Les villageois ont eux revêtu leur tenue de fête. Blanc et or, couleur symbolique pour les hommes. Mauve, rose, violet, carmin, noir ou vert pour les femmes, qui portent sur la tête des grands paniers d’offrandes. (…)
Les offrandes sont déposées sur les autels. Les femmes parlent et rient entre elles. Le gamelan se prépare, avec ses musiciens en sarong rouges et vestes blanches qui mettent la dernière main à leur costume. La danse va commencer. En quelques minutes, on est ensorcelé.
Dans l'île, les impressions de la nature ont le pouvoir d'ébranler l'esprit, de l'atteindre profondément. L'imaginaire se manifeste à tout propos, on est dans songe semi-eveillé, au bord de l'hallucination.
Manque de politesse, manque de tact : le Blanc est rustre, ou kasar, c'est-à-dire mal dégrossi, encore tout enrobé de barbarie. Son côté direct, abrupt, son désir d'aller droit au fait, de conclure vite, surprennent dans un monde où tout est une question d'échos, de ricochets, de lenteur.
Finalement, ce qui constitue l'essentiel de l'existence, ce n'est peut-être ni la famille, ni la carrière, ni l'idée qu'on a de soi, ni celle que les autres ont de nous, mais cette aptitude à sortir de l'enclos du fini, à dépasser les limites de la vision ordinaire, pour que s'ouvrent sans fin percées et lignes de fuite, pour que soit rendue à l'instant qui passe sa charge de vie et de mystère.