Voilà un roman qui sort de l'ordinaire . On hésite à le classer dans un genre précis : roman d'aventures exotique, roman d'énigme, d'apprentissage, thriller, romance ?
Sans doute tout cela à la fois et l'auteur sait nous immerger dans un climat trompeur pour mieux nous en extirper et nous introduire ailleurs..
le pitch ? Julien, jeune ethnologue à la fois érudit et un peu paumé monte un demi-canular à un riche collection d'art pré-colombien donnant à croire qu'il pourrait avoir trouvé la piste d'Eldorado. sa « victime » le prend au mot et l'envoie au Paraguay vérifier ses dires.
Au tout début , on pourrait se croire chez
Hergé ou
Philippe de Broca. Exotisme au programme ?
C'est vrai que la découverte de Julien dans une poussiéreuse salle des ventes pourrait faire penser à une aventure de Tintin. Mais dés son arrivée au Paraguay, le ton change.
Notons déjà, le choix du décor du roman ; le Paraguay. A l'exception de
Jacques Lanzmann, peu d'écrivains nous ont emmené dans ce pays d'Amérique du Sud, jusqu'ici vaguement connu comme un repère d'anciens nazis.
Point de cela ici : Tout d'abord
Alain Keralenn nous emmène dans une région totalement inconnu : le Chaco. Et là c'est peu dire, que l'auteur sait créer un décor qu'apparemment , il connaît bien ; Entres mennonites, indiens encore insoumis, éleveurs expatriés et natifs du pays, l'auteur arrive à nous plonger dans un pays totalement inconnu qui prend des allures de Far-West ; Par sa plume, il nous transporte dans un autre pays, un autre temps et l'on s'étonne presque de voir apparaître un hélicoptère, un avion ou un portable.. du grand art.. On sort de ces pages, un peu étourdi et décontenancé de nous retrouver dans nôtre Europe si policé. Ce décor est la grande qualité de ce livre.
Pour ce qui est de l'histoire, il fait reconnaître un vrai sens du tempo à
Alain Keralenn. Il sait à la fois ménager le suspens , se donner des temps de respiration pour mieux nous tromper et conduire une histoire vers un dénouement qui surprendra le lecteur non-averti. le style de l'auteur est suffisamment clair et son écriture sans trop de fioritures est un atout indéniable.
Les personnages sont une jolie réussite. Julien est un anti-héros parfait : à la fois empoté, touchant, inadapté a mais aussi un poil roublard et assez audacieux pour saisir la moindre chance de saisir le but d'une quête qui est devenue la sienne, il suscite une empathie du lecteur qui finit par surmonter l'agacement d'un héros qui subît peut-être un peu trop.
Les autres personnages sont plutôt bien dessinés :Un exploitant français qui échappe au cliché du baroudeur ,un pasteur mennonite qui va au-delà des descriptions dévolues à ce genre de personnages, un policier qui échappe à la caricature du cliché sud-américain du flic buté et corrompu ; une procureure, sorte de Milady des tropiques ou la plume de l'auteur sait s'adapter à la force et à la sensualité du personnage et par-dessus tout : la peinture d'un monde : celui des Indiens dépouillés par des siècles de colonisation et qui tant bien que mal essaient d'échapper au monde moderne. Là , la plume de l'auteur rejoint celle du héros. Il nous montre parfaitement la pression que la modernité fait subir au combat désespéré de ces natifs pour leur survie. Matéo, l'un d'entre eux est un peu leur porte-parole . A la fois lucide et attaché aux traditions, il est à lui tout seul, la grande réussite du livre. La morale qui court tout au long un récit pourrait être que la découverte d'un passé glorieux vaut peut-être moins que le respect des autres cultures et de leur mode de vie.
Un livre à lire et à relire et l'on espère d'autres livres d'un auteur plus qu'intéressant