L’Inde se parait à ses yeux de toutes les qualités. Un pays de merveilles et de beauté où le soleil brillait toujours et où les habitants ne vivaient pas dans de grandes pièces glaciales aux affreux meubles sombres, mais au milieu de jardins pleins de fleurs étranges et d’oiseaux apprivoisés.
L’enfant possédait une dignité et une réserve qui dépassaient son âge et elle ne se serait pas laissée aller à pleurer et à s’accrocher à des étrangers. Sa souffrance muette fut prise pour de la maussaderie et son parler lent pour de la stupidité, car ses parents de Ware ne comprenaient pas que l’enfant parlait quatre langues dont l’anglais était la moins courante puisqu’il lui avait été enseigné par une femme aux ancêtres franco-espagnols.
Elle ne connaissait ni la neige, ni les sombres forêts de décembre. Elle ne
connaissait que les couleurs dures et flamboyantes de ce pays brûlé de
soleil. Elle ne savait pas ce que c’était que d’aspirer à des deux gris, à des
vents frais et au froid contact des flocons de neige.
Elle se sentait très heureuse, d’un bonheur serein que rien ne pouvait toucher ou abîmer. Elle aimait et était aimée. Adorée, chérie et protégée.
L’existence ne lui paraissait plus longue du tout comme lorsqu’on est jeune et impatient, mais au contraire courte et rapide, telle l’ombre des nuages courant sur la terre. Mais cela n’était pas triste car le temps n’était qu’un. Anne-Marie avait porté cet anneau quand elle était jeune, maintenant elle était morte et l’épouse de son fils le portait, comme le ferait à son tour une fille de Sabrina. Anne-Marie était encore présente en Marcos et Juanita, comme elle le serait dans les enfants et petits-enfants des nouveaux mariés.