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EAN : 9782072994302
144 pages
Verticales (05/01/2023)
2.6/5   10 notes
Résumé :
Le capital, c’est ta vie, il te ronge, il te brise, il t’abîme. Tu n’échapperas pas à sa domination qui est la mesure de toute chose et de toute existence. Tu paniques, n’arrives plus à respirer, tu ne t’appartiens plus. L’empire de la valeur a fait de toi son esclave.
Dans ce monde, tu es devenu ton propre bourreau.
H. J.

Dans ce roman, Hugues Jallon raconte de l’intérieur l’effondrement psychique d’un personnage dévasté par la violence... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une prose poétique rare et incisive pour conjurer en beauté la peur qui tétanise face à ce que les feux du capitalisme nous réservent désormais.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/07/20/note-de-lecture-le-capital-cest-ta-vie-hugues-jallon/

La peur. La peur ultime. La peur fondamentale, qui se terre sous toutes les autres, en quelque sorte. Un beau jour, il en devient presque secondaire, le tissu d'effroi distillé tous azimuts par notre environnement orienté (qu'il cherche le shock & awe qui paralyserait tout esprit de résistance – comme le théorisaient les militaires américains des années 1985, avant tout le monde – ou qu'il favorise le besoin de refuge et de cocon – comme le montrait précocement le regretté Bernard Stiegler, et comme le développe, entre autres fils conducteurs, l'Alain Damasio des « Furtifs »), ce tissu d'effroi précisément qu'Hugues Jallon creusait en 2007 dans nos chairs et nos âmes (« Zone de combat »). Alors, les expérimentations de développement personnel généralisé et de création d'atmosphère pour cadres dirigeants et moins dirigeants (« le début de quelque chose », 2011) sont devenues moins efficaces, la propagande insidieuse ou plus directe a échoué pour des raisons pas toutes parfaitement connues (« La conquête des coeurs et des esprits », 2015), les échappées hors de la toujours plus glaçante vie matérielle semblent toujours plus impossibles (« Hélène ou le soulèvement », 2019). Alors survient la peur fondamentale (un Jean-Yves Jouannais aurait pu la nommer MOAF, Mother of All Fears), qui n'est pas, contre toutes attentes désormais, celle de l'effondrement écologique et climatique, mais bien celle provoquée par son véritable vecteur sous-jacent : la peur brute, physique, face à un capitalisme mondialisé triomphant – qui perdra, certes, mais pas sans être allé au bout de ses implications logiques les plus mortifères.

Theodore Levitt et Gary Becker, Jacob Mincer et Friedrich Hayek, Herbert Simon et Victor Gruen, Ludwig von Mises et Walter Lippmann, et pas mal d'autres encore : comme dans « Les effondrés » de Mathieu Larnaudie, qui saisissait comme personne d'autre le sens du « moment » de la crise des subprimes, les protagonistes qui habitent les interstices du texte sont inhabituels, personnages hautement significatifs qui se dérobent le plus souvent à l'analyse savante et davantage encore à la mise en scène culturelle, à de rares exceptions près. D'un colloque fort savant inventant le mot « néo-libéralisme » en 1938 aux réflexions très déterminées des anticommunistes du Mont-Pèlerin, il n'y a nul besoin de recours à un complotisme de mauvais aloi, face à une convergence d'intérêts objectifs qui sauront, contre vents et marées, « consolider les fondements de la constitution microéconomique du monde » – libérer des agents suivant (presque) toujours leurs intérêts bien compris (à court terme) -, et enfin faire régner « le monde où chacun devra et pourra conduire sa vie comme un capital, en individu enfin libre et responsable » : un monde où il est donc parfaitement cohérent que Kim Kardashian devienne une icône centrale et presque terminale.

Loin de la richesse en surplomb, en entre-soi et en foi du charbonnier du récent « Les solastalgiques » de Martin Hirsch (dont on vous parlera néanmoins prochainement sur ce blog), « le capital, c'est ta vie » sait à merveille manipuler une forme de recensement systémique qui, pour prendre l'apparence d'un flux de conscience ou d'un fil de la plume, n'en parvient pas moins à agencer subtilement, directement ou indirectement, métaphoriquement ou analytiquement selon les besoins, aussi bien le terrier de Franz Kafka que le tunnel de William H. Gass, les ronds-points de Julien Campredon que les univers de poche (où il faudrait détordre la consommation) de Philippe Annocque, les chocs entre matérialisme repensé et tentation religieuse d'Hélène Ling que les camisoles chimiques intériorisées de Christophe Esnault. C'est qu'Hugues Jallon, depuis l'origine même, depuis son « La base » de 2004, loin des essais déguisés de trop d'impétrants se piquant de compréhension du monde contemporain, réalise intimement qu'au-delà d'une certaine température, de fusion ou de sublimation, les accidents font structure, et que, contrairement à une vulgate ordo-libérale davantage issue de la moelle épinière que du cerveau, comprendre, ce n'est pas déjà excuser – mais bien plutôt la condition de l'action face au mélange de tétanie et de résignation qui est à l'oeuvre. Cette écriture poétique rigoureuse et si magnifiquement documentée est là, une fois de plus, pour nous en convaincre.

Lien : https://charybde2.wordpress...
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Ce roman d'Hugues Jallon est déroutant.
Le personnage principal subit des attaques de panique. Mais je n'ai pas pu le relier à l'Institut des Hautes Études Internationales, à Kim Kardashian, au tremblement de terre dans un hypermarché, à la cache dans un tronc d'arbre et à Lucia.
Est-ce toujours le même personnage ?
Un passage m'a tout de même intéressé : le capital économique que représente le corps de Kim pour toute la familia Kardashian, et qui a donné le titre le capital, c'est ta vie.
Sinon, un récit abscons fermé au lecteur.
Ou un roman qui ne m'était pas destiné.
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critiques presse (2)
LeMonde
20 mars 2023
Dans Le Capital, c’est ta vie, les ruptures de ton se révèlent aussi fécondes que les silences. En ses dernières ­pages, Hugues Jallon trouve même de mystérieuses ressources pour opposer à la violence la douceur de l’amour et de la poésie.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
02 janvier 2023
Dans ce texte original, l'auteur et éditeur d'Hugues Jallon aborde l?emprise néfaste des logiques de marché à travers le mal-être d'un narrateur angoissé et la figure de Kim Kardashian. Brillant.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Si bien qu’il y a un marché pour toute chose en ce monde, pour ce qui se trouve sur terre et dans les airs, dans les mers, pour toute chose qui est là et pour tout ce qui arrive et tout ce qui pourrait arriver dans l’avenir et tout ce qui se passe dans tous les organes du corps et dans les tréfonds de l’âme, du début jusqu’à la fin de ma vie :
le marché des frites congelées
le marché des mères porteuses
le marché de la liquidité interbancaire
le marché du cobalt
le marché du divorce
le marché des produits dérivés
le marché des droits à polluer
le marché des assurances
le marché des pur-sang
le marché de l’emploi des jeunes
le marché de la dépression
le marché de la méthamphétamine
le marché du cannabis
le marché du gaz
le marché des organes
le marché de la fin de vie
le marché des produits ménagers bio
le marché des familles monoparentales
le marché de la préadolescence
le marché des produits pétroliers
le marché du sexe tarifé
le marché de l’audit
le marché du logement
le marché du conseil en prospective
le marché du voyage et de l’évasion
le marché du sommeil
le marché de l’attention
le marché des vélos d’occasion
le marché des voitures neuves électriques
le marché des embryons animaux
le marché de l’espace et des corps célestes
le marché du taux actuariel
le marché des rencontres amoureuses
le marché du kiwi
le marché des loisirs créatifs
le marché conjugal
le marché du nettoyage à domicile
le marché des droits de pêche
le marché des devises
le marché de l’outplacement
le marché du jardinage particulier
le marché des taux d’intérêt à moyen terme
le marché des produits nucléaires
le marché de la garde d’enfants
le marché du crime
le marché de la beauté
le marché de la formation
le marché du lithium
le marché des swaps
le marché de l’aide à domicile
le marché des opiacés et antidouleurs
le marché du sextoy
le marché du soutien scolaire
le marché de la truite fumée
le marché du jouet
le marché de l’amitié et des nouvelles rencontres
le marché des valeurs technologiques
le marché des vaccins
le marché de la plaisance
le marché de l’emploi universitaire
On n’arriverait certainement pas à terminer un jour la liste, si bien qu’on se dit sans exagérer à la fin que le marché est devenu la seule catégorie qui permet d’appréhender le monde dans son entier, le marché c’est le monde et le monde c’est le marché, pour ainsi dire le monde est tombé dans le marché, le marché est tombé sur toute chose, et dans un article resté célèbre, publié dans le Journal of Economic Perspectives en 1991, quelques mois avant l’effondrement définitif de l’Empire soviétique, le Prix Nobel Herbert Simon conçoit qu’un visiteur imaginaire venu de Mars, approchant de la Terre équipé d’un télescope susceptible de révéler la nature des structures sociales surdéterminées par le marché (en rouge) ou non (en vert), ce visiteur, estime Simon, enverrait un message chez lui décrivant de « grandes zones vertes interconnectées par des lignes rouges ».
Mais revenant trente ans plus tard, le visiteur de Mars apercevrait une tout autre planète, rouge vif, où le marché a pris toute la place, eh oui, ça frotte, c’est dur, on perd parfois ses repères, les prix fluctuent, s’envolent, c’est l’affolement, ou bien les choses perdent brutalement toute leur valeur, tout s’effondre et on lâche prise, c’est la panique, mais dans l’ensemble, ça marche, chaque jour quand tu sors dans la rue, c’est cadré, tu arrives toujours à négocier ta place dans ce monde, tu sais où tu vas, tu as des projets, tu es prêt à rebondir, tu es à l’écoute de ton désir, tu stabilises tes préférences, tu en as besoin pour conduire ta vie.
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En 1983, j’avais treize ans, j’avais souvent mal au ventre, la veille d’aller à l’école et le matin au réveil, il arrivait que je reste à la maison certains jours, ma mère prévenait le collège, elle préparait un mot d’excuse et mon père rédigeait un certificat médical.

Cette même année, dans un article resté célèbre, l’économiste Theodore Levitt invente le terme « globalization » que l’on traduira par « mondialisation », pour désigner ce qui est en train d’arriver et le monde est en train de naître : les entreprises, explique Levitt, sont en voie de passer d’une logique d’adaptation des produits aux marchés locaux à une offre de produits standardisés, sophistiqués, fonctionnels, fiables et à des prix peu élevés. Reprenant la fameuse distinction d’Isaiah Berlin entre le renard qui en sait beaucoup sur beaucoup de sujets (Tolstoï) et le hérisson qui sait tout sur un seul sujet (Dostoïevski), il y affirme que « la firme multinationale en sait beaucoup sur beaucoup de pays et s’adapte gentiment aux différences supposées entre eux (…). Elle ne comprend pas combien le monde est prêt à toucher les bénéfices de la modernité, surtout au meilleur prix. Cette approche est médiévale. L’entreprise globale, elle, sait tout d’une seule chose. Elle sait qu’il faut être compétitive à l’échelle mondiale et nationale et cherche le prix le plus bas en standardisant ce qu’elle vend et ses modes de production. Elle sait une chose importante que toutes les nations et les peuples ont en commun : le manque. Tout le monde veut plus. C’est l’explication de la division du travail et de la spécialisation de la production. C’est ce qui permet aux peuples et aux nations d’améliorer leurs conditions par le commerce. Son moyen est en général l’argent. »

Quant à moi, je sens que quelque chose envahit mes jambes, je fabrique un nuage glacé qui m’engloutit.

En 1983, Kim, elle, n’a que trois ans, elle est la deuxième fille de Kris et de Robert Kardashian, elle ne manque de rien, elle partage la même chambre que sa sœur Kourtney dans une maison très confortable avec piscine à Los Angeles, et elle ne peut savoir encore la place que le monde va lui réserver dans quelques années.
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Tu as de la chance, comme pour beaucoup de gens autour de toi, la question ne se pose pas de ta survie, ici-bas ou dans l’au-delà – savoir si tu vas manger à ta faim ou si tu survivras à ta propre mort, cette condition n’a jamais été la tienne. Qu’as-tu en commun avec celui ou celle, dans tant de pays du monde, qui doit trouver de quoi se nourrir chaque jour et prie chaque soir pour le salut de son âme ?
Tu appartiens à la classe moyenne, ta condition, ce n’est pas ta survie, c’est ta vie, c’est-à-dire tes projets à moyen terme : prévoir les vacances, déménager, arrêter de fumer, avoir un enfant, changer de travail, trouver une maison à la campagne avec un petit jardin, etc.

En 1983, j’ai treize ans, je suis au collège, je viens d’arriver à Paris, c’est le « tournant de la rigueur », la gauche socialiste au pouvoir depuis deux ans se convertit à l’orthodoxie monétaire et budgétaire et le gouvernement prend le décret 83-797 du 6 septembre 1983 dont l’article 4 inscrit dans le droit le principe de priorité au carrefour giratoire, ou rond-point, dont l’installation se généralisera massivement les années suivantes. Toutes les études montrent que ce dispositif améliore considérablement la sécurité routière dans les agglomérations.

Dans ces moments de panique aiguë, je forme des images instables, j’esquisse des destinations floues, des plans sur la comète, des projets imprécis, autant de moments ou de lieux, d’activités plus supportables, plus excitants, etc., et tout de suite je les détruis, je les efface avant même qu’ils ne commencent à exister, à trouver un semblant de forme, un début d’épaisseur.
Dans ces moments-là, mon esprit s’épuise, sans fil directeur, sans continuité, il tourne en rond et il bifurque, plusieurs fois par seconde, d’une angoisse à une autre, sans lien, de plus en plus vite, par là, par ici, non par là, par ici, et puis ça monte à nouveau dans mes jambes, je suis perdu, pas de planche pour me sauver, je fuis sans fin, immobile, tuyau percé de mille trous.

La question qui doit être celle de ta vie : quelles sont tes options ?
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Et moi qui me croyais si fort dans ce monde, je suis là où je n’existe plus, dans une contrée hostile, douloureuse.

Regardez mon œil blanc aveuglé par la panique, comme je tremble maintenant, mes doigts glacés, livides, le bout de mes doigts blancs, les voilà qui tremblent, ma cigarette tremble aussi, je regarde les doigts de ma main gauche, je ne peux rien, rien n’arrive à les arrêter.
Dans ces moments-là, ça tombe sur moi, par secousses brutales ou par petites convulsions, non, ça ne tombe pas, je suis assis au bord d’un banc dans le square, c’est l’après-midi, les cris d’enfants vrillent mes oreilles partout autour de moi, non, ça ne tombe pas, ça vient par en dessous, du bas de mon corps, de mes chevilles, de mes jambes, et ça monte, ça monte, ça monte jusqu’à ce qu’une main énorme, invisible, se referme sur ma poitrine, sur mon cœur, sur mes poumons, qui secoue, qui serre, qui serre, une main froide, d’acier, et je suffoque.
Autour de moi, le monde, les gens, les choses deviennent tellement durs, sans pitié, ils me poussent, ils me bousculent, dans ces moments-là il faut que j’aille chercher l’air le plus loin possible, expirer lentement, tenter de calmer cette souffrance qui monte à nouveau, qui agite tous mes membres.
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Je cherche à croiser un autre regard, n’importe lequel, qui me verrait vraiment, qui reconnaîtrait un semblable ou qui compatirait un peu, avant que tout ce qui se passe autour de moi ne se transforme en menace, en offense, qu’il m’apporte un peu de soutien, de consolation, aidez-moi, donnez-moi un avenir, mais non, je suis au présent, vulnérable, verrue coincée dans un paysage qui défile sans fin, tout ce monde empressé,affairé, et moi, je suis comme un chantier arrêté, une maison inhabitée ou désertée, ou déjà en ruine.
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Vidéo de Hugues Jallon
Vous a-t-on déjà dit que vous faisiez le "job" ? Vous êtes-vous interrogé sur la signification du paiement sans contact ? Et que vous dites-vous quand on invoque sans cesse la résilience ?
Des mots que Nicolas Herbeaux passe au crible avec François Bégaudeau, écrivain, auteur de "Boniments", un livre dans lequel il analyse la langue du capital, et Hugues Jallon, auteur de "Le capital c'est ta vie", dans lequel il dépeint un personnage dévasté par la violence du capital.
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