Clin d'oeil affiché, dès la dédicace préalable, à un grand classique du genre dystopien intitulé «
La lettre écarlate » (écrit par
Nathaniel HAWTHORNE en 1850), «
Ecarlate » raconte l'histoire d'une jeune femme, Hannah, dans une Amérique à peine futuriste et très croyante.
Le prétendu manque de moyens financiers a conduit l'Etat à remplacer l'emprisonnement de certains criminels par l'injection d'un virus qui les colore intégralement ! Selon la gravité des faits qui leur sont reprochés, les hors la loi sont donc remis en liberté surveillée, après avoir été teints en rouge, bleu, vert ou jaune.
Ainsi, chaque faux pas vous stigmatise le temps de votre peine : de quelques mois à de nombreuses années. Contrairement aux prisonniers classiques, vous portez vos péchés sur vous.
Hannah, enceinte d'un pasteur déjà marié, ne peut pas garder le bébé. Pourtant, à cette époque et dans ce pays, l'avortement est un crime… Elle cherche donc à se faire avorter clandestinement, mais est arrêtée puis condamnée. Elle sera alors « chromée » en rouge pendant 16 ans, durée de la peine de prison qu'elle aurait dû purger.
Mais si les chromés sont remis en liberté au lieu d'être emprisonnés, leur vie ne ressemble en rien à celle des autres gens : Repérables de loin, ils ont des puces électroniques permettant à tout le monde de savoir à tout instant où ils se trouvent, ainsi que ce qu'ils ont fait pour devenir chromés. Cela en fait des cibles parfaites pour la ségrégation ou la chasse à l'homme. Et surtout, cela les déshumanise totalement.
Bannie par sa mère, Hannah est hébergée dans un centre d'accueil religieux destiné à remettre les chromés sur le droit chemin. Mais au nom de la religion, les redresseurs de tort torturent psychiquement les chromés et Hannah, rebelle devant cette double peine, s'en fait virer.
Elle devient la cible du « poing », une organisation secrète anti-chromés présentant d'étranges similitudes avec le Ku Klux Klan… N'oublions pas qu'Hannah est équipée d'une puce et est chromée en rouge, passant difficilement inaperçue. Réussira-t-elle à refaire sa vie ?
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J'ai beaucoup aimé la plume de l'auteur simple mais fluide, alerte mais sans fioriture qui correspond parfaitement au récit des aventured de cette femme prise au piège par le système. Les personnages servent tous très bien l'histoire : Hannah notamment évolue tout au long du récit, passant de la croyante effacée à la condamnée rebelle lorsqu'elle se rend compte de la disproportion de la peine qu'elle subit.
Lorsqu'elle s'est fait arrêter, elle estimait mériter sa punition, du fait de sa religion ; elle pensait aussi qu'être chromée était un traitement plus humain que de rester enfermée dans une prison.
Mais après avoir subi les dégâts physiques et psychologiques que cela provoque, elle se rend compte à quel point c'est inhumain et dégradant quel que soit le crime commis, et à quel point la ségrégation détruit les vies des « chromés » et les rend à la merci des gens « libres et normaux », qui peuvent en faire ce qu'ils veulent : les chasser, les violer ; Les tuer.
Au final, que reste-t-il de la justice étatique? La colère lui donnant force et courage, elle rejoindra alors une cause qui lui semble juste pour, à son tour, aider les chromés.
Ce que j'aime dans les dystopies, c'est qu'en exagérant les faiblesses et les noirceurs de nos systèmes étatiques et judiciaires, elles mettent en lumière les dérives à éviter. Ici les nombreux thèmes abordés rappellent que notre société n'est jamais à l'abri de mauvais choix : La question du droit à l'avortement est malheureusement d'actualité, mais d'autres sujets méritent notre attention, comme le poids de la religion dans la société et sa confusion avec les règles de droit, le fanatisme religieux, la stigmatisation rappelant par exemple le port de l'étoile juive (et de
la lettre écarlate de la dédicace préalable), etc…
Ce roman prouve une fois de plus que, même dans un système étatique ressemblant au nôtre, rien n'est jamais acquis : Il faut sans cesse être vigilant envers le gouvernement et les lois dangereuses pour les libertés individuelles qu'il pourrait promulguer.
Dans cette optique, vous pouvez lire aussi « 1984 » avec Big Brother, sur la paralysie du peuple par la surveillance, "la servante
écarlate" sur la soudaine prise de pouvoir d'une dictature militaire, ou encore « matins bruns » et « Acide sulfurique » sur l'inertie du peuple.
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