AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de HordeDuContrevent


Il suffit de peu de choses.

Il suffit de peu de choses parfois pour se décider à choisir un livre. Je l'avoue j'ai pris ce livre sans même savoir de quoi il parlait, une fois n'est pas coutume, grâce à sa magnifique couverture, d'un beau mauve velouté avec son brochet rose plein d'élan, à son titre (depuis Peter Heller et La constellation du chien, la pêche en littérature m'attire et me nourrit de par son côté méditatif) et à sa nationalité finlandaise. Arto Paasilinna et son humour décalé, grinçant ne devait pas être très loin me suis-je dit. Sans parler des paysages.

Il suffit de peu de choses parfois pour faire d'un livre une aventure réjouissante et étonnante. Ce livre, qui sort complètement des sentiers battus, m'a plu. La mythologie finlandaise côtoie l'humour, l'étrangeté et le polar. Un ensemble singulier dans lequel j'ai plongé et mordu immédiatement.

Loin de la Laponie de notre imaginaire, pays blanc et immaculé du Père Noel, nous sommes en pleine zone marécageuse, en Laponie orientale, dans le village de Vuopio. Une zone infectée de bestioles en tout genre, notamment d'insectes suceurs de sang, moustiques et taons s'en donnent à coeur joie ! Mais aussi remplie de créatures fantastiques surprenantes : Teignons (mon préféré), Pattes-rayées, Grabuges, Croquemitaines, Affligés de rivière, Floches.

« C'est l'idée même de la Laponie : l'alliance de la vastité et de la vacuité. Un horizon crevé par des épicéas miteux, dont le vide horrifiant tient les gens au silence et les mythes en puissance. Les mythes, ils mangent de la peur. Ils sécrètent des monstres parcourant les tourbières comme des engins enclenchés en un temps révolu, que plus personne ne sait éteindre. Il en nage dans les eaux sombres. Il en est qui sont recroquevillés aux plafonds, leurs yeux ronds ardant comme ceux des hiboux ».

Alors qu'elle travaille désormais dans le Sud du pays, Elina revient dans sa région natale comme chaque été. Comme chaque été la jeune femme a une mission bien précise : elle a trois jours exactement, avant le 18 juin, pour pêcher, au bord d'un étang vaseux, un brochet. Un petit brochet qui a priori n'a rien à faire dans cette grande flaque sans fond, unique représentant de son espèce. Elina n'a pas le choix, elle ne peut faire autrement car sous l'emprise d'un sortilège, d'une malédiction que nous comprendrons peu à peu au fil de la lecture. Sa vie en dépend.
Mais en ce premier jour, voilà qu'un ondin, beau et séducteur dieux des eaux, surgi. En gardien des lieux, il lui impose un marché odieux pour pouvoir accéder au marais. La pêche s'avère décidément délicate cette année, ce d'autant plus qu'Elina est traquée par une policière, Janatuinen qui la suspecte de meurtre. Qu'il est drôle de voir cette policière découvrir ce village de petites gens lapons, de découvrir leurs croyances, leurs sorcellerie, les liens ténus entre la réalité et le surnaturel. Drôle de la voir s'acoquiner avec un Teignon qui ne la lâche pas d'une semelle. La fin du livre, course contre la montre, se transforme en véritable épopée.

Le livre est drôle, je me suis surprise à éclater de rire par moment. Des réflexions écologiques se mêlent par ailleurs au récit, incriminant au réchauffement climatique la baisse du nombre de Teignons et la quasi disparition de Pied-rayés. Les non chasseurs sont vus comme des toqués et l'absence de pesticide dans les plantations comme quelque chose relevant de la sorcellerie :

« C'est vrai qu'elle était capable de faire pousser ses patates sans produits chimiques puisque le diable était son ami. L'Ennemi de l'âme trottait sur ses sabots de bouc dans ses champs pendant la nuit, il caressait les feuilles et chuchotait aux tubercules. Pour sûr qu'ils devenaient gros et sucrés ! Je me souviens, j'ai mangé une fois une patate d'Ylijaako et je me suis dit que le péché devait avoir ce goût-là. Elle était si bonne, cette patate… Mais ce n'est point pitance de chrétien ».

Il suffit de peu de choses pourtant pour transformer un livre a priori réjouissant en un livre qui nous donne une impression de lourdeur au point d'avoir vite envie qu'il se termine. Tous les ingrédients qui font la force de « La pêche au petit brochet », sont aussi ceux qui, employés à dose élevée, peuvent devenir indigestes. Trop de fantastique tue le fantastique, trop d'humour tue l'humour, je finis bien moins réjouie qu'au début ce livre avec une impression désagréable d'appât coincé à travers la bouche.

Un livre qui m'a tour à tour attirée, happée, réjouie puis qui m'a meurtrie tant la fin m'a paru lourde et indigeste…Très étonnant. Comment un tel livre, remarquable, a pu proposer une telle fin, une fin qui se veut cocasse, qui m'a paru interminable ?

Commenter  J’apprécie          7618



Ont apprécié cette critique (73)voir plus




{* *}