La beauté dure toujours

La plus grande part de ma vie se déroule parmi les images . J'en vois , j'en crée , j'en rêve , c'est impalpable mais on peut les partager , c'est par là qu'elles sont vraies . Avec Felice nous aimons follement les expositions , je dis follement . Pas pour la culture , ce ne serait que raisonnablement , mais pour nous , pour regarder ensemble . La contemplation est un état psychique qui ouvre tous les sens , et quand nous contemplons ensemble tout alentour est aspiré par nos sensations exacerbées , elle qui m'accompagne bue avec autant de désir , de soif et d'attention qu'est bue l'image exposée sur les murs , l'image qui est ma vie même , avec celle qui est ma vie même . (...)
Je la tiens contre moi , elle se tient à moi , et nous allons ensemble voir des images .
Nous y venons toujours ensemble , j'aime y venir avec elle , la tenir par la hanche , la sentir chalouper à chaque pas , la sentir respirer au même rythme que moi ;et être éblouis tous les deux en même temps de la giclée de pigments qui nous éclabousse . Si tu es là , toutes les images peintes sont érotiques .

[Le grand amour], ce dont tout le monde rêve tout en lui déniant la moindre existence; sinon comme flambée, au mieux pendant trois ans. On y pense tout le temps sans jamais y croire, et après on s’étonne de souffrir.

Si on les interroge sur leur amour avec un peu d’obstination, si on montre de la curiosité et que l’on a du temps pour les écouter, ceux qui s’aiment deviennent brusquement intarissables, car raconter c’est s’aimer encore, c’est éprouver d’aimer tout le temps que l’on parle, c’est un délice augmenté que de revivre dans le langage ce que l’on a vécu dans l’ordre du corps.

On n'aime pas le bonheur, on le méprise même un peu : le bonheur est bête parce qu'il n'a pas d'arrière-pensées, le bonheur est bas puisqu'il s'exprime en liquides organiques à l'odeur forte. Et puis il est risqué : s'il est là c'est qu'il peut disparaître.

Il est quand même étrange ce sujet de l’amour : on y pense tout le temps et on n’y croit pas.

- Mais qu’est-ce que c’est ?
- Quoi ?
- L’amour.
- Tu veux vraiment qu’on parle de ça ?
- Oui.
- Parce que les définitions, ça dépasse mes compétences.
- Tu le vis, non ?
- Oui, mais je ne comprends rien à ce que je vis et c’est très bien comme ça.

Le monde est chaos mais il y a l’art et l’amour.

L’amour est fort comme la mort, il est le mouvement qui prend la place exacte de l’immobile, rien ne l’éteint ni ne le freine, rien ne l’empêche. L’amour se meurt, il prend la place de son absence, et de son absence il ne reste rien.

Quand on aime et qu’on est deux, le reste du monde, qu’est ce qu’on en fait ?

L’amour n’est pas une consolation qui donnerait à la vie l’apparence de l’intact ; il est la vie intense qui permet de vivre auprès des failles sans en mourir. Il est une vitalité, il est un courage, l’amour c’est la vie même.