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Critique de Clubromanhistorique


Je tiens tout d'abord à remercier les éditions Albin Michel de m'avoir envoyé ce roman. Sans cela, j'aurais raté une belle histoire. Car ce que j'aime dans un roman historique, c'est de vivre une histoire qui aurait pu avoir lieu ou qui a eu lieu, donc sans intervention d'éléments surnaturels. Or, dans ce roman, premier tome d'une trilogie, l'héroïne est une jeune femme qui, devenue immortelle, traverse les siècles ! J'étais donc sceptique, mais je me suis fait happer par l'histoire dès la première page !
Stéphanie Janicot, écrivain et journaliste à Bayard Presse, rédactrice en chef de la revue culturelle Muze, auteur d'une quinzaine de romans, s'est lancée dans ce projet un peu fou d'embrasser à travers cette trilogie, "La mémoire du monde", toute l'histoire de la pensée occidentale. Car force est de constater que nos sociétés occidentales actuelles sont bâties en grande partie sur les héritages judéo-chrétien et gréco-latin.
Ainsi, dans ce premier tome, l'auteur nous invite à parcourir successivement avec son héroïne Mérit l'Égypte pharaonique, le royaume d'Israël, Milet et Athènes, et enfin Alexandrie, bref à découvrir l'histoire antique du Proche-Orient et de la Méditerranée. Divisé en quatre grandes parties, correspondant à ces différentes zones géographiques (une carte accompagne chaque début de partie : bonne idée !), le récit est entrecoupé de temps en temps par un dialogue qui se passe de nos jours entre Mérit et un personnage inconnu. Qui est ce personnage ? Mystère ! Nous en saurons peut-être plus dans le troisième tome.
Tout commence en Égypte sous la XVIIIe dynastie. Mérit est une jeune femme de 18 ans, mariée à Mosêh, gouverneur dans les provinces du nord de l'Égypte, et mère d'une fille, Meriam. En l'absence de son époux, elle vit avec son grand-père Yosef, guérisseur du pharaon Amenhotep III. Ce dernier demande un beau jour à Yosef de lui confectionner un élixir d'immortalité. Et Yosef va réussir... mais sans le savoir, car il est attaqué par des inconnus et assassiné sous les yeux de Mérit qui a eu, elle, le temps d'absorber une dose d'élixir. La voici devenue immortelle. Accompagnée de sa fille et d'une seconde dose d'élixir, elle s'empresse de rejoindre son mari, mais il est déjà trop tard : la croyant morte, celui-ci s'est suicidé. Mérit part alors avec sa fille se réfugier dans sa famille qui vit dans le delta du Nil.
Le pouvoir pharaonique se révélant de plus en plus inique, Mérit décide de rejoindre la terre de ses ancêtres, le pays de Canaan. Une partie de sa famille et de nombreux volontaires vont la suivre dans ce grand périple qui aboutira à l'unification de la Judée en douze tribus, puis le temps des Prophètes, celui des guerres et des rivalités jusqu'au long exode jusqu'à Babylone. Cette deuxième partie est peut-être un peu plus complexe à lire – mais rien d'insurmontable, rassurez-vous ! –, car les personnages qui se succèdent portent les mêmes prénoms (Meriam, Yehudit, Déborah, Hannah) et il est parfois difficile de s'y retrouver entre les différentes générations. Et il faut bien avouer que l'histoire de la Judée, non enseignée à l'école, est une période un peu floue, qui repose aujourd'hui encore beaucoup plus sur les textes religieux que sur les témoignages archéologiques (il est toujours difficile d'obtenir des autorisations de fouilles dans cette région du monde...). Un élément très intéressant dans cette partie concerne l'origine des grands textes fondateurs de l'Ancien Testament. En effet, l'auteur nous montre le processus par lequel un fait tout simple ou une légende peuvent être transformés de siècle en siècle sous l'impulsion des hommes pour se retrouver un beau jour reconnus comme de grands récits fondateurs, formant la base de notre morale judéo-chrétienne (mais cela est valable également pour les autres religions).
Ayant de plus en plus de mal à supporter les décès successifs de ses proches, Mérit décide de voyager tout en prenant la précaution de laisser des objets à sa famille pour rester en contact avec elle, charge à chaque femme de les transmettre à leurs propres filles, de génération en génération : un coffre contenant des souvenirs personnels, le chaton immortel Isis (qui a servi de cobaye lors de l'élaboration de l'élixir), une bague et un collier. Ainsi, Mérit va vivre successivement à Milet, puis à Athènes où elle assiste à la naissance de la philosophie, au développement de la politique, des sciences et de la morale, domaines qui ont forgé notre pensée occidentale. C'est peut-être l'une des parties que j'ai préférée : en donnant vie aux philosophes (Thalès, Héraclite, Empédocle, Anaxagore, Socrate, Platon, Diogène, Aristote...), en nous permettant de les côtoyer dans la vie de tous les jours, de les imaginer physiquement, de percevoir leur caractère, l'auteur nous rend la philosophie plus proche, plus concrète, plus accessible et nous aide à mieux comprendre les différents points de vue qui existaient à l'époque et combien la philosophie avait sa place au sein de la cité.
Ce premier tome s'achève à Alexandrie, ville cosmopolite par excellence où Mérit, qui veille sur la dynastie des Ptolémées ainsi que sur sa propre descendance, se fait construire une maison destinée à traverser les siècles, son refuge. Mais elle est toujours en possession de la seconde dose d'élixir, n'étant jamais parvenue à trouver l'âme soeur pour vivre éternellement avec elle…
C'est donc en compagnie de l'attachante Mérit que nous faisons ce voyage dans le temps et l'espace. Un personnage féminin aussi fort au centre d'un roman historique, c'est suffisamment rare pour être signalé ! le récit étant mené à la première personne du singulier, nous avons accès immédiatement aux pensées et aux sentiments de la jeune femme avec la sensation de se trouver à ses côtés en permanence, de découvrir le monde en même temps qu'elle, à tel point que l'on peut ressentir ses joies et ses peines. Cette proximité est renforcée par la qualité d'écriture de l'auteur qui est limpide, pleine d'empathie et de douceur pour ses personnages. Stéphanie Janicot a évité avec succès l'écueil que l'on retrouve parfois dans les romans historiques : l'afflux d'informations historiques dans le cours du récit. Rien de cela ici, les données historiques indispensables sont habilement distillées dans le cours du récit, ce qui nous permet de rester aux côtés de Mérit du début à la fin du roman. L'auteur a tenu bon la barre pour nous livrer un roman passionnant, instructif et émouvant, basé sur une trame parfaitement maîtrisée.
Impossible de refermer ce roman sans se poser LA question : est-ce que j'aimerais être immortelle ? J'ai immédiatement pensé à mon sujet de philo au bac (il y a fort longtemps...) : "Le temps est-il une limite pour l'homme ?" En réalité, c'est le fait que la vie ait un début et une fin qui nous pousse à agir, à nous accomplir, car nous avons conscience que le temps nous est compté. Alors, finalement, je rêve surtout d'une chose : continuer de voyager dans le temps en lisant d'aussi bons romans que celui-ci ! Vivement la suite !
Lien : http://romans-historiques.bl..
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