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Critique de colimasson


Quand on lit des synthèses de la pensée de Jankélévitch, le bonhomme apparaît comme une torpille qu'il faut à tout prix découvrir. On se dit qu'on va essayer de lire un de ses bouquins et là, c'est la grosse désillusion. Jankélévitch écrit avec ce ton austère caractéristique des intellectuels des années 60/70, force le style à base de déconstruction, joue à coco-bel-oeil qu'on n'embobine pas, entoure ses phrases de mots compliqués, exprès pour qu'on le comprenne mal. Pour ma part, je suis d'accord avec Karl Kraus qui a écrit : « Employer des mots inusités est une inconvenance littéraire. On ne doit présenter au public que des embûches intellectuelles ». Alors le mec, quand il nous embobine sur quinze pages consacrées à l'euthanasie pour finalement conclure : « En définitive, je suis pour l'euthanasie en fonction de la situation historique de malades à une époque donnée de la médecine, du médecin, du mal et du malade », on se demande s'il était bien utile de faire tant de bruit pour en raconter si peu.


Jankélévitch a quand même compris un truc, c'est que la mort est un phénomène bizarre qu'on ne peut pas appréhender du point de vue de la vie, qu'on peut à la limite soupçonner, et là c'est le pire des cas parce qu'on se retrouve avec une envie de dire quelque chose qui ne s'exprime pas. Au lieu de reconnaître son incapacité provisoire, comme Wittgenstein (« Ce dont on ne peut parler, il faut le taire »), Jankélévitch s'étouffe sous les mots et il s'énerve contre les religieux qu'il désigne comme les coupables des incompréhensions que suscite la mort chez nous : « Ce sont les gens d'en face, les croyants des religions, qui ne sont pas sérieux, qui ravalent la mort au rang d'un événement ».


Cet abrégé constitue sans doute la première étape de rédaction qui conduisit Jankélévitch à publier son ouvrage ultime, de près de 500 pages, sobrement intitulé « La Mort ». Il semblerait que du minus au géant, peu de nouveaux éléments aptes à éclaircir le fouillis du trépas n'aient été révélés. le problème est si gros, tellement insoluble, que plus Jankélévitch écrit pour ne rien dire à propos de la mort, plus il semble cerner au plus près ce qui dérange, ce qui gratte et ce qui énerve dans cet étrange phénomène.


Mais au final, je me suis largement emmerdée, mes idées n'ont connu aucune révolution et je me suis à peine fait plaisir, sauf à rigoler lorsque Jankélévitch, du haut de tout le sérieux qu'exige sa position intellectuelle, renonce enfin à vouloir déconstruire le monde à tout va : « La vie humaine commence par la naissance et finit par la mort ». Nous sommes d'accord.
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