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Citations sur Reportage céleste de notre envoyé spécial au paradis (17)

- Sancta simplicitas ! Si tu leur montres une machine, tout va bien, ils sont prêts à gober que j'ai fait engager la grand-mère du diable à Hollywood comme prima donna ; ils croient tout d'une machine mais rien de l'esprit qui l'a inventée ! Durant six mille ans ils ont trouvé tout naturel que le mâle du grand paon de jour trouve sa femelle à cent miles de distance, mais ensuite est venu le télégraphe ; alors là ils ont eu bonne mine : les papillons auraient-ils eu le télégraphe, eux ? À ces gens on pourrait faire avaler que les Égyptiens connaissaient le téléphone sans fil puisqu'on n'a pas trouvé de fil dans les pyramides ; qu'est-ce qu'on peut y faire ? Ils sont incapables de s'abstraire de l'écoulement du temps dans leur réflexion. La pendule, la pendule, la pendule remontée a arrêté leur entendement.
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Page 188 […] La superbe locomotive a foncé dans la foule … le sang jaillit, la cervelle gicle. Séance de dissection, examen du cadavre, le nerf couine : on a tranché dans le vif. Un automate vomit chaussures, chapeaux, habits et aliments, des hommes nus, affamés, s'engouffrent dans la trémie supérieure, les roues les déchiquètent, les broient. Les rotatives grinçantes, vomissant la lumière des lettres et des mots et des images, répandent les scènes des tragédies grand-guignolesques des faubourgs : rival poignardé dans un taudis répugnant, femme à la gorge tranchée avec les dents, enfant empoissonné, c'est pire que la caverne de Croc-Magnon … Le fier Oiseau-Homme prend son vol, et l'instant suivant, il en tombe une pluie de bombes, et dessous : gémissements et mort ...La radio crachote la déclaration de guerre jusqu'aux confins de la Planète … Un savant se penche au-dessus d'un microscope : une vie créée par la raison commence presque à s'éveiller sous l'objectif … qu'est-ce que c'est ? Mais je le connais, j'ai parlé avec lui, contemporain, ami, connaissance – fini ! Elle a éclaté, ce n'était qu'une bulle … Je suis chez moi … cette foule-ci, je la connais personnellement … deux millions, sur le champ de manœuvres de Tempelhof … hurlements frénétiques … « Sois notre guide … jusqu'à la mort … avec toi ! »
Tête bourdonnante, cœur palpitant, je me cherche.
- Allo ! Allo !
Une faible voix dans l'espace.
- Allo ! Allo !
- Diderot … c'est vous ?
- C'est moi … où êtes-vous ?
- Je l'ignore … Dites, qu'est-ce que c'est ?
- Vous êtes mieux placé que moi pour le savoir … [...]
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Je continue ma course en tâtonnant, je trébuche, je m'affale, je me relève.
En vain.
Partout, entre les arbres entrouverts, d'autres niches d'horreur, des programmes variés. Hommes pendus la tête en bas, enfants ligotés, mourants empalés, corps martyrisés au plomb fondu. Hurlements, râles, odeur de chair grillée, sang, intestins pendants... épouvante et abomination. Et chaque fois, dans l'arrière-plan, illuminant l'image infernale de la lanterne de ses yeux de chat brillant d'une couleur verdâtre, les lèvres tremblantes, haletant de plaisir, le tortionnaire...
Où ai-je donc débarqué, âme malheureuse, rebroussons chemin à travers le soufre, retournons dans la vie terrestre, et de là plus loin même, le plus profond possible... alors, il y a quand même un enfer ? et un seul faux pas, un seul mot maladroit, la glissade sur la pierre d'une seule pensée distraite... j'y ai d'un coup sombré comme ce Méphistophélès dont parle la légende ? Si c'est comme cela on peut comprendre que je me trouve au fond de la géhenne ; plus tu tombes de haut, plus bas tu tomberas : le chemin est plus court du paradis à l'enfer que de n'importe lequel des deux au niveau médian de l'existence terrestre, au niveau de la mer, altitude zéro de cette cloison si facile à franchir.
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Il sourit, reste légèrement pensif. Puis il dit prudemment :
- Vous confondez objectif et direction, ce sont deux choses différentes car les yeux de l'âme, agneau bigle comme vous le verrez, ne regardent pas là où le corps se dirige. Vous, Merlin, ne pourrez jamais comprendre ce que cela signifie, parce que vous êtes journaliste, vous êtes propulsé par la curiosité de connaître, vous voulez savoir de quoi il retourne. Chez le poète, une autre agitation se manifeste aussi : savoir comment les choses pourraient en être autrement... L'un cherche la réalité, l'autre cherche la vérité.
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Le plus grave était que Merlin, avec la morgue d'un moderne Cyrano, ne se résignait pas à l'ordre normal et évident des choses selon lequel toute personnalité originale, remuante et surtout active provoque nécessairement de l'hostilité, se fait des ennemis dans l'ire ou la haine contrebalancent la vanité hypertrophiée suscitée par les admirateurs et les thuriféraires, à la manière d'un lest pour une montgolfière, et par là même elles stimulent de façon fort utile et salutaire la probité par le travail.
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- Eh oui, c'est toujours comme ça. Les grands hommes (cela doit obéir à une loi cachée) ont presque systématiquement été abandonnés par leurs contemporains, non seulement ceux-ci ne les ont pas soutenus mais ils les ont plutôt entravés dans leurs actions pour le bien public.
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De nos jours, contrairement à autrefois, le pouvoir n'est plus entre les mains d'hommes chargés des choses de l'âme. Si les prêtres du monde moderne, es écrivains, les savants et les penseurs, représentants l’aristocratie intellectuelle, étaient en même temps les ministres ou chefs d'États ou rois (comme il conviendrait, dans une société résolue, à une humanité logique et conséquente) , l'attention accordée à l'enquête londonienne aurait sûrement reflété plus fidèlement l’importance de la question posée. Enfin, si l'on pense (mais justement, toute la question est là!), savoir s'il existe ou non une vie dans l'au-delà n'est pas tout à fait négligeable pour décider comment je dois vivre, ce que je dois faire, à quoi m'en tenir dans ce monde, dans ma vie ici-bas.

[Extrait de la préface de l'auteur]
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Il [Bonaparte] va tout près de Danton, se hisse sur la pointe des pieds pour lui siffler au visage :
- Je ne vous plais pas, hein ? Vous ne m'aimez pas, hein ? Cela vous a fait du bien de me le dire, hein ? Allez-y, crachez tout votre venin, ce sera l'unique compensation pour votre vie gâchée, d'avoir pu me le cracher une bonne foi à la figure, ç'aura été votre raison de venir au monde pour disparaître ensuite dans le néant... car vous disparaîtrez : l'autre rêveur, Robespierre, vous fera couper la tête, pour ensuite être puni à son tour de la lâcheté de vous avoir exécuté, vous et pas un autre qu'il aurait vraiment détesté... Vous disparaîtrez dans les poubelles de l'Histoire, aucun de vous n'assistera aux noces, à mes noces, à mes glorieuses noces de celle qui m'aimera, qui n'aimera que moi... Vous aimeriez savoir de qui il s'agit ? Je vais vous le dire. De votre fiancée, l'idéal pour lequel vous courez à la mort sans frémir, dont vous êtes tous les deux mortellement amoureux, le peuple, le peuple, le peuple français, le paysan, le sans-culotte, le miséreux, l'anonyme, la plèbe, la matière brute, l'eau, le flot, la mer que vous voudriez soulever, écoper avec un seau, enfler en une énorme vague qui déferlerait jusqu'aux étoiles... Je chevaucherai cette vague apprivoisée, domptée, à bord de votre bateau nuptial... L'écume me léchera les mains... C'est moi qu'elle aimera d'un amour insensé, la plèbe... la liberté ne signifiera rien d'autre pour elle que de crever librement et équitablement dans l'ivresse de l'amour assouvi...
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Merlin n'était intéressé que par la réalité, par le roman de la réalité comme il disait, il dévorait goulûment les livres de sciences naturelles, il lisait toute la presse spécialisée qui lui tombait sous la main, mais non au nom de quelque idéal moral ou esthétique élevé ; la vérité, but final de toute connaissance ou soif de connaissance, en tant que notion philosophique, ne signifiait rien pour lui ; un jour que la conversation portait sur ces questions, il développa qu'à ses yeux le mensonge n'était nullement immoral, seulement sot : la réalité non encore découverte est un terrain tellement plus riche que ce que notre petite imagination est capable de combiner à partir du matériau déjà connu, que tout simplement cela ne vaut pas la peine de mentir ou de fantasmer, ni même de spéculer. Nous ne sommes pas nés pour comprendre le monde mais pour le découvrir et pour en révéler les tenants et les aboutissants. Et cela demande de se lancer, d'aller près des choses, de les prendre en main, de les tester, de les expérimenter, autant que nous le permet notre vie corporelle limitée dans le temps et dans l'espace.
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Sa voix [celle de Noah que le narrateur rencontre] glatit et croasse, comme si un aigle et un corbeau se déchiraient en lui.
- «L'espèce» humaine est vile et misérable, elle est mûre pour sa perdition ! La nature veut en finir et Dieu détourne la tête, moi je le savais, je l'avais prévu ! Et alors il a eu pitié de moi, car Dieu est Bonté et Miséricorde. Et il m'a délégué son génie, rien qu'à moi, pas à «L'espèce» qui s'en est montrée indigne. Il m'a délégué son génie dont le nom est : crainte. L'espèce avait tout simplement peur de la mort, c'est moi seul qui ai porté la crainte à sa place, qui ai appréhendé l'avenir, moi, l'Homme !
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