Elle se trompe peut-être mais elle a l’impression qu’ils se trouvent de nouveau devant l’échiquier, Jurek et elle.
Elle a essayé de le débusquer en proposant une ouverture dans sa défense.
C’était en tout cas son idée.
Mais qu’a-t-elle reçu en retour?
Quelque chose, forcément, puisqu’on ne peut pas déplacer un pion sans laisser un trou.
Elle a l’impression d’avoir raté un détail important, un élément qu’elle a frôlé, une pièce qui pourrait s’imbriquer avec une autre.
Je veux dire, la vie n'est pas qu'une question de survie, il faut vivre aussi.
Après coup, on prétend toujours que c’était un jeu anodin qui a dérapé, mais les gens savent très bien quand ils sont méchants. L’énergie noire se répand et ils choisissent de continuer.
(Actes noirs, p.49)
Jurek a brisé Saga pour l'amener à entrer en contact avec moi, raisonne Joona pendant qu'il conduit.
En prétendant qu'il se préoccupait de la dépouille de son frère, qu'il était prêt à faire un échange, il lui a fait croire qu'elle avait le dessus.
Mais tout ce qu'il avait en tête, c'était trouver la cachette de Lumi.
P.507
Je veux dire, la vie n'est pas qu'une question de survie, il faut vivre aussi.
Elle avait eu l'impression tantôt d'être un papillon qu'il essayait d'attraper, tantôt d'être déjà enfermée dans un bocal.
Presque tous les enfants ont des obsessions, mais ce qui rend ce souvenir si douloureux, c'est qu'elle a plus tard compris que son idée fixe était liée à un réel besoin de survie.
C'est quand même bizarre qu'une femme seule dans un bar ait l'impression d'être une proie, pense-t-elle.
Mats devant l’évier en train de fermer le robinet. Il la regarde, les yeux brillants.
— On a fini ? demande-t-elle.
— Oui, je vais juste jeter un coup d’œil dans le congélateur, répond-il en indiquant les traces de sang autour de la poignée.
Il s’essuie la bouche, ouvre le couvercle et se penche en avant.
Sa tête part immédiatement en arrière comme s’il avait reçu un coup, il tente de parler mais aucun son ne franchit ses lèvres.
Il titube et recule, le couvercle se rabat violemment, faisant s’entrechoquer une tasse à café et sa soucoupe sur la table.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demande Karen en s’approchant du congélateur.
Mats se tient au bord du plan de travail, fait tomber un vaporisateur en plastique et lève ses yeux sur elle. Ses pupilles sont contractées, réduites à deux minuscules gouttes d’encre, et son visage est étrangement livide.
— Ne regarde pas, chuchote-t-il.
— Il faut que je sache ce qu’il y a là-dedans, réplique-t-elle tout en entendant l’appréhension dans sa propre voix.
— Dieu du ciel, ne regarde pas…
La tête de l’homme mort est comme une citrouille noircie fixée directement sur ses épaules. La mâchoire est brisée et le gosier ainsi que la pomme d’Adam s’extraient de la bouche déformée sous l’effet des gaz de décomposition.