble maintenant, mes doigts glacés, livides, le bout de mes doigts blancs, les voilà qui tremblent, ma cigarette tremble aussi, je regarde les doigts de ma main gauche, je ne peux rien, rien n’arrive à les arrêter.
Dans ces moments-là, ça tombe sur moi, par secousses brutales ou par petites convulsions, non, ça ne tombe pas, je suis assis au bord d’un banc dans le square, c’est l’après-midi, les cris d’enfants vrillent mes oreilles partout autour de moi, non, ça ne tombe pas, ça vient par en dessous, du bas de mon corps, de mes chevilles, de mes jambes, et ça monte, ça monte, ça monte jusqu’à ce qu’une main énorme, invisible, se referme sur ma poitrine, sur mon cœur, sur mes poumons, qui secoue, qui serre, qui serre, une main froide, d’acier, et je suffoque.
Autour de moi, le monde, les gens, les choses deviennent tellement durs, sans pitié, ils me poussent, ils me bousculent, dans ces moments-là il faut que j’aille chercher l’air le plus loin possible, expirer lentement, tenter de calmer cette souffrance qui monte à nouveau, qui agite tous mes membres.
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Ne t’endors pas, ne passe pas à côté, fais quelque chose de ta vie.
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Tu as si peur, essaie de respirer calmement, tu as si peur que le monde avance sans toi, qu’il te laisse sur le bord, seul, sans défense.
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Si je m’investis, c’est bon pour mon estime de soi et, même si de méchantes rafales de pluie poussées par la tempête continuent de frapper les vitres de la fenêtre de ma chambre, je n’ai qu’à avoir quelques petits projets, et je vais m’en sortir, le monde est là maintenant, je sais qu’il n’attendra pas, ni moi ni personne.
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Je n’y peux rien, le MONDE est advenu, ça a pris du temps, mais je sens qu’il est bien là, ce monde, il coule dans mes veines, voyez comme il loge désormais dans chacun de mes organes et chacune de mes cellules ou presque, il vit en moi, je n’y peux rien.
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Assez dormi, tu ne te rends pas compte, tout ça, ça pue la misère et le renfermé, fais un effort, soulève-toi, pousse sur tes jambes, tire sur tes bras, tu peux ramper jusqu’à l’entrée de ton terrier, bois un peu d’eau, remplis tes poumons de l’air qui brûle dehors, redresse-toi, sors.
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