"L'astronome qu'il aurait pu être les connaissait bien, ces espaces dans le ciel, pointes de diamant qui dialoguent par-dessus les immensités noires, se découvrent des affinités et s'attirent, comme les notes s'attirent entre elles et créent la musique. Un minuscule intervalle, entre ré dièse et fa bécarre, un rien Mais un infini."
Il se sent comme un peintre qui ne trouve pas la bonne couleur, aurait dit son père, dans son atelier, pestant devant un tableau en cours. Soudain, il dresse l'oreille, se détend. Voilà, cette harmonie dans laquelle se glisse maintenant sa phrase musicale, sans effort. Pourquoi, juste maintenant ? La luminosité de l'air ? Ce goéland qui a tourné autour du rocher ? Décidément, la musique fait ce qu'elle veut, se dit Alex, en s'éloignant d'un pas alerte.
Voilà ce que j'aime : prendre du recul sur le monde. Le regarder de loin. Le sentir palpiter mais dominer ses exubérances.
Mensonges. Elle détourne les yeux. L'effleurement de la peau délicate du musicien frémit encore sur sa joue. Elle y pose sa main, la cache, comme pour empêcher Germain de dissiper cet instant lumineux. Pour la première fois en vingt-cinq ans, elle ment à son mari, là, devant elle, qui la regarde, silencieux. Une force la submerge, l'affole, la main bêtement collée sur sa joue, qui la brûle comme si elle avait été giflée. Elle trahit celui à qui elle doit tout.
Chercher à gommer la réalité ne fait que la souligner, tenter de calmer la douleur la rend plus présente encore.
Que faire de ses intuitions, qui l'aveuglent parfois, petits morceaux découpés dans la bobine du grand film du futur ? Il n'a pas le mode d'emploi de ses clairvoyances, et n'en mesure la pertinence que lorsque la réalité le lui prouve, ce qui ne lui sert plus à rien. On appelle ça un don. Peut-on appeler un don quelque chose qui vous fait souffrir, par les anxiétés qu'il provoque à l'avance ?
Quand la vie l'enserre trop, elle s'invente des mondes, où elle décide de tout.
Le compositeur donne des indications, mais il ne peut pas tout exprimer, sur sa partition. C’est à l’interprète de prendre le relais, de choisir, de décider. Interpréter, c’est vivre. Non pas dans le passé, mais dans son époque, pour des vivants.
Quand la vie l’enserre trop, elle s’invente des mondes, où elle décide de tout.
Cette poussière d’or au crépuscule de sa maison de Noirmoutier, elle l’a mise en mots et lui en musique. Entendre de la poussière d’or, quelle incroyable sensation !