Parfois, il faut faire confiance à nos souvenirs, même s’ils nous trompent – et parce qu’ils nous trompent. En altérant la réalité, en nous entraînant sur des chemins de traverse, ils nous parlent de nous-mêmes d’une voix nouvelle. Ils nous font imaginer ce qui n’existait pas et, du même coup, nous font entrevoir ce qui n’existe pas encore. Ils réécrivent notre histoire et se font ainsi les précurseurs de notre avenir. C’est justement parce qu’ils détournement la réalité, parce qu’ils la modèlent sur nos désirs insoupçonnés que nos souvenirs ont le pouvoir de nous révéler notre destinée intime.
Ce qui nous manque, ce n’est pas avant tout la joie ou la légèreté que nous ressentions, mais la plénitude infinie de nos sentiments, close au temps et imperméable au devenir. C’est la texture éternelle du moment, saisi dans le roc brut de la vie, détaché de son futur.
Dieu se révèle dans l’interstice du doute – dans le soupçon qu’il pourrait, tout compte fait, affleurer à la surface de mon regard, malgré l’évidence écrasante de son absence.