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Critique de Osmanthe


Je tenais à découvrir le court roman qui a révélé Mieko Kawakami, que je tiens pour l'un des meilleurs écrivains japonais actuels, deux sexes confondus. Lauréat du prix Akutagawa, je savais que ce n'était pourtant pas son meilleur, loin s'en faut. Au verdict, ce fut plutôt une assez bonne surprise.

Le décor est planté d'une famille incomplète et dysfonctionnelle, les trois femmes que nous suivons sont assez barrées. Natsu doit avoir environ 30 ans et reçoit chez elle à Tokyo sa soeur aînée Makiko, qui s'est retrouvée mère célibataire de Midoriko. Les deux femmes vivent à Osaka et ne roulent pas sur l'or, Makiko étant hôtesse de bar. Makiko est venue avec une obsession en tête, se faire refaire les seins, et entend bien passer au bistouri dans une clinique de Ginza. Midoriko est clairement prise dans les affres de la crise d'adolescence, elle a décidé de ne plus parler autrement qu'en écrivant sur un carnet, et trouve tout répugnant, à commencer par se voir devenir peu à peu une femme, avec l'irruption des règles, le mystère de l'ovulation et tout le toutim.

Les trois femmes traînent leur dégaine maigrichonne, leur ennui et leur avarice de mots pendant ces quelques jours, dans des échanges et situations où l'absurde n'est jamais loin. le texte tourne largement autour de cette obsession de ses petits seins piteux à refaire, et franchement on ressort instruit sur les trois techniques possibles, leurs avantages et inconvénients ! Derrière une apparente banalité, Mieko Kawakami livre un texte plus profond qu'il n'y paraît sur le mal de vivre dans un univers de solitude, dans une société japonaise où les femmes sont souvent en souffrance. Au Japon, ça ne se fait pas de faire des enfants hors mariage. Les mères célibataires y sont assez nombreuses et mal vues, peu aidées financièrement, et condamnées pour s'en sortir à faire de petits boulots. Les adolescents ont bien du mal à se projeter dans la vraie vie, par manque de sens, ils n'ont pas envie de faire des enfants et fonder une famille.

Dans ce roman, les trois femmes vont-elles finir par enfin se regarder et s'écouter, et tirer un fil pour peut-être, qui sait, faire de ce court séjour un nouveau point de départ pour retisser un vrai lien familial ?

Mieko Kawakami use d'un style sobre, pudique voire assez sec, mais non dénué d'un humour pour exposer cette sorte de huis-clos féminin, qui pourrait très bien faire l'objet d'une mise en scène théâtrale. Avec le recul de quelques années et plusieurs excellents romans parus depuis, on se dit que ce roman augurait déjà d'une suite de carrière talentueuse.
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