Mais si le concept (anthropocène) est flou, l’idée est utile. Elle sert à rappeler que les activités humaines ont une influence réelle sur la biosphère dans son ensemble, sur l’écosystème Terre, sur les cycles de l’eau et de l’atmosphère, sur le climat tout simplement.
Prendre en compte le temps résout tous les paradoxes du vivant. Tenez, même le paradoxe de l’œuf et de la poule, qui se dissout par simple considération du temps. Diderot en a donné l’expression définitive voilà deux siècles, de cette façon vive qui fait le délice de ses écrits : « Si la question de la priorité de l’œuf sur la poule ou de la poule sur l’œuf vous embarrasse, c’est que vous supposez que les animaux ont été originairement ce qu’ils sont à présent. Quelle folie ! »
Le savoir agrandit le champ de la rêverie et la rêverie augmente le désir de savoir : il est bon de rêver en science.
« Le mot de biodiversité est triste. Il se place encore dans une logique comptable et anthropocentrée. Comme si les vivants non humains ne valaient qu’au titre des plaisirs qu’ils nous procurent et des ressources qu’ils nous prodiguent. Comme s’il fallait, finalement, en rester encore à une vision gestionnaire. Ce n’est pas la « biodiversité » qui est en train de de s’effondrer, c’est plutôt la beauté, la magie, l’enchantement et la grâce du vivant qui périclite sous nos yeux et par notre décision. »
Aurélien Barrau.
La controverse n’est pas un signe de faiblesse mais de santé, de dynamisme, de productivité. Un champ scientifique que l’on ne discute pas est un champ mort, qui ne produit plus aucune connaissance.
C’est une loi de la nature, un principe de la biosphère : le rebond est inscrit dans la catastrophe, puisque c’est la dévastation elle-même qui permet le rebond. Et ainsi depuis des millions d’années et sans doute pour pas mal de temps encore.
[…], il y a le fait que la biosphère est un équilibre raffiné, construit étape par étape au cours du temps.
« L’aspect d’ensemble de la vie n’est pas la détresse, la disette, mais plutôt la richesse, l’opulence, même l’absurde prodigalité », écrivait Nietzsche.
Si l’expansion humaine continue au train qui est le sien depuis quelques siècles, la vie ne disparaîtra pas, mais la biosphère que nous avons connue, si, et elle sera remplacée par une autre, où nous aurons peut-être pas de place.
Le vivant abîmé est toujours prêt à repartir, c’est sa nature.