- Dommage que les pendentifs aient été perdus, leur paire aurait fait l'originalité de la pièce. Vous vous souvenez de celui qui vous l'a vendu ?
- C'était un Indien, un Ayoreo qui était venu travailler ici. Il arrivait du nord et paraissait épuisé par le voyage. Il transportait des objets comme celui-là dans une vieille couverture. Il y avait aussi des statuettes, des figurines d'animaux. Cet homme avait besoin d'argent. Je lui ai rendu service, en quelque sorte.
Cet homme, descendant des Ayoreos, était le survivant d'un monde qui vivait ses derniers instants. À force d'étudier leur histoire, leur langue, leur culture, il avait oublié qu'il s'agissait aussi d'êtres vivants. De l'abstraction studieuse, il passait à la réalité tangible. Elle était là, devant lui, en chair et en os. Il se sentait encore plus désarmé que devant une copie blanche.
- Il serait intéressant de l'expertiser. En ce moment, les pièces pré-colombiennes intéressent...
Avec brusquerie, Bartella l'interrompit :
- Ecoutez, j'ai d'autres soucis que de m'amuser à jouer aux antiquaires...
Julien insista :
- Dommage que les pendentifs aient été perdus, leur paire aurait fait l'originalité de la pièce. Vous vous souvenez de celui qui vous l'a vendu ?
- Vous avez là un curieux objet. Il n'est pas indiscret de vous demander sa provenance.
Bartella fronça les sourcils. Il avait l'air embarrassé :
- Ce masque ? Oh, vous savez, ce genre de vieillerie traîne parfois par ici. Je l'avais acheté en pensant à un ami qui adore ces babioles.