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Critique de Fleitour


Je redoutais la lecture de Lambeaux, j'avais raison, froisser ces pages c'est traverser un paysage de tristesse infinie qui me parlait, comme Charles Juliet l'avait ressenti avant moi, pour écrire son enfance, écrire la peur qui l'a ravagée, la peur qui nait du silence, la peur, sur ses gardes, prête à rugir quand elle viendra, car le drame revient, le prochain sera encore plus long à dompter.

Il aura mis 60 années pour exprimer ce qu'il transportait au plus profond de ses souvenirs dans sa carcasse vieillissante, vider son âme de tous ses regrets, de toutes ses défaites, se voir enfin vivant parmi les ombres.


Dans la première partie du récit Charles Juliet, évoque sa mère, sa vraie mère."Elle ira loin la petite", cette phrase, la maman de Charles, l'aînée de la famille là entendue si souvent que le jour où ses parents la retirent de l'école, c'est un séisme pour elle, un abandon que les professeurs ne comprennent pas, la porte des études est définitivement fermée.


Ce drame en précède un autre, le jour où elle rencontre un garçon instruit, cultivé, délicat même peut-être, il est juste malade, il est au sanatorium, ces jours là, et ce jour où ils se promettent de ne plus se quitter, ils ne savaient pas que demain pouvait contenir un vide éternel.


Mariée à Antoine, arrive un troisième enfant, c'est Charles, mais le coeur n'y est pas, trop de douleurs accumulées, trop de solitude. Il est encore un nourrisson quand on le confie à une famille paysanne et ses cinq filles. L'hôpital sera son destin et son silence, un silence qui tue parfois quand il n'est pas désiré.


"Ta mère adoptive te prend par le bras avec douceur, t'apprend que tu as une autre mère qu'elle vient de mourir"p 99. Pendant la messe tu penses à cette mère, tu voudrais voir son visage, ses yeux, et pourquoi elle était malade... tu te retiens de pleurer" page100.
"Depuis ce jour de tes 7 ans, tu n'as jamais aimé l'été."
Marqué par cette rupture, le moindre faux pas, "la moindre absence engendre chez toi de grandes paniques."


La suite constitue la deuxième partie du livre, sans doute plus émouvante encore pour le jeune garçon, le voilà orphelin, un nouvel abandon se prépare, il fera l'école d'enfants de troupe d'Aix en Provence.


Puis un jour il te vient le désir d'entreprendre le récit où "tu parlerais de tes deux mères l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse". Les mots de Charles juillet suffisent à eux-mêmes," Charles a la vague idée qu'en écrivant ce livre, il les tirera de la tombe, leur donnant la parole sur ce qu'elles ont toujours tu.

Entre l'école militaire et l'écriture de "Lambeaux", Charles Juliet revisite inlassablement son histoire, pour mieux l'exorciser, la traduire en volonté d'agir en avidité de savoir. Cet itinéraire est passionnant à reprendre, à démailler, pour basculer un jour du bon côté, et ne plus craindre, au flanc de ses plaies, un drame, le énième abandon.

Ces deux textes s'imbriquent l'un dans l'autre, dans une langue libérée, où les mots ne sont plus bâillonnées, car les textes se lèvent prennent la porte, et n'écoutent plus les échos du passé. Charles juliet s'adresse cette fois encore à ceux et celle qui ne se sont jamais remis de leur enfance page 153, pour mieux saluer cette seconde naissance," tout ce à quoi tu aspirais mais qui te semblait jamais interdit s'est emparé de tes terres".
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