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Critique de Cancie


Librement inspiré par deux témoignages, Une femme à Berlin (anonyme) et Carnets de l'Interprète de guerre d'Elena Rjevskaïa, l'album Seules à Berlin est l'histoire de la rencontre de ces deux auteures. Cette histoire est une fiction, mais ces deux femmes qui ont servi de modèles à Nicolas Juncker ont réellement vécu. L'auteur en adaptant ces deux écrits, en les mêlant, réussit un album magnifique, bouleversant et passionnant.
L'une, Ingrid est allemande, proche du régime nazi, travaille pour la Croix-Rouge, et est aussi interprète russe, tandis que l'autre Evgeniya, russe, vient d'arriver à Berlin et fait partie du N.K.V.D. (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures).
Dans une première partie, nous faisons connaissance avec Ingrid pour les quelques journées du 20 au 27 avril .
Le récit débute donc le 20 avril 1945, à Berlin, le jour de l'anniversaire du Führer, mais l'ambiance n'est pas à la fête car le IIIème Reich vit ses derniers instants. Les habitants affamés se terrent dans les caves pour échapper aux bombardements alliés, tels des rats. La ville n'est que ruines et les Russes vont arriver. Parmi les Berlinois Ingrid, 28 ans, survit tout en continuant à écrire son journal et note « Les Russes… Ils seront bientôt là. Nous le savons tous. Les Russes… Avoir faim… Attendre. »
Une deuxième partie est consacrée à Evgeniya et couvre les journées du 30 avril au 3 mai avec la prise du Reichstag et le suicide d'Hitler. La jeune interprète de l'état-major russe de 19 ans, dont le supérieur est chargé de retrouver les restes d'Hitler après son suicide devra l'aider à procéder à son identification. Elle aussi tient un journal intime.
Les deux jeunes femmes vont avoir à se côtoyer, puisque Evgeniya va loger chez Ingrid. Nicolas Juncker décrit et illustre très bien cette cohabitation qui s'avère difficile, depuis le 3 mai jusqu'au 11 mai, date à laquelle « C'est désormais officiel. Nous avons trouvé Adolf Hitler. »
L'épilogue nous rend compte de l'après 11 mai jusqu'au 18 mai 1945 où Evgeniya quitte Berlin.
Nicolas Juncker a eu la fabuleuse idée de faire se rencontrer ces deux femmes, de faire croiser les deux destins de cette soviétique et de cette allemande proche des nazis, deux femmes que tout oppose et qui pourtant, devant cohabiter, ne seront jamais proches mais vont tisser un lien entre elles. L'écriture participe à cette union, chacune d'elle a à coeur de relater dans son journal ces difficiles et éprouvantes journées avec tout ce dont elles sont témoins ou carrément victimes. Elles se retrouvent d'ailleurs, dans une forme de violence exercée à leur encontre.
Les viols de guerre massifs commis par les soldats de l'Armée rouge ne sont pas omis et élément moins connu, l'une des premières consignes enseignées à ceux qui s'engagent « Il ne peut y avoir de prisonniers dans l'armée rouge, que des traîtres. »
Leurs journaux intimes respectifs dans lesquels elles content les derniers instants de Berlin sous le joug nazi sont des écrits essentiels.
En adaptant et en croisant deux romans, Nicolas Juncker réalise une sublime performance.
Si l'écriture est réussie, les dessins et les couleurs sont à la hauteur et le tout se combine parfaitement. le ton est donné dès le départ avec ces premières lignes « Berlin est un champ de gris. » et l'écrivain saura utiliser toutes les nuances de ce gris pour accompagner son récit illustré par les bâtiments en ruine et les visages émaciés et décharnés des Berlinois. Seules quelques touches de rouge sombre viendront rompre cet univers grisé lors de l'arrivée des Russes avec la prise du Reichstag.
Par le biais original de ces deux voix féminines extrêmement touchantes et vraies, Nicolas Juncker signe un formidable bouquin aussi passionnant qu'instructif.
Un grand merci à Vincent pour m'avoir permis cette belle découverte.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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