Le problème quand on lit énormément de livres dans un genre particulier c'est qu'il arrive un moment où on connait et reconnaît certains arcs narratifs rien qu'à la lecture de la quatrième de couverture, ou très en avance dans l'ouvrage. Ou que l'on croit reconnaître les arcs narratifs, ce qui si on se trompe, peut nous apporter une très bonne surprise à la lecture mais peut aussi risquer de nous faire passer à côté d'une chouette histoire. C'est ce qu'il a failli se passer avec
P.S. tu me manques que je ne voulais pas lire, pensant savoir d'avance ce qui allait se passer.
Juliet a toujours entretenu une importante correspondante avec sa mère, photographe de guerre. Une habitude qu'elle n'arrive pas à perdre même depuis la mort brutale de sa maman. Juliet continue donc d'écrire et de déposer ses lettres sur la tombe bien que celles-ci restent sans réponse. Jusqu'au jour où Declan trouve une des lettres en effectuant ses travaux d'intérêts généraux et est bouleversé par ce qu'il y lit au point de répondre. Commence alors une correspondance entre deux inconnus qui ne le sont finalement pas tant que ça.
J'ai vraiment passé un très joli moment de lecture avec ce roman qui n'était pas du tout ce que je croyais.
Brigid Kemmerer refuse et évite certains écueils, notamment narratifs, rendant son roman à la fois douloureusement réaliste mais également juste et sans fioritures ou rebondissements exagérés qui seraient venus alourdir un récit qui se suffit à lui-même. Notamment parce qu'il est porté par des personnages très forts.
On est touché par la détresse et la douleur de Juliet, par ce trou béant qu'a laissé en elle la mort de sa mère qu'elle idolâtrait littéralement. On est ému de la voir petit à petit reprendre goût à la vie, apprendre à vivre avec ce vide, se remettre à faire des choses de son âge et à pratiquer sa passion pour la photographie.
On n'est également pas insensible à la colère sourde que Declan porte en lui, une colère créée par une culpabilité qui n'est pas la sienne et qu'il porte aussi, par l'absence de dialogue avec ses proches, par son chagrin dont il ne sait pas quoi faire et qui lui colle à la peau. Lui aussi se révèle sous nos yeux sensible, généreux, blessé. Une nouvelle fois l'autrice s'évite et nous évite le cliché du bad boy au passé sombre qui s'en prend à tout le monde parce qu'il souffre, ce qui ne rend le personnage que plus attachant.
Et puis il y a aussi les autres personnages. Ceux que l'on aime et ceux qu'on secourait bien pour leurs choix stupides. J'ai adoré le papa de Juliet, prêt à tout pour sa fille, Rev le meilleur ami de Declan qui est vraiment un amour et ses parents qui le sont tout autant, la prof de littérature de Declan qui contrairement aux autres voit au delà des apparences, le responsable de Declan au cimetière qui s'avère d'une aide véritable et d'une bienveillance à toute épreuve, le prof de photo de Juliet qui l'aide à passer une étape importante. Il y a aussi les autres : Alan le beau-père de Declan qui se comporte parfois comme un gros enfoiré, sa mère qui manque à son devoir, engluée dans son propre chagrin. Et bien sûr la mère de Juliet dont l'image idéalisée par sa fille se craquelle finalement au fur et à mesure de l'histoire.
Parce qu'en réalité c'est sur la thématique de l'apparence et des idées préconçues plus que sur le deuil que porte cette histoire.
Brigid Kemmerer nous encourage et encourage ses personnages à voir au delà des apparences, au delà du masque que les autres portent, du rôle qu'ils jouent pour découvrir qui ils sont vraiment. Elle nous rappelle également que les parents sont des êtres humains, faillibles, imparfaits, qui commettent des erreurs et qu'il ne sert à rien de les mettre sur un piédestal.
Une très jolie histoire qui n'est pas vraiment la romance dramatique à laquelle je m'attendais et finalement j'ai envie de dire que c'est tant mieux. Un roman dont l'histoire et les personnages m'ont cueilli au point qu'il me tarde à présent de découvrir le roman compagnon de celui-ci, dédié à Rev, le meilleur ami de Declan.
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