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Critique de gruz


gruz
11 novembre 2020
Le roman noir permet de raconter le monde, le passé, et de créer du faux avec du vrai.

On connaît tous de nombreux contes d'Andersen, comme La petite sirène ou encore La Petite Fille aux allumettes, écrits entre 1845 et 1873.

Hans Christian Andersen a eu la particularité d'écrire également un journal personnel, chaque jour. Sauf en 1834, l'année avant qu'il ne se lance dans l'écriture de contes. Une année blanche qui a servi de point de départ à l'imagination fertile des auteurs de cet étonnant roman.

Que s'est-il passé durant cette courte période ? Quelle a été l'étincelle qui a poussé l'illustre auteur danois à se lancer dans les contes, alors qu'il écrivait tout autre chose au début de sa carrière. En 1834, il a 29 ans, et l'avenir devant lui.

N'imaginez pas que ce livre soit une histoire tournant autour de ses écrits, du genre biographie romancée. Non, La mort d'une sirène est un vrai thriller historique qui nous plonge tête la première dans un passé de monarchie et de pauvreté extrême, à travers une vraie enquête menée (malgré lui) par le conteur, qui est accompagné d'une prostituée, soeur d'une victime atrocement assassinée.

Ce thriller vaut autant pour son intrigue que pour ses personnages et son environnement, sans aucun doute la combinaison de sa réussite.

Ce qui frappe dès les premières pages, c'est cette immersion totale dans un passé où la majorité des femmes et des hommes vivaient dans la crasse, le manque, la faim.

La capacité des auteurs à faire ressentir ce que supportaient les gens est assez exceptionnelle. On se sent littéralement imprégné des odeurs et de la saleté ambiante, et de ce qu'était la vie éprouvante il y a moins de deux-cents ans. Un voyage dans le passé, incroyablement réel, avec une narration qui joue avec le sensoriel bien davantage qu'avec les descriptions.

Cette plongée si réelle rend les personnages principaux encore plus palpables, encore plus attachants. Sans manichéisme, Andersen étant bien loin de l'image de l'enquêteur courageux et fiable, au point que sa coéquipière par obligation semble s'en sortir souvent mieux que lui. Oui, ils sont touchants par leur naïveté, par leurs peurs et l'horreur au quotidien qu'ils doivent surmonter.

Quant à l'intrigue, loin d'être le parent pauvre du livre, elle s'avère inventive, réellement originale tout en restant crédible, avec quelques scènes qui restent en mémoire.

Le plus étonnant est que ce récit a été pensé par trois cerveaux et écrit à six mains. On connaît plusieurs cas de couples d'écrivains, dans la vie ou de plume, mais rare sont les romans accouchés à trois.

Derrière le pseudonyme de A.J. Kazinski se cachent deux auteurs danois également scénaristes et réalisateurs, qui avaient proposé en 2011 et 2013 deux formidables thrillers, dans un tout autre style, et que je conseille vivement : le dernier homme bon / le sommeil et la mort. S'est adjoint à eux Thomas Rydahl, auteur d'un roman sorti en 2016, Dans l'île. Un vrai travail d'équipe qu'il serait captivant de disséquer.

Leur manière d'écrire n'a rien du conte de fée, elle est soignée mais directe, souvent cruelle, sans chercher à cacher la dureté et la violence de la vie et des situations. Avec une intrigue qui se révère assez folle.

L'immersion est profonde sur 540 pages, même si un brin longue. le seul petit bémol à mon sens, j'aurais fait gagner une cinquantaine de pages à l'histoire. Mais rien de rédhibitoire, elle reste prenante de bout en bout.

La mort d'une sirène est un thriller étonnant. Par la manière de romancer le passé d'un auteur illustre et la genèse de certains de ses contes. Par la descente au plus profond de la noirceur du quotidien de l'époque, mais aussi dans celle de l'âme d'un tueur vraiment atypique.

Rydahl et Kazinski ont reconstruit le Copenhague de 1834 avec un talent d'évocation étonnant, au sein d'une intrigue âpre qui frappe par sa dureté mais qui touche par ses protagonistes et son souffle aventureux.
Lien : https://gruznamur.com/2020/1..
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