"La peur plane en permanence dans les couloirs de l'asile. On dresse les patients, et c'est tout un art."
J'ai aussi été addict à la sobriété.
Il règne une atmosphère morbide, troublée par le seul "clic-clac" des gobelets qui tombent de la machine à café. La lumière surnaturelle jaillissant des alvéoles futuristes du hall évoque la soucoupe volante qui vient chercher E.T. en pleine forêt pour le ramener auprès des Martiens, ses frères. Je veux être E.T. (p. 138)
"Je fais parti des oubliés, des invisibles. Personne pour vous venir en aide car personne ne connaît votre existence. Votre pays vous a effacé de sa base de données. On vous règle votre compte en catimini. La justice ne vous concerne plus. La justice vous enjambe. Les règles du monde libre ont sauté lorsque vous avez franchi le SAS de l'asile. J'ai 25 ans et demain encore je prendrai part, avec des milliers d'innocents, au spectacle qui se joue sous les caméras de surveillance du HP, sinistre et froid comme une arme."
Très belle écriture qui nous nous permet de rentrer dans les affres de cet étrange maladie.
Bravo pour ce témoignage poignant . Respect .
L’asile, c’est un donjon bdsm sans règles. L’asile, c’est le miroir grossissant de la société, une loupe gigantesque. Les internés forment comme un précipité chimique qu’on sédimente pour que, une fois cristallisé, ils constituent une masse uniforme, comme un troupeau. Mais les hommes ne réagissent pas selon des règles, comme du chlorure, des sels ou des métaux, ils peuvent toujours exploser pareils à une grenade dégoupillée. Ils ont leurs failles, leur intelligence, leur raison, et la gifle d’Amélie à son obsédé de supérieur me paraissait amplement méritée.
Six mois qu’elle bossait chez l’opérateur, une gifle, et on l’a enfermée ! Ce boulot de merde, si elle l’a accepté en dépannage, c’est qu’il n’y avait que ça. Elle a un bac + 5 en marketing. Comment des médecins peuvent-ils se transformer en flics ? Comment une entreprise peut-elle demander l’internement d’un de ses salariés ? Elle se pince depuis la veille avec le sentiment de vivre un cauchemar.
Le nombre de personnes internées sans consentement a doublé en dix ans. Aujourd’hui elles sont quatre-vingt-deux mille. Soit douze mille de plus qu’en prison.
Attribuer une maladie à un innocent afin de le criminaliser pour avoir une raison de l’enfermer relève d’une perversion inégalable. Les gens qui vivent dans la sombre religion de la cruauté, et de l’ignorance qui la blanchit, me font autant vomir que le curé célébrant une messe après avoir violé un enfant.
Les stagiaires nous narguent en se mettant sur leur trente-et-un. Les sacs Hermès et les sacs à merde, ça ne se mélange pas. Les patients bavent sur elles et leur libido se réveille. Peu m’importe, la mienne est si basse qu’une mannequin ukrainienne de dix-huit ans en string ficelle me ferait le même effet que la gamelle de pommes sautées de la cantine.