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Critique de Unhomosapiens


Suite à la conférence de Berlin de 1895, les nations européennes décidèrent de se partager l'Afrique. le roi des belges léopold II, demanda son dû. C'est ainsi que le centre du continent, le Congo, encore largement inconnu, lui revint. A lui d'en tirer toutes les richesses possibles. La littérature et le cinéma ne manquent pas sur ce thème. Ce n'est, qu'après tout un épisode de plus sur l'abomination de la colonisation. Mais c'est justement là que le roman de Paul Kawczak diffère des autres oeuvres. Pierre Claes, géomètre, accepte une mission pour délimiter la partie nord du Congo des parties françaises et anglaises. Participera également à cette expédition hétéroclite Xi Xiao, un bourreau chinois, passé maître dans le découpage des corps vivants. On découvre peu à peu, par de savants flash-back, le parcours et les histoires intimes des personnages qui détermineront leurs motivations et les amèneront à tenter l'aventure en Afrique à la recherche d'un autre « eux-même ». La folie est déjà perceptible en Europe. C'est à Bruges que commencera cette boucherie puisque le père de Pierre Claes est boucher de son état mais surtout schizophrène. La mort de Baudelaire, la folie qui s'amorce déjà chez Verlaine, les débuts du mouvement symboliste, tout cela est à mettre en rapport avec cette Europe malade, recherchant un ailleurs où laisser éclater sa folie. Les nouvelles missions au Congo ne sont alors que des exutoires possibles. C'est la folie européenne qui va se transposer et se déchaîner en Afrique. L'Histoire, la grande, n'est que le fruit de motivations individuelles, et c'est à l'aune de ces motifs que va se réaliser la colonisation du Congo Belge. Avec son cortège d'atrocités, ce déchaînement de cruauté. Chacun assouvira son mal-être par des souffres-douleurs. D'où ses corps mutilés, ses mains tranchées à vif, ces villages incendiés, ces enfants violées…
Tout cela est expliqué. Et comme dans le roman de Konrad, plus nous remontons le fleuve, plus nous remontons dans les méandres de notre propre folie. Il est évident que le dépeçage des corps vivants est celui du continent. Nous sommes là dans une poésie de l'atroce, dont les toiles symbolistes en sont les témoins picturaux. Xi Xiao n'est que l'exécutant. La communion avec l'univers, les étoiles, l'authenticité de la jungle, souvent rappelée, n'est là à mon sens, que pour signifier que dans L Univers, tout se tient. Cette non-dualité qui fait que ce qui se passe à Bruxelles ou à Paris se retrouve sous les cieux africains. Nous sommes tous issus de la même matrice. C'est donc d'un suicide collectif qu'il s'agit. D'ailleurs, la fin du roman le confirme par cette formidable explosion qui clôt le roman. La matière vivante se fond avec le minéral, avec le cosmos.
Ce roman est un pur chef-d'oeuvre. Mais attention, il faut être prêt ! Peut-être lire Konrad avant ?
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