Citations sur Les enquêtes de Nicolas Le Floch : Le cadavre du Palais.. (21)
Laure se tourna vers Nicolas avec un faux sourire et un regard ébahi. De toute évidence, elle se demandait comment Nicolas Le Floch, simple commissaire au Châtelet, était devenu le marquis de Ranreuil, agent personnel du roi. Elle commençait à comprendre sa méprise.
Les femmes du peuple ont prévenu le crime, une femme de la Cour a saisi le criminel, s'exclama Bourdeau. C'est la journée des femmes !
- Mes enfants, dit Noblecourt, vous avez finalement réussi, mais le roi n'est pas sauvé. Au contraire. Cette populace a plus de jugeote que la cour, c'est la grande leçon de ces journées. Elle a obtenu ce qu'elle voulait et qui lui donne son ascendant.
Dans la presse, seules les publicités disent la vérité
Souvent dans ses heures de nostalgie, la question le taraudait. Il serait solide dans sa loyauté. Mais à l'intérieur, il n'était que lézardes.
Il y avait même une maison discrète où ceux qui préféraient les hommes pouvaient se lier en sérénité : l'orchestre qui accompagnait leurs ébats était composé de musiciens aveugles, qui ne risquaient guère de reconnaître tel ou tel personnage public s'adonnant à ses penchants très privés.
Ce qu'on fait ces robins du Tiers et ces seigneurs égarés de la nuit du 4 août, les Noailles, les d'Aiguillon, les La Fayette, est une subversion générale de la société. Au début, ce n'étaient que des mots. Mais ces mots ont transporté le peuple et retenti dans l'univers. Jusqu'à aujourd'hui, l'ordre social tenait par les devoirs du manant et par l'honneur des grands. Les devoirs sont remplacés par des droits, c'est-à-dire par une licence ayant cours légal. L'honneur a été bafoué par le scandale, je pense à l'affaire du Collier, par le venin des philosophes, qui a corrompu les esprits brillants de la noblesse, et par la pleutrerie des plus grands seigneurs.
Le duc bâtisseur avait fait construire trois galeries d'arcades qui séparaient maintenant, de l'ancien parc, les rues de Valois, de Montpensier et de Beaujolais. Ces galeries abritaient quelque cent cinquante boutiques où l'on vendait tout ce qui pouvait contenter l'œil, la chair et l'esprit. Au sud, la "galerie de Bois" qui coupait le jardin, accueillait les imprimeurs et les libraires. A l'ouest et à l'est, les maisons de jeu, les maisons de plaisirs, les salles de marionnettes ou d'ombres chinoises, les marchands de meubles ou de tableaux, les pâtisseries et les cafés s'alignaient comme pour une revue des plaisirs et des arts.
Nicolas, comme toujours, frissonna quand ils franchirent la vaste voûte qui menait dans la forteresse policière, massive et noire en face du Pont-au-Change. Les mêmes exempts étaient en faction dans la haute entrée, les mêmes inspecteurs se croisaient dans la cour, les mêmes portes de geôle, épaisses et lourdes, seulement ajourées d'une petite grille, s'alignaient dans les couloirs de l'est. Nicolas connaissait encore leur surnom par cœur, les Chaînes, la Motte, les Boucheries, Barbarie ou Gloriette, les moins sinistres, et les autres, pestilentielles et obscures, le Puits, les Oubliettes, la Gourdaine... Sans parler des deux cachots les plus atroces, la Fosse, où l'on descendait les prisonniers par une poulie, dans un cône de pierre rempli d'eau à mi-jambe où l'on ne pouvait se coucher ni rester debout, et la Fin d'aise, où l'on pataugeait dans une tourbe d'excréments infestée de serpents. Dans ces deux-là, on survivait rarement plus d'un mois. Signe des temps, elles étaient condamnées, depuis que l'Assemblée avait stigmatisé les coutumes judiciaires de la monarchie.
Il avançait sa lourde carcasse prestement, avec une démarche d'autorité, traversant la place pour enfourner la rue de la Coutellerie. Un puissant fumet de viande et d'abats les saisit à l'approche du Grand Châtelet. Ils contournèrent la forteresse aux murs aveugles qui dominait la Seine pour trouver la place de la Grande-Boucherie, entourée d'échoppes sanguinolentes où travaillaient les bouchers aux grands couteaux rougis.