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Critique de Darkcook


Après les errances lubriques de Bukowski, je voulais revenir au libertinage et aux salons du XVIIIe, en me fiant à la réputation de ce roman et à la quatrième de couverture, sans me douter qu'en réalité, j'allais plus me retrouver du côté de Marivaux que de Sade... Mais peu importe, j'ai passé un excellent moment. Mes incursions dans le XVIIIe siècle français sont rares, mais toujours très appréciées, elles me replongent toujours dans les cours fabuleux de Fabrice Chassot, excellent XVIIIémiste de l'Université Toulouse-II, l'année où La Vie de Marianne était au programme de l'agrégation...

Ce roman, comme ceux de Marivaux, est une suite de rencontres mondaines où le paraître millimétrique, les interactions sociales et leur interprétation, décident de tout, avec en plus des débats sans fin sur les sentiments amoureux, le désir, la fidélité, la réputation et son extrême importance... Il se passe peu de choses véritablement, et l'on y tergiverse beaucoup, mais j'adore, justement grâce à cette plume du XVIIIe. L'intrigue est très simple : le jeune Meilcour, qui ne connaît pas vraiment le monde (la bonne société comme les plaisirs, sous-entendu), fantasme sur celui-ci, et jette d'abord son dévolu sur Madame de Lursay, plus âgée, amie de sa mère, qu'il connaît depuis l'enfance. Ce qui est passionnant, c'est que grâce aux infinies tergiversations des personnages, l'on se rend compte qu'il n'est pas réellement amoureux d'elle, mais veut juste se projeter dans une histoire d'amour, en vivre une, il s'agit plus d'attirance sexuelle pour Madame de Lursay... Alors que Meilcour essaie de séduire Madame de Lursay et de la persuader de vaincre pour elle-même sa réputation de femme seule qui en a fini avec les plaisirs, il croise une jeune femme dont il ne connaît d'abord pas l'identité, et dont il tombe éperdument amoureux. Il cherchera alors à se débarrasser de Madame de Lursay et de l'attirance qu'elle éprouve pour lui, mais les codes des salons mondains, qu'il ne cesse de mal interpréter et de mal exécuter, joueront contre lui, ainsi que l'évolution perpétuelle de son coeur. Les fameux égarements du coeur et de l'esprit sont ceux-là : Les aléas sentimentaux de Meilcour, en perpétuelle évolution, aussi dans sa propre façon de décoder ce qui se passe réellement dans son coeur, ainsi que les joutes oratoires perpétuelles des personnages, qui décident de la suite de leurs choix, de leurs actions... On notera la présence d'un personnage secondaire du nom de Versac comme mauvais génie et expert ès séduction qui, d'après les spécialistes, aurait influencé Laclos pour la création du Vicomte de Valmont dans Les Liaisons dangereuses.

Deux légers bémols : le style a au début souffert de la comparaison avec Marivaux (même si c'est évidemment très proche) et l'inachèvement supposé du roman, qui fait que l'on est un peu frustré. Ce qui est devenu le dénouement tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, et l'on pouvait imaginer encore plein de péripéties sentimentales pour Meilcour, dans sa découverte du monde, des plaisirs, de son coeur, et du ring des apparences et de la rhétorique de salon... Mais j'ai vraiment passé un superbe moment, loin de la frénésie débile et de l'hystérie vulgaire de notre époque...
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