Citations sur Aeternia, tome 1 : La marche du prophète (44)
Leur dieu, venu des lointaines terres du Sud, combattait ouvertement l’un des principes fondateur de la Grande Déesse, qui voulait que le destin des hommes soit tracé dès leur naissance. Et ce simple désaccord philosophique soulevait un vent de révolte chez les petites gens.
- C’est-à-dire qu’ils rejettent la fatalité ? demanda Varian
- Exactement. Pour nous, les maîtres sont des maîtres parce qu’ils sont nés pour l’être, et les servants sont des servants parce que la Déesse a bien voulu qu’ils récurent notre crasse. Pas pour les disciples d’Ochin ! Ils bourrent le crâne des petits en les persuadant qu’ils pourraient être grands.
- Il est d’une connerie, ce chien, c’est affligeant, grommela-t-il en laçant le col de sa chemise.
- C’est la jalousie qui parle. Le jour où tu feras la moitié de ce que je lui ai appris, tu feras fortune dans le cirque.
- Ah oui ? Tu lui as appris quoi, à part assis et debout ?
- Rien pour l’instant, mais c’est déjà énorme… Tu me diras, tu fais ça bien, toi aussi, mais pas encore sur commande – il claqua des doigts : Assis, Leth Marek !
- Desmeon, tu m’épuises.
- Ton champion ne perdra pas, répondit Nahel Amon, rassurant. Les oracles nous sont extrêmement favorables.
- Ils l’étaient aussi pour d’expédition de Ridan. Il faut croire que les oracles ne tiennent pas compte des abrutis.
S’il y avait quelque chose de logique dans la religion, on le saurait.
Tu comprendras vite comment ça marche : il y a ceux qui prient – on doit bien ça à la déesse – et ceux qui font en sorte de nourrir ceux qui prient.
Plus que des requins, il fallait se méfier des petits, des médiocres, qui guettaient tapis dans l’ombre les moindres erreurs des ambitieux.
Montrer sa faiblesse, c’est se condamner à n’être qu’une victime, et ne rien demander, c’es ne rien avoir.
- Ils ont tué ta famille, c’est ça ? fit la voix dans son dos. C’est très triste, champion, mais t’es pas le seul. Rien que cet après-midi, tu as fait cinq veuves et dix orphelins.
La gorge serrée, Leth Marek avala douloureusement sa salive. C’était horrible, inacceptable, mais c’était vrai.
Le temps que durait la tempête – cinq, dix minutes -, de parfaits inconnus se serraient les uns contre les autres, et tout d’un coup l’averse cessait, le tonnerre s’éloignait, chacun reprenait le cours de sa vie. De belles amitiés – parfois plus – se nouaient sous la tempête, et les étrangers comprenaient enfin cet étrange proverbe kyrénien : « Si tu cherches une épouse, attends l’orage. »
Du reste, il n’avait que mépris pour les sautillements et les esquives. Pour lui, un combattant digne de se nom économisait son souffle, ses mouvements, et privilégiait la défense, car le meilleur des guerriers ne vaut rien une fois mort.