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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Paris, le 4 février 1912. Au premier étage de la Tour Eiffel, un homme enjambe la rambarde. Il s'appelle Franz Reichelt. Il est d'origine hongroise et vit à Paris. Il exerce le métier de tailleur-couturier et travaille, depuis plusieurs mois, sur une invention : le costume-parachute d'aviateur. Ce jour de février, il est convaincu de sa réussite et compte bien le prouver. Personne ne peut l'arrêter dans son idée folle. Alors, il saute.

"Les envolés" a reçu le Prix Goncourt 2022 du premier roman. Etienne Kern y raconte le destin de cet inventeur méconnu mort à l'âge de trente-trois ans en sautant de la Tour Eiffel pour tester la fiabilité de sa création.

A partir de cet événement, l'auteur remonte le temps et raconte l'histoire de cet homme dès son arrivée à Paris en 1900 depuis sa Bohême natale et son installation dans le quartier de l'Opéra où il tient un commerce de création pour dames.

A partir de 1910, l'aviation est en constante évolution. de nouvelles inventions font leurs apparitions notamment lors de la première "Exposition internationale de locomotion aérienne". Ballons dirigeables, aéroplanes et d'autres engins volants sont présentés. C'est à partir de ce moment que Franz Reichelt a l'idée d'un costume inspiré de la chauve-souris. Il réalise plusieurs essais jusqu'au jour fatidique.

La particularité de cette événement est que ce saut a été filmé. L'inventeur chute et s'écrase au sol sous les caméras et les yeux des policiers et spectateurs.

Dans le Paris de la Belle Epoque qui précède la Première Guerre mondiale, c'est le temps de la modernisation, des évolutions culturelles et des découvertes scientifiques. Franz vit dans ce contexte, parmi tant d'autres inventeurs.

Ce roman est un hommage aux hommes rêveurs, aux créateurs, à ceux ayant contribué au progrès grâce à leurs idées et leur savoir-faire.

Un magnifique roman, intime, poétique et totalement bouleversant.
Un texte qui fait référence à tous ces "envolés", ces personnes aux destins brisés.

Coup de coeur absolu.


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COUP DE COeUR

" Les gens que nous aimons, nous ne pouvons rien pour eux."

4 février 1912. Devant une trentaine de badauds et des reporters qui le filment, un homme s'élance du premier étage de la tour Eiffel, il veut tester son invention, un "costume-parachute d'aviateur". On l'a prévenu : il n'a aucune chance. C'est une des premières fois de l'histoire qu'une caméra saisissait la mort en direct.

L'homme avait trente-trois ans, il s'appelait Franz Reichelt et était tailleur pour dames. Né en Autriche, le jeune homme avait tenté sa chance à Paris, capitale de la mode, il avait réussi à se faire embaucher grâce à son ami Antonio Fernandez. En ce début de siècle les français se sont pris de passion pour les aéroplanes, certains construisaient des appareils dans leur arrière-boutique ou dans la cour de leur ferme, des foules se rassemblaient pour admirer ces pionniers qui n'hésitaient pas à lancer leurs gros jouets dans le ciel.

Pour son premier roman Étienne Kern a choisi de se pencher sur le geste d'un inventeur qui s'est jeté de la tour Eiffel pour tester le parachute qu'il venait de faire breveter et avec lequel il espérait gagner le Prix Lalance doté d'une belle somme. Étienne Kern remonte le fil de l'histoire de Franz à la recherche ce qui a bien pu mener cet homme à ce geste fou. A cette histoire vraie romancée, il mêle, dans des chapitres en italiques, des éléments intimes dont il n'est pas toujours aisé, tout au moins au début, de comprendre le sens ou même de savoir à qui ils s'adressent, je me suis laissée porter par ces passages d'une grande sensibilité qui renvoient pour certains au souvenir de ses propres disparus, autres "envolés".

Étienne Kern brosse minutieusement le portrait de Franz, un homme réservé et solitaire, hanté par la culpabilité, un homme pour lequel j'ai éprouvé immédiatement beaucoup d'empathie, un homme qui ne rêve pas de gloire, ses raisons pour mener à terme son projet sont très touchantes. " Franz est appelé par des voix qu'il est le seul à entendre. Il porte son rêve comme une blessure au flanc." L'auteur nous montre bien comment cette invention d'un costume qui imite une chauve-souris déployée mènera le jeune homme au bord de la folie et combien il a été difficile pour la personne qui partageait sa vie de le voir dériver, happé par un rêve où elle n'avait pas de place.

J'avais déjà vu les images du saut de ce parachutiste mais les revoir après avoir lu ce roman est particulièrement émouvant, le voir hésiter puis finalement sauter... Et ce parachute qui ne s'ouvre pas... Des images impressionnantes qui interrogent sur le pouvoir d'attraction des images et qui nous obligent à nous demander si la présence de la caméra n'a pas contribué à ce qu'il n'abandonne pas son projet.

Étienne Kern m'a embarquée dès les premiers chapitres de son roman pour ne plus me lâcher. Un premier roman admirablement bien maîtrisé et très sobre. Une écriture ciselée, des personnages bien incarnés, une construction audacieuse, des passages d'une infinie poésie ... Sobriété, pudeur et délicatesse caractérisent ce grand livre. Un auteur à suivre...

Lien : https://leslivresdejoelle.bl..
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Un petit bijou, que ce court roman tiré de faits réels tragiques datants de 1912. Je m'abstiendrai d'en dire trop, sinon que sa lecture ne décevra que les amateurs de pavés interminables. Étienne Kern n'a pas volé son Goncourt du premier roman et prouve avec ce récit au titre à tiroirs que les livres courts, même tirés de faits réels, sont parfois meilleurs que certains ouvrages imposants. Vous trouverez le film original dont il est question dans le livre sur Wikipedia, dans l'article consacré à Franz. Seul point obscur: la romance entre Franz et Emma est-elle authentique ou non ? Quelqu'un le sait-il ?
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ENORME COUP DE COEUR

Etienne Kern retrace l'histoire de Franz Reichelt, tailleur à Paris, qui s'est lancé du premier étage de la tour Eiffel le 04 février 1912 afin d'essayer son prototype de parachute. Ce dernier ne s'ouvrira pas, la chute sera fatale.

Ce roman est bien plus qu'un simple portrait. le style poétique et le parallèle avec des événements tragiques survenus à des personnes proches de l'auteur m'ont entraînée dans une avalanche d'émotions. Chaque chapitre est introduit par une note très personnelle de l'auteur et d'une grande sensibilité.

Impossible de lâcher ce roman qui m'a tout simplement conquise.
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Sombre, émouvant, élégant et envoutant, voila les mots qui viennent après avoir refermé la dernière page de ce premier roman. C'est l'histoire de Franz Reichelt, tailleur autrichien pour dames, venu vivre à Paris et qui en février 1912 aurait pu être l'inventeur du parachute, mais qui est resté juste un homme qui s'est tué en se jetant de la Tour Eiffel pour un simple prototype et qui s'est envolé des livres d'Histoire.

Disparu en quelques secondes, certes, mais persiste encore à ce jour une vidéo de ce fameux 4 février 1912. Franz au bord de la Tour Eiffel, à faire des va-et-vient comme si dans son inconscient la mort se trouvé déjà en bas. Après quelques hésitations, il s'élance, essaye d'imiter le vol de l'oiseau et s'écrase 57 mètres plus bas. Fin de l'histoire !

Très court roman mais d'une finesse incroyable : on n'y suit bien entendu le récit de cette histoire avec comme des entractes ou Etienne Kern explique son ressenti avec cet homme que rien n'arrête, au destin oublié. L'auteur s'adresse à Franz puis à d'autres "envolés" comme il aime les nommer. Des envolés qu'on a tous dans nos vies, qui rend ce roman poignant.

Captivé par la pureté du récit, où les personnages envahissent notre esprit, car derrière chaque grand drame se trouve une femme et l'amour. L'histoire se répète pour Franz hélas, mais ça, je vous laisse le découvrir par vous-même.

Etienne Kern débarque sur la scène littéraire avec un premier roman majestueux, ou le talent et le style sublime à merveille un fait divers tragique en auréolant d'humanité son héros aux rêves impossibles.

Quelle réussite ! Lisez ce roman ! Un nom : Etienne Kern ! Un auteur a suivre..
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Depuis sa sortie je désirais lire ce roman, le premier de Stéphane Kern, dont le tire m'intriguait quelque peu. Qu'est-ce qui pouvait bien se cacher derrière "Les envolés" ? Je ne le compris qu'à la lecture de l'ouvrage, ma dernière de l'année 2022, ouvrage que l'auteur m'avait dédicacé à Besançon avec une gentillesse hors du commun.

"Tu as les yeux fermés, les bras ballants, la tête légèrement penchée…une série de diagonales… C'est l'un des piliers de la tour Eiffel…" Ce sont les premiers mots du roman, en italique et énigmatiques, premiers questionnements, premiers étonnements, où vont-ils m'entraîner ? le premier chapitre me l'apprend : "4 février 1912…Il avait trente-trois ans. Il n'était pas ingénieur, ni savant. Il n'avait aucune compétence scientifique et se souciait peu d'en avoir. Il était tailleur pour dames. Il s'appelait Franz Reichelt." C'est ainsi que l'auteur nous raconte l'histoire de cet inventeur.
Cet ouvrage est magnifiquement écrit. J'ai, en effet, trouvé l'écriture élégante parce que sans chichis. Les phrases sont courtes, joliment agencées, faites de mots simples mais choisis. La lecture en est limpide et agréable. Les personnages, réels ou de fiction, décrits avec minutie, sont attachants de par leur retenue, leurs forces ou leurs faiblesses. Les sentiments sont abordés avec beaucoup de délicatesse.

Il est aussi magnifiquement construit qui alterne l'histoire de Franz Reichelt – dont je n'avais jamais entendu parler – avec des moments plus intimes dans lesquels l'auteur fait revivre ses proches, disparus, envolés. La délicatesse des propos, la sensibilité qui affleure, le peu de mots, de phrases, de pages, disent s'il en était encore besoin combien la qualité d'un écrit ne se mesure pas à l'épaisseur de l'ouvrage. Il y a dans ce roman un quelque chose de particulier, une douceur, qui m'a envoutée, émue, charmée. En plus de l'intérêt lié à la découverte des balbutiements du parachutisme, l'évocation des sentiments profonds de l'auteur est bouleversante et émouvante l'espérance d'une marque laissée par ceux que l'on a aimés et qui se sont évaporés.

"Les envolés" est un premier roman tout en pudeur, d'une grande beauté et maîtrisé de bout en bout. J'attends déjà le suivant.

Lien : https://memo-emoi.fr
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Le 4 février 1912, Franz Reichelt saute du premier étage de la Tour Eiffel équipé de son invention, un parachute. Les journalistes, les badauds sont au rendez-vous... Un caméra filme l'exploit. le drame, hélas, est prévisible...
Personne ne l'arrête, personne ne s'interpose...
Tous le laissent exécuter cette folie.

Etienne Kern se décide à écrire ce roman suite au visionnage d'une vidéo, illustrant ce fameux saut. Cette vidéo, je suis allée la regarder sur internet... Effroyable...
Etienne Kern nous fait découvrir les quelques années qui ont précédé l'événement : l'arrivée à Paris, son installation rue Gaillon en tant que tailleur, ses visites chez ses parents, son amitié avec Antonio, son employée Louise...
L'auteur nous livre en parallèle, ce qui le trouble dans ce saut, ce qui le renvoie à son histoire personnelle, avec M une de ses amies, ou son histoire familiale, et plus précisément son grand-père.

Tout est beau dans ce petit roman.
La plume de l'auteur est fine, douce, pleine de tendresse, de tristesse et d'émotions.
J'ai beaucoup aimé cette lecture qui m'a enveloppée de mélancolie une fois la dernière page lue...


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❝ […] et tu tombes

et si ceux qui te photographient alors
croient saisir l'image d'un homme déjà mort
dans cette chute, dans cet énorme effroi,
peut-être n'as-tu jamais autant vécu
accouché de quatre cuisses de froid

au coeur de cet effroi

ton coeur s'est arrêté tout au bord du matin.❞
Au matin suspendu (extrait), Alexis Bernaut, Rue des promenades éditions, 2012

❝ Cela n'avait pas duré quatre secondes. La vitesse normale d'un poids qui chute.❞

Il reste un film, de moins de deux minutes, tourné dans le froid matutinal du 4 février 1912 à Paris, sur le Champ-de-Mars, au pied de la tour Eiffel. Il reste des images en noir et blanc, au flou un peu tremblé, d'une foule levant les yeux vers un homme sanglé dans un accoutrement improbable, mi costume mi parachute. du premier étage, derrière sa moustache, on le voit sourire à la caméra, hésiter, reculer, s'élancer et s'écraser cinquante-sept mètres plus bas. Quatre secondes durant lesquelles, pour reprendre les mots d'Alexander Chase, cet homme s'est trouvé ❝ suspendu entre l'illusion de l'immortalité et la réalité de la mort.❞ (in Perspectives, New Hampshire University Press, 1966)

À l'ombre de notre saule pleureur, mon grand-père paternel, né en 1901, m'avait raconté cette histoire qui avait marqué le jeune garçon qu'il était alors. Si ma mémoire n'avait pas retenu le nom de cet homme, je me souviens très bien encore de la stupéfaction et l'incompréhension de BonPa. de sa colère aussi. Comment avait-on pu lui donner l'autorisation d'aller se jeter dans le vide ? Comment avait-on pu ignorer l'absolue nécessité d'un système de sécurité pour sa réception alors que tous ses essais avaient été autant d'échecs ? Comment n'avait-on pas su raison garder ? Et cette foule, que venait-elle voir ?

Étienne Kern, pour son premier roman, a choisi de raconter l'histoire de cet homme, Franz Reichelt, tailleur de Bohème venu à Paris avec l'espoir d'une vie autre. Un ❝ drôle de type❞, selon Maurice avec qui il travaille, prêt à tout pour prendre son envol en même temps que ce siècle naissant ; rêver, à une époque où tous les rêves même les plus fous sont permis, est-ce si extravagant ? La dernière guerre est loin, la prochaine, encore inimaginable. Avant le grand saut dans le premier conflit mondial, l'entre-deux est le temps de l'insouciance. La Belle Époque est une période de bouleversements autant techniques que sociaux ou culturels, et un moment rêvé pour tous ceux qui ont foi dans le progrès. L'Exposition universelle de Paris n'a-t-elle pas eu lieu au tournant du siècle ? Louis Blériot à bord de son Blériot XI ne vient-il pas de traverser la Manche ? le monde appartient aux pionniers, il encourage les élans audacieux, il bruisse d'espoirs et c'est cette part-là que porte Franz Reichelt et sonde Étienne Kern avec un talent certain de conteur, car bien que très documenté, son roman préserve sa part romanesque et ne tombe jamais dans l'exposé circonstancié.

❝ Partout, les pieds enfoncés dans le sol, des foules se rassemblaient, poussant le même cri de plaisir, les bras tendus vers tous ces héros, ces perdus, ces damnés qui lançaient de gros jouets vers le ciel sans savoir qu'ils y creusaient leur tombe.❞

L'époque est exaltante. Foin des timorés, des cartésiens, des raisonnables engoncés dans leur pragmatisme ! Place aux rêveurs, aux joueurs, à ceux qui osent et voient dans leurs découvertes futures le moyen de s'élever au-dessus de leur vie minuscule.

Que cherche donc ce tailleur sans histoire et apprécié de tous quand, insoucieux de ses échecs pourtant sans appel, il s'entête à mettre au point un vêtement, parachute léger, pour les aviateurs ? Gloire ? reconnaissance ? récompense du prix Lalance doté de 5 000 francs ? Non, il semble que ce ne soit rien de tout cela.

❝ Franz est à sa fenêtre. Il regarde le ciel. Il ne rêve pas de grandeur, d'envol, de gloire. Il laisse les rêves aux autres. Il veut être aimé. Il veut faire le bien.❞

Il veut être aimé pour peut-être puiser dans cet amour la force de survivre à la perte de ceux qui ont fait un bout de chemin à ses côtés : Antonio et son air d'enfant quand il parlait de l'aéroplane qu'il construisait et à bord duquel il a trouvé la mort au moment où sa fille venait au monde en un curieux passage de relais ; Martha Wagner, son premier amour mort, suppose-t-on, sous les coups de son mari : la petite Alice, qu'il aimait comme sa fille, vaincue par une méchante fièvre.
Un rêve sans but ni dédicataire ne reste qu'un rêve. Et, peut-être, une erreur. Ce but pourrait être de rendre Emma, veuve d'Antonio, heureuse et les protéger elle et l'enfant à défaut d'avoir su le protéger lui.

Que cherche donc Étienne Kern en feuilletant un album de photos anciennes ou en regardant de vieux films, tissant un lien intimiste entre Franz et ses propres envolés (d'où le pluriel du titre) alors qu'il écrit dans un Cahier du même gris que la robe que Franz avait confectionnée pour Martha et que jamais elle ne portât ?

❝ Tu étais tout ce qui m'obsède. le souvenir des corps qui chutent.❞

Avec une écriture limpide, dépourvue d'effet appuyé, Étienne Kern ferre le lecteur, alternant histoire et adresse directe à Franz, le je et le tu apprenant, par un jeu de miroir entre deux époques, à vivre avec l'absence. Revisiter ses morts, c'est interroger la mémoire et l'empreinte qu'ils ont laissée

❝ Ne pensez pas que les êtres qui mordent dans la vie avec autant de feu dans le coeur s'en vont sans laisser d'empreinte❞, écrivait Nicolas de Staël à la mère de sa défunte épouse, Jeannine Guillou.

Son grand-père Helmuth et son amie M. sont de ceux-là, et leur ombre douloureuse plane sur le roman.

❝ Les gens que nous aimons, nous ne pouvons rien pour eux.❞

Cette phrase, d'une triste acuité et par deux fois écrite, montre ce qu'il faut de simplicité et de délicatesse pour faire s'entrecroiser ces vies écourtées, qu'elles appartiennent au passé lointain ou non, à l'histoire familiale ou non, et écrire, en creux, le manque que rien, jamais, ne vient combler. La résignation, déjà.

❝ À un moment, j'ai cessé de chercher. Au fond, j'aimais mieux l'idée de ne pas être sûr. Les absents sont partout.❞

Les Envolés est aussi et peut-être avant tout un livre sur les absents, le deuil et le chagrin. Sur la solitude de ceux qui restent et avec laquelle ils doivent composer. Martha, Antonio, Alice, Emma envolés, Franz Reichelt reste bel et bien seul avec ses fantômes et son vertige :

❝ tu es le rêve, la foi, le désir, le vertige.❞

Manque la folie qui expliquerait, avaliserait tout, ou presque, mais à laquelle on ne peut croire.

Dénuée de pathos, douce, à mots choisis, l'écriture d'Étienne Kern est un contrepoids salutaire à la gravité saisissante des faits racontés. Car le soupçon du suicide, bien sûr, s'insinue dès lors que l'on peine à concevoir l'aveuglement d'une telle obsession.

❝ Cette vérité si troublante : l'expérience du vertige n'est pas la peur de tomber mais le désir de sauter.❞

Pourquoi succomber à la tentation du vide ?
Parce que l'on (s')est persuadé de son immortalité ? Parce que l'on souhaite s'envoler rejoindre ceux qui nous ont précédés ? connaître l'ivresse ? concevoir un idéal ?

Les temps ont toujours été durs pour les rêveurs, et cruels. On ne saura jamais ce qui a poussé Franz Reichelt à sauter dans le vide, sans sécurité, en dépit de toutes les mises en garde que dictait le bon sens. le vide a toujours eu une attirance magnétique. Plus près de nous, on se rappellera les sauts dans le vide d'Yves Klein et les photomontages publiés avec la complicité d'amis photographes dans les années 1960.

Franz Reichelt, lui, ne trichait pas et il garde sa part de mystère, même une fois la dernière page tournée. En mettant en miroir le saut dans le vide de ce tailleur de trente-trois ans et celui de personnes qui lui étaient proches et chères, Étienne Kern livre un premier roman pudique et fort, baigné d'une atmosphère irréelle. Et la lectrice que je suis, heureuse de ne pas avoir toutes les clefs et d'être abandonnée à ses conjectures, se retrouve à son tour suspendue entre fascination et incrédulité face à l'absurdité de ces rêves devenus cauchemars.

Lu dans le cadre de la sélection 2022 des #68premieresfois
Lien : https://www.calliope-petrich..
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Mes dernières nuits de 2021 se sont envolées avec les mots d'Étienne Kern… Je ne pouvais rêver plus beau voyage…
Voyage au creux de l'histoire… Nous sommes dans les années 1910, au moment où d'importantes recherches en aéronautique voient le jour avec e parachute… Recherche qui comme pour toute innovation, fait tourner les têtes en quête de gloire et de reconnaissance, au point d'en perdre tout sens de la raison…
Voyage au creux de l'amour… Des prémices des sentiments naissants aux affres de l'amour… de la quête de l'autre à la perte de soi…
Voyage au fil du temps… Voyage dans le récit de la vie de Frantz Reichelt où viennent se tisser la vie d'autres disparus chers au coeur de l'auteur…
Voyage au coeur des mots… car ce qui fait aussi la beauté et la puissance de ce roman, c'est le style de l'auteur… Une plume faite de sensibilité et de poésie… Une plume faite pour que les mots s'envolent jusqu'à notre coeur…
Un coup de coeur pour ce roman que le Père Noël a gentiment déposé au pied de mon sapin et que j'ai dévoré dans la foulée.
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Etienne Kern raconte l'histoire de Franz Reichelt, peut-être avez-vous déjà vu cette vidéo très courte du 4 février 1912 où l'on voit un homme se jeter de la tour Eiffel pour tester un parachute de son invention et qu'on voit malheureusement s'écraser au sol 4 secondes plus tard. Une histoire qui hante Etienne Kern, et son lecteur après la lecture de ce roman.
Franz est un tailleur autrichien installé à Paris. Il se lie d'amitié avec Antonio Fernandez qui meurt dans un accident d'avion. Quand il voit l'annonce de la création du prix
Lalande avec 5000 francs à la clé pour celui qui concevra un parachute permettant de sauver la vie de nombreux pilotes, il n'hésite pas à se lancer dans cette entreprise avec une certaine folie en pensant à son ami.
Dans ce roman, il y aussi de nombreuses femmes qui gravitent autour de Franz, sa soeur Katarina, la veuve Emma Fernandez, son employée Louise.
On se balade dans les rues de Paris en 1910. On gravit les marches de la Tour Eiffel avec Franz. Ce personnage est attachant. Comme Etienne Kern, on a envie d'en savoir plus sur cet homme qui a sacrifié sa vie. Comment en est-il arrivé à se jeter dans le vide ? Qui est-il ?
L'auteur alterne les chapitres du roman avec ses propres souvenirs, ses recherches sur Franz Reichelt et ses réflexions. Il fait le parallèle avec l'actualité aussi. Un récit intime et touchant où il est question de « l'empreinte laissée par ceux qui se sont envolés. » Il évoque M. une amie malade, décédée à l'âge de 33 ans d'une chute mortelle, tout comme Franz Reichelt.
Ce roman est court, 146 pages. Je vais éviter de vous en raconter davantage et vous encourager fortement à le lire. J'ai beaucoup aimé l'écriture poétique d'Etienne Kern. C'est délicat, bien écrit. J'ai ressenti l'émotion de l'auteur pour ce personnage. Il m'a embarquée dès les premières pages. J'ai aimé l'entremêlement du roman et du récit intime. Je relirai avec plaisir ce livre.
Un beau premier roman de cette rentrée littéraire à découvrir !
Lien : https://joellebooks.fr/2021/..
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