Elisa serait tout à fait heureuse de se divertir avec les originaux en chair et en os de la famille Wilde, elle qui collectionnait leurs affiches avec tant de ferveur. Et puis, elle serait aux anges de côtoyer le gratin de la haute société anglaise dans l’abandon joyeux des festivités du mariage.
— Lavinia n’est pas comme les autres jeunes femmes de votre entourage, continua sa tante, et j’inclus vos sœurs adoptives dans le groupe. Betsy est indépendante, mais Lavinia est une force de la nature.
Lavinia était une jeune femme d’une beauté exceptionnelle, et il n’aurait pas supporté que sa future épouse se fasse attaquer. Ou pire.
Il est important à ses yeux de se sentir indépendante. Je n’ai pas envie de saper sa confiance en elle, mais je veux être certain qu’elle ne risque rien.
Parth n’avait aucune idée de la vie qu’avaient pu avoir les malheureux qu’on lui présentait : rares étaient ceux qui portaient encore quelques loques. Les pauvres hères le dévisageaient avec le regard hébété de ceux qui ont perdu tout espoir.
Cet instinct l’envoya tout droit à Bedlam, l’asile de fous de Londres. L’endroit avait la réputation d’être un enfer sordide, peuplé d’âmes égarées qui entendaient des voix et subissaient tout un tas de mauvais traitements censés les chasser de leurs têtes.
Lord Jeremy n’est pas fou ! protesta le valet. Il est peut-être un peu nerveux depuis son retour de la guerre, mais ce n’est pas pour cela qu’il faut le mettre à l’asile. Ce n’est pas un endroit pour des hommes de sa stature et de sa valeur.
Le patronyme de Parth avait beau être Sterling, il n’en était pas moins un Wilde sur tous les plans qui comptaient. Ses parents l’avaient renvoyé des Indes en Angleterre alors qu’il avait cinq ans, le confiant au duc de Lindow qui était devenu pour lui une figure paternelle.
En compagnie des nombreux prétendants qui l’avaient courtisée, elle avait toujours éprouvé une fière assurance : leurs attentions envers elle confirmaient son charme. Or, il y avait quelque chose chez Parth qui la mettait sur la défensive. En même temps, étrangement, tout en elle s’éveillait à la vie en de délicieux picotements lorsqu’elle se trouvait en sa présence.
Déjà, il l’impressionnait par son seul physique. Plus grand que la moyenne et d’une carrure imposante, il était si séduisant avec ses cheveux épais, ses beaux yeux noirs, son teint qui rappelait le bronze. Et cette barbe ! À la différence des autres gentlemen de sa connaissance, il la portait courte, ce qui lui donnait l’air de sortir tout droit d’une pièce de Shakespeare, ou de la cour d’Henry VIII. Il avait l’allure d’un roi.