AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachka


Lors d'une de mes précédentes lectures d'un roman de Natsuo Kirino, je me suis intéressée au système éducatif et aux valeurs familiales nippones, découvrant un système et des valeurs bien différents du modèle occidental. Un système dans lequel la pression de la réussite est exercée dès le plus jeune âge sur les écoliers dont le peu de temps libre est consacré aux "jukus" (stages de révisions intensifs) ; une structure familiale où le silence et la modération du langage sont de mise et font office de politesse, reléguant ainsi l'expression spontanée des sentiments au second plan, la proscrivant bien souvent en public, lui préférant une forme de pudeur et de distance.

"L'adolescence c'est l'âge où l'on doute de tout ce qui est possible et de rien de ce qui est impossible" (Jean Dutourd), d'où l'importance de pouvoir mettre des mots, des paroles sur les émotions, les sentiments qui submergent l'adolescent face à des évènements passés ou à venir, graves ou moins graves et encore plus lorsque se pose la question du deuil comme c'est le cas dans ce récit. Faire le deuil d'un parent est loin d'être chose aisée pour un enfant ou un adolescent, le chemin pour y parvenir est long et il s'effectue en partie grâce aux échanges et à la parole avec l'entourage et le parent restant.

C'est de cela que nous parle ce très joli roman de Mieko Kawakami dont l'écriture élégante et pudique a le mérite de ne jamais tomber dans l'excès propre au jargon adolescent. le récit, par le biais de sa double narration, donne la parole tour à tour à Mugi et Hegatea au Japon de nos jours, un garçon et une fille, tous deux âgés de douze ans que la perte respective d'un de leurs deux parents alors qu'ils étaient encore très jeunes va rapprocher instinctivement. Une double narration très pertinente qui accentue la caractérisation psychologique des deux personnages principaux, permettant ainsi au lecteur de s'approprier dès les premières pages, leurs pensées et leurs humeurs.

Mieko Kawakami nous dresse les portraits touchants et emplis de tendresse de ces deux enfants qui entrent dans l'adolescence, période troublée et régie par son lot de questions existentielles. Deux enfants qui ont beaucoup de respect et d'attention mutuelle l'un pour l'autre, qui ensemble vont grandir, vont avancer sur le chemin qui est le leur et tenter de découvrir ce que les adultes ont occulté et rangé dans des tiroirs tels des secrets inavouables. Ces mêmes adultes qui ont préféré enfouir ces secrets plutôt que de les affronter comme en témoigne le sapin de Noël qui trône comme une relique de sanctuaire dans le salon chez Hegatea depuis huit années que sa maman a disparu.

Comment un enfant peut-il faire son deuil si on ne l'autorise pas à y mettre les mots et qu'il est laissé dans l'ignorance ?
Apprendre à parler et à s'exprimer c'est aussi apprendre à poser des questions et qui sait (et c'est déjà beaucoup) tenter d'y trouver des réponses...

La nuit n'est jamais complète.
Il y a toujours, puisque je le dis,
Puisque je l'affirme,
Au bout du chagrin,
une fenêtre ouverte,
une fenêtre éclairée.

Il y a toujours un rêve qui veille,
désir à combler,
faim à satisfaire,
un coeur généreux,
une main tendue,
une main ouverte,
des yeux attentifs,
une vie : la vie à se partager...

(Paul Éluard ; La nuit n'est jamais complète)

*Je remercie Tetrizoustan pour le partage régulier de sa bibliothèque.
Commenter  J’apprécie          9751



Ont apprécié cette critique (89)voir plus




{* *}