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La Mémoire du Monde tome 1 sur 4
EAN : 9782226251909
573 pages
Albin Michel (30/10/2013)
4.19/5   53 notes
Résumé :
«Née Mérit, l’aimée, sous le règne du pharaon Aménophis III, j’ai été Bérit, l’alliance, pour les Hébreux, Sophia, la sagesse, pour les Grecs et les Romains. Alors que je n’ai plus de nom, que je suis vouée à disparaître, je te livre l’histoire de ma vie. Écoute-moi bien, car ma mémoire est ta pensée.»
C’est à un vertigineux voyage dans le temps que nous convie Stéphanie Janicot avec La Mémoire du monde, une fresque sans équivalent par son ampleur, l’aventure... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Je tiens tout d'abord à remercier les éditions Albin Michel de m'avoir envoyé ce roman. Sans cela, j'aurais raté une belle histoire. Car ce que j'aime dans un roman historique, c'est de vivre une histoire qui aurait pu avoir lieu ou qui a eu lieu, donc sans intervention d'éléments surnaturels. Or, dans ce roman, premier tome d'une trilogie, l'héroïne est une jeune femme qui, devenue immortelle, traverse les siècles ! J'étais donc sceptique, mais je me suis fait happer par l'histoire dès la première page !
Stéphanie Janicot, écrivain et journaliste à Bayard Presse, rédactrice en chef de la revue culturelle Muze, auteur d'une quinzaine de romans, s'est lancée dans ce projet un peu fou d'embrasser à travers cette trilogie, "La mémoire du monde", toute l'histoire de la pensée occidentale. Car force est de constater que nos sociétés occidentales actuelles sont bâties en grande partie sur les héritages judéo-chrétien et gréco-latin.
Ainsi, dans ce premier tome, l'auteur nous invite à parcourir successivement avec son héroïne Mérit l'Égypte pharaonique, le royaume d'Israël, Milet et Athènes, et enfin Alexandrie, bref à découvrir l'histoire antique du Proche-Orient et de la Méditerranée. Divisé en quatre grandes parties, correspondant à ces différentes zones géographiques (une carte accompagne chaque début de partie : bonne idée !), le récit est entrecoupé de temps en temps par un dialogue qui se passe de nos jours entre Mérit et un personnage inconnu. Qui est ce personnage ? Mystère ! Nous en saurons peut-être plus dans le troisième tome.
Tout commence en Égypte sous la XVIIIe dynastie. Mérit est une jeune femme de 18 ans, mariée à Mosêh, gouverneur dans les provinces du nord de l'Égypte, et mère d'une fille, Meriam. En l'absence de son époux, elle vit avec son grand-père Yosef, guérisseur du pharaon Amenhotep III. Ce dernier demande un beau jour à Yosef de lui confectionner un élixir d'immortalité. Et Yosef va réussir... mais sans le savoir, car il est attaqué par des inconnus et assassiné sous les yeux de Mérit qui a eu, elle, le temps d'absorber une dose d'élixir. La voici devenue immortelle. Accompagnée de sa fille et d'une seconde dose d'élixir, elle s'empresse de rejoindre son mari, mais il est déjà trop tard : la croyant morte, celui-ci s'est suicidé. Mérit part alors avec sa fille se réfugier dans sa famille qui vit dans le delta du Nil.
Le pouvoir pharaonique se révélant de plus en plus inique, Mérit décide de rejoindre la terre de ses ancêtres, le pays de Canaan. Une partie de sa famille et de nombreux volontaires vont la suivre dans ce grand périple qui aboutira à l'unification de la Judée en douze tribus, puis le temps des Prophètes, celui des guerres et des rivalités jusqu'au long exode jusqu'à Babylone. Cette deuxième partie est peut-être un peu plus complexe à lire – mais rien d'insurmontable, rassurez-vous ! –, car les personnages qui se succèdent portent les mêmes prénoms (Meriam, Yehudit, Déborah, Hannah) et il est parfois difficile de s'y retrouver entre les différentes générations. Et il faut bien avouer que l'histoire de la Judée, non enseignée à l'école, est une période un peu floue, qui repose aujourd'hui encore beaucoup plus sur les textes religieux que sur les témoignages archéologiques (il est toujours difficile d'obtenir des autorisations de fouilles dans cette région du monde...). Un élément très intéressant dans cette partie concerne l'origine des grands textes fondateurs de l'Ancien Testament. En effet, l'auteur nous montre le processus par lequel un fait tout simple ou une légende peuvent être transformés de siècle en siècle sous l'impulsion des hommes pour se retrouver un beau jour reconnus comme de grands récits fondateurs, formant la base de notre morale judéo-chrétienne (mais cela est valable également pour les autres religions).
Ayant de plus en plus de mal à supporter les décès successifs de ses proches, Mérit décide de voyager tout en prenant la précaution de laisser des objets à sa famille pour rester en contact avec elle, charge à chaque femme de les transmettre à leurs propres filles, de génération en génération : un coffre contenant des souvenirs personnels, le chaton immortel Isis (qui a servi de cobaye lors de l'élaboration de l'élixir), une bague et un collier. Ainsi, Mérit va vivre successivement à Milet, puis à Athènes où elle assiste à la naissance de la philosophie, au développement de la politique, des sciences et de la morale, domaines qui ont forgé notre pensée occidentale. C'est peut-être l'une des parties que j'ai préférée : en donnant vie aux philosophes (Thalès, Héraclite, Empédocle, Anaxagore, Socrate, Platon, Diogène, Aristote...), en nous permettant de les côtoyer dans la vie de tous les jours, de les imaginer physiquement, de percevoir leur caractère, l'auteur nous rend la philosophie plus proche, plus concrète, plus accessible et nous aide à mieux comprendre les différents points de vue qui existaient à l'époque et combien la philosophie avait sa place au sein de la cité.
Ce premier tome s'achève à Alexandrie, ville cosmopolite par excellence où Mérit, qui veille sur la dynastie des Ptolémées ainsi que sur sa propre descendance, se fait construire une maison destinée à traverser les siècles, son refuge. Mais elle est toujours en possession de la seconde dose d'élixir, n'étant jamais parvenue à trouver l'âme soeur pour vivre éternellement avec elle…
C'est donc en compagnie de l'attachante Mérit que nous faisons ce voyage dans le temps et l'espace. Un personnage féminin aussi fort au centre d'un roman historique, c'est suffisamment rare pour être signalé ! le récit étant mené à la première personne du singulier, nous avons accès immédiatement aux pensées et aux sentiments de la jeune femme avec la sensation de se trouver à ses côtés en permanence, de découvrir le monde en même temps qu'elle, à tel point que l'on peut ressentir ses joies et ses peines. Cette proximité est renforcée par la qualité d'écriture de l'auteur qui est limpide, pleine d'empathie et de douceur pour ses personnages. Stéphanie Janicot a évité avec succès l'écueil que l'on retrouve parfois dans les romans historiques : l'afflux d'informations historiques dans le cours du récit. Rien de cela ici, les données historiques indispensables sont habilement distillées dans le cours du récit, ce qui nous permet de rester aux côtés de Mérit du début à la fin du roman. L'auteur a tenu bon la barre pour nous livrer un roman passionnant, instructif et émouvant, basé sur une trame parfaitement maîtrisée.
Impossible de refermer ce roman sans se poser LA question : est-ce que j'aimerais être immortelle ? J'ai immédiatement pensé à mon sujet de philo au bac (il y a fort longtemps...) : "Le temps est-il une limite pour l'homme ?" En réalité, c'est le fait que la vie ait un début et une fin qui nous pousse à agir, à nous accomplir, car nous avons conscience que le temps nous est compté. Alors, finalement, je rêve surtout d'une chose : continuer de voyager dans le temps en lisant d'aussi bons romans que celui-ci ! Vivement la suite !
Lien : http://romans-historiques.bl..
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C'est pour moi le genre de livre qui marque, un livre dans lequel l'auteure a mis beaucoup d'aventures, de réflexions, de pensées (par là je veux dire que la philosophie est un thème majeur dans ce roman, ainsi il regorge de pensées qui ont trouvé un écho en moi), d'histoire et d'Histoire, que j'ai été emportée, subjuguée (et oui carrément) par l'ensemble.
Au départ, Merit est une jeune fille comme les autres, à ceci près qu'elle s'acharne à demeurer muette et qu'elle a toujours eu une liberté d'être et d'agir. Vivant avec son grand-père, elle a été initiée à la pratique de la médecine, un don qui lui servira tout au long de son immortalité. Je vous laisserai découvrir les circonstances de son immortalité, mais si cela se fait dans la douleur pour notre héroïne, c'est pour nous le début d'une grande aventure à ses côtés.
Stéphanie Janicot lui fait traverser 1500 ans d'histoire, d'Amenophis III aux Ptolémée. 1500 ans durant lesquels elle apprend, elle veille, elle protège sa descendance, elle endosse diverses identités, et tant à s'interroger sur le sens de son existence. Bien entendu pour les besoins de l'histoire de Merit, l'Histoire est certainement quelques peu altérée, mais dans ses grandes lignes, c'est-à-dire les batailles, les invasions, les grands noms de l'Antiquité, et j'en passe, il y a des points fixes auxquels se raccrocher. Cette intrigue est prétexte à réfléchir sur les mythes et leurs fonctions, sur le travail de mémoire (une thématique abordée tout au long du roman, qui amène à parler de l'importance de l'écrit. ), sur le temps qui passe (la recherche d'un but, ou réflexion sur l'absence de but de son immortalité par exemple), ou encore sur la place de la femme (car elle vit à une époque où la femme ne jouit pas d'une grande liberté. Elle tente de changer les choses, d'insuffler de la force aux femmes qui croisent son chemin, elle leur donne une voix qui sera écouter par les hommes. Merit met aussi par moment sa féminité entre parenthèse pour être plus libre de ses mouvements).
La recherche du savoir, de la connaissance devient un but dans l'existence de Merit, ce qui l'amène à voyager là où la pensée rayonne. J'ai aimé tout ses voyages, mais le plus riche est bien entendu celui qui l'amène à Athènes, lorsqu'elle raconte sa rencontre avec Protagoras, Platon, ou Aristote et bien d'autres philosophes dont la pensée est plus ou moins tombée dans l'oubli. Stéphanie Janicot invente des petites anecdotes sur la vie de ces philosophes, parfois amusantes, et bien pensées, c'est d'autant plus appréciable.
Un dernier mot quant à la forme du roman qui débute et se clôt en Egypte, mais avec des siècles de différence. C'est le témoignage de Merit que nous lisons, un témoignage pas toujours précis, avec des souvenirs qui tendent parfois à se mélanger, mais après tant de siècles d'existence, quoi de plus normal. Par ailleurs, entre chaque chapitre, nous avons un dialogue entre une Merit qui semble souffrante (la fin de son immortalité ???) est une mystérieuse femme. A la fin du livre, nous n'en savons pas plus, mais il y a bien une hypothèse, en tout cas j'espère en apprendre davantage quand la suite sortira.
Lien : http://aucafelitterairedecel..
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Avant de me lancer à l'assaut de cet ouvrage, ma curiosité avait été piquée par la lecture de différents avis et résumés piochés ça et là. Je trouvais l'idée assez ambitieuse et étais impatient de voir si mes attentes, élevées, pourraient être comblées. Autant le dire tout de suite, la réponse est oui.

Au rayon des réussites, le fait que l'auteure soit parvenue à brosser un tableau assez complet des nombreuses influences qui font de notre civilisation ce qu'elle est aujourd'hui. de l'Egypte des pharaons à Rome et ses conquêtes en passant par la Grèce Antique. Des croisades au schisme du monde catholique en tenant compagnie à la fois aux cours d'Angleterre et à celles de France. La découverte du Nouveau Monde. La Révolution française. Les Conflits Mondiaux... Sans oublier l'impressionnante galerie de personnages historiques rencontrés par notre héroïne. Ce sont réellement 3000 ans de notre histoire qui sont brillamment passés en revue.

Une autre réussite est que nous plongeons facilement dans le récit. Les pages se tournent avec une déconcertante facilité. La bonne connaissance de l'auteure des thèmes abordés et la fluidité de sa rédaction font que nous parcourons les rues, discutons avec les personnages ou vivons les catastrophes au côté de Mérit comme si nous étions partie prenante du récit et de l'Histoire. le lecteur est pris dans les tourbillons de l'Histoire, prêt à se noyer dans les méandres connus et méconnus des évènements et des personnalités ayant participé à la construction de notre monde.

En conclusion, ce livre est très agréable et très facile à lire pour toute personne aimant l'Histoire intelligemment vulgarisée.

Lien : https://unecertaineculture.w..
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Premier tome de la trilogie "La mémoire du monde".
Sophia traverse les siècle avec son immortalité et raconte ses rencontres avec pharaons, empereurs, philosophes...
Quel bonheur de retrouver la plume de Stéphanie Janicot !
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Tombée dessus plus ou moins par hasard, il faut bien reconnaitre que ce roman sort de l'ordinaire.
Ce tome 1 débute sous le règne de Thoutmosis IV et d'Amenhotep III.
On rencontre également les philosophes tels que Parménide, Protagoras ou encore Démocrite.
Ce n'est pas un roman ordinaire... on remonte aux origines de l'histoire de l'Humanité. L'auteure revisite les textes fondateurs.
Ma cote de 3/5 s'explique par le fait que l'histoire est, à mon sens, parfois trop philosophique et non historique.
Il ne faut pas s'attendre à un roman plein de rebondissements. C'est plutôt une histoire "tout en douceur".
De plus, l'Antiquité n'est pas ma période favorite. Je pense que cela peut expliquer mon avis mitigé.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Mes souvenirs d'enfance émergent d'une sorte de brume. Chacun d'eux est vivace, la vision que j'en ai plus précise et plus colorée que celle qui se détache des nombreuses années de mon interminable âge adulte. La sensation de flou vient de ce qu'alors je ne comprenais pas bien ce que je voyais.
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"Il arrive, lors des moments d'importance, que l'on ait les yeux braqués au mauvais endroit. On attend l’événement dans la lumière, il se produit dans l'ombre."
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- Les dieux grecs devaient te paraître enfantins !
- Pas du tout. Je les ai aimés autant que les dieux de mon enfance, et même davantage. La manière dont ils se mêlaient aux péripéties humaines, exacerbant notre propre sentiment, infléchissant les destins au hasard de leurs amours et de leurs disputes, faisait de l'Olympe une immense aire de jeux cruelle et joyeuse. Leurs déesses avaient un meilleur potentiel que nos divinités orientales. Héra la jalouse, Artémis la sauvage, Aphrodite la jouisseuse ou Déméter la tenace.
- Je parie que ta préférée était Athéna.
- Oui, pour l'intelligence, la manière de s'affirmer l'égale de ses frères, de tenir tête à son père. Si tu les analyses, tu verras que les déesses grecques représentent les facettes d'une même femme. J'ai été tour à tour Déméter - j'aurais été capable de descendre jusqu'en enfer chercher un de mes enfants -, Artémis solitaire ou Aphrodite lascive. Héra, je m'y retrouve dans sa fibre manipulatrice. J'ai assisté des hommes de pouvoir. Ils se croyaient forts, responsables de leurs actes, tandis que dans l'ombre je les activais comme des marionnettes. L'homme de pouvoir est le plus manipulable de tous car il ne doute pas de lui-même. Il ne se méfie pas, il ne voit rien d'autre que son propre accomplissement. Les hommes sans pouvoir connaissant la fragilité des choses, ils doutent, ils regardent à deux fois avant d'agir, ils pèsent le pour et le contre, ils se méfient de leur entourage. On ne les influence pas comme ça. Zeus n'est rien sans Héra mais il serait bien en peine de le reconnaître. Athéna, par son côté viril, passe à côté d'une partie de la vie. Elle ne voit pas les faiblesses, elle ne sait pas s'attendrir. Pour des raisons que tu comprendras facilement, je me suis prise d'affection pour Hermès, le dieu des marchands, des voleurs, des voyageurs, des messagers. Nous vivions, Stéphanos et moi, sous son aile tutélaire. Je ne suis qu'une messagère, vois-tu, qui transmet ses messages d'un siècle à l'autre. J'aimais ce dieu léger, farceur et malin. Ce n'était peut-être pas l'intelligence profonde et maline d'Athéna dont le cerveau est une machine de guerre, mais cette finesse-là me plaisait. J'ai connu quelques Athéna au cours de mon existence, des femmes admirables, capables de déclencher les passions et de briser les vies, mais malheureuses, trop seules, incapables de compassion tant pour elles-mêmes que pour les autres. C'est pourquoi elles ont obtenu la mienne. Cela me touche aussi, ce vain combat pour l'impossible maîtrise de soi-même.
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Nous sommes assises sur le pas de sa porte. Elle caresse Isou qui ronronne. Elle me dévisage.
- Quelque chose a changé en toi, me dit-elle.
- Vraiment ? Peut-être ton souvenir n'était-il pas si précis...
- Non, il y a quelque chose dans tes yeux.
- Ah...
- Je ne sais pas, comment te dire... tu as perdu quelque chose ou quelqu'un...
- J'ai passé ma vie à perdre des quelqu'un.
- Ce n'est pas un argument. Moi aussi, j'ai vu mes proches mourir, un grand nombre d'entre eux, je ne m'y habitue pas.
- Tu as raison, je ne m'y habitue pas non plus. Oui, j'ai perdu quelqu'un mais j'ai surtout perdu quelque chose.
- Quoi donc ?
- La faculté de croire. Ce travail d'écriture, il est sage, parce qu'ainsi les hommes sauront d'où ils viennent et ce qu'ont vécu leurs pères. C'est nécessaire pour espérer avancer mais ça n'apprend rien sur Dieu.
- Tu ne crois plus en YHWH ? Est-ce parce que tu te dis que s'il existait, depuis le temps que tu es sur terre, tu en aurais ressenti les manifestations ?
- Je ne me dis pas exactement cela. Rien de ce que j'ai vu ne vient confirmer, ou infirmer, l'existence de Dieu. Je vois les hommes lui courir après. Parfois ils l'attrapent par un bout, parfois par un autre. Ils finissent toujours par l'emprisonner dans un carcan de déjà-vu, déjà-connu, déjà-pensé. Si bien que notre Dieu n'est jamais rien d'autre qu'un super-roi que l'on ne voit pas, qui s'exprime par le truchement de ses ministres, anges et prophètes, distribue récompenses et châtiments, en somme un être doté de tous les travers humains. C'est normal, comment pourrait-il en être autrement ? Une pensée humaine ne peut créer que de l'humain. Je n'ai rien contre. La vérité de ma croyance propre est que je ne sais pas.
- Alors, tu en es au même point que nous. Nous espérons, c'est tout ce que nous pouvons faire. Espérer sa clémence, son existence, des jours meilleurs.
- Si tout cela a un sens voulu par un dieu, quel qu'il soit, tu le sauras un jour, Hannah. Tandis que moi, rivée à cette existence terrestre, je ne le saurai pas. J'ai longtemps cru que mon immortalité me plaçait au-dessus de la condition humaine. Mais aujourd'hui, je sais que je suis l'humaine la plus humaine du monde car vouée à jamais épouser le sort de l'humanité.
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Ma maison d'autrefois tenait difficilement debout mais elle avait le mérité d'exister toujours. Elle était habitée par un certain Yeshua, ce qui me laissa augurer qu'il s'agissait bien là d'un de mes fils. Il était le petit-fils de Shlomit, son père, ses oncles avaient succombé depuis belle lurette. Il avait bien eu une tante, nommée elle aussi Shlomit, mais il l'avait à peine connue, elle était morte en couches et qu'il sache, aucune de ses cousines ne se prénommait ainsi.
Il ne parut pas enchanté à l'idée de nous accueillir, il avait déjà bien du mal à nourrir sa famille. Je n'avais pas engendré que des lumières, loin de là, mais ce paysan mal dégrossi me fit mal au cœur. Pour finir, découragée, j'évoquai tout de même un certain coffre qui avait résidé dans cette maison et attendait sa véritable propriétaire. Son visage s'illumina soudain d'un véritable sourire. Je compris que, selon la légende qui se transmettait à mon sujet, mon apparition - disons l'apparition de la propriétaire du coffre - était synonyme de renaissance. Il devint brusquement plus disert, plus ému, ses mains se mirent à trembler, ses lèvres aussi. Il n'avait plus le coffre mais savait où le trouver. [...]
Il proposa de nous offrir un peu de pain. Jérusalem était misérable mais, avant de partir ce matin, Myriam avait nourri sa sœur et sa cousine. Elles n'étaient pas affamées comme pouvait l'être cet homme dont la femme et les enfants étaient morts de faim deux hivers auparavant. Soucieux de n'être pas plaint, il nous affirma que les récoltes seraient bonnes cette année, que la vie n'allait pas tarder à reprendre le dessus. Je me sentis confus de l'avoir mal jugé au premier abord. Son mérite était grand. Je lui prédis une nouvelle épouse et des enfants pour prendre soin de sa vieillesse. Je savais que la confiance qu'il avait dans mes pouvoirs surnaturels le conduirait à réaliser ma prophétie.
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Vidéo de Stéphanie Janicot
Avec François Busnel, Pierre Furlan, Stéphanie Janicot & Françoise Nyssen Lecture par Pierre Baux
Russell Banks (1940–2023), deux fois finaliste du prix Pulitzer, était assurément l'un des écrivains majeurs de sa génération et l'un des plus engagés. Il n'a eu de cesse pendant plus de quarante ans de mettre en scène des personnages issus de l'Amérique profonde, confrontés à l'adversité de la vie. Son oeuvre, composée d'une vingtaine de textes de fiction et de non-fiction, a obtenu de nombreuses distinctions internationales. Deux de ses oeuvres ont été adaptées au cinéma : de beaux lendemains (réalisé par Atom Egoyan) et Affliction (réalisé par Paul Schrader). Russell Banks fut également président du Parlement international des écrivains chargé de défendre les écrivains victimes de persécution. Pour l'évoquer ce soir : des témoignages, souvenirs, analyses, extraits de documentaires et moments de lectures.
À lire – Russell Banks, Oh, Canada, éd. Actes Sud, 2022. le reste de son oeuvre est publié aux éditions Actes Sud.
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