Enfants de la Terre et du Ciel reste fidéle aux tensions et conflits émaillant les Balkans du XV° siècle, et si
Guy Gavriel Kay s'efforce de respecter l'ensemble, il s'agit bien d'un roman de fantasy et non pas d'un simple roman historique transposé dans un pays imaginaire. Mais c'est surtout avec les deux lunes – bleue et blanche – prenant possession de la nuit – qui font définitivement basculer le récit. La présence de ce deuxième satellite n'est pas juste pour embellir le décor, la paire d'astres nocturnes influence sensiblement toute une culture, et joue un rôle majeur sur la psychologie collective du peuple kandith, les Errants (les juifs).
Outre les deux lunes, la présence d'esprits marquera le jalon ainsi que le lecteur. Ces êtres spirituels demeure assez rares. Les critères pour atteindre ce statut, indépendant de la volonté de l'entité, sont assez dramatiques puisqu'il faut décéder dans des conditions injustes associées à attitude héroïque…
Danika Gradek se voit « escortée » par son grand-père, par exemple.
Il faut noter que la présence désincarnée peut se consumer dans une dernière prouesse, consommant instantanément son essence spirituelle.
Guy Gavriel Kay met en scène 5 personnages, hommes et femmes confondus, les esprits mis à part.
Abordons le cas de Danica, fougueuse amazone selon la maison d'édition (c'est le cas). Son histoire est dramatique : sa famille a fui son village natal sous les coups et les flammes. Lors de cette nuit déchirante, elle a perdu son grand-père et son paternel. Son frère a été enlevé par les asaharites. Elle s'est réfugiée à Senjan, une cité pirate qui mène la vie dure à ses ennemis. Désormais, elle a un but ultime : tuer des asharites… Son parcours, à l'image de ses motivations m'ont laissée sur la réserve. le personnage n'est pas mal écrit, mais elle est un peu trop inflexible pour vraiment me séduire.
Elle reste toutefois, une des sources majeures des scènes d'action dans le roman, et sa dextérité au tir est remarquable.
Pero Villani est dans la même tranche d'âge. C'est un jeune peintre en devenir de Séresse à qui le conseil confie une mission de la plus grande importance : espionner le maître d'Asharias sous le couvert d'une peinture. Les enjeux vont vite dépasser l'imagination du jeune homme qui va se prendre les pieds dans un nid de frelons (orientaux). La seconde partie de son histoire est passionnante, alors que le périple initial est un peu longuet…
Marin Djivo connait un chemin tout aussi tortueux que le jeune peintre. D'ailleurs, il se rencontre en début de roman sur le bateau de la famille Djivo de Dubrovnik. Par son intermédiaire, l'auteur en profite pour nous dépeindre un autre pendant de cette mosaïque balkanienne, avec des luttes d'influence tout aussi mortelles que partout ailleurs sur le pourtour méditerranéen…
Les trajectoires des deux hommes empruntent des voies similaires, avec une première partie qui aurait mérité d'être accélérée, et une seconde bien plus captivante.
Vous pourrez également vous familiariser avec Damaz, un « adolescent » de 14 ans, enlevé une nuit à sa famille pour être formé comme djanni, le corps d'élite du calife (les fameux janissaires). Malgré son âge, il s'avère déjà un soldat efficace et redoutable.
Guy Gavriel Kay réussi à en faire un protagoniste intrigant et crédible, avec des choix difficiles devant lui.
Finalement, le personnage qui m'a captivée fut Léonara Valeri, subissant les événements avant de les retourner en sa faveur et de devenir maîtresse de sa destinée. Elle bénéficie de plus de finesse que les autres ainsi qu'une pointe de filouterie qui lui sied à merveille. Les intrigues de cours qui se profilent sont à sa mesure, et il est un peu dommage de ne pas avoir exploité davantage cette veine. Il en va de même avec un personnage secondaire, ambassadeur de son état qui a un énorme potentiel, éteint sur l'autel de la vengeance mono-dimensionnelle de Danica.
Guy Gavriel Kay nous brosse – à l'image de cette zone – une mosaïque d'histoires personnelles illustrant par touches plus ou moins appuyées, l'Histoire mouvementée et conflictuelle d'une partie des Balkans. Il me manquait pour être totalement émerveillée, une intrigue d'une seul tenant, menée d'un bout à l'autre; j'ai eu la sensation de papillonner.
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