Algernon, Charlie et moi

Face à tous ces refus, je me demandais si je pourrais continuer à écrire. Les trois années passées à développer la nouvelle pour en faire un roman semblaient n’aboutir à rien. Maintenant, je commençais même à douter qu’il soit publié un jour. Même si je n’avais pas écrit « pour le tiroir » comme la poétesse Emily Dickinson, j’avais l’impression que mes « fleurs » s’y faneraient . Plus personne ne lirait jamais ce roman.

Dites-lui que pour bien écrire, il faut secouer chaque feuillet pour faire tomber tous les mots et les phrases inutiles.

Grâce à Hemingway, j'ai appris à faire des phrases simples et déclaratives , sans figures de rhétorique , dans le style transparent et réaliste que lui avait enseigné Mark Twain.

J’étais persuadé que, comme Maugham, je finirais par dépasser l’imitation, et qu’à ce moment-là j’aurais appris à former des phrases et à les assembler en paragraphes. J’étais certain de pouvoir développer une perception de la langue, de trouver ma voix et mon style personnels, comme ceux de mes personnages. Je ne devais pas me montrer plus présomptueux que Maugham, qui n’avait pas hésité à apprendre à écrire, comme l’aurait fait un enfant, en ayant recours à l’imitation.

Je me suis rendu compte que je devais m’entrainer dans l’art de l’écriture. J’avais étudié tous les ouvrages que j’avais pu trouver sur le sujet. Dans ses Mémoires, Somerset Maugham relate la manière dont il a appris à écrire, en passant des journées entières à la bibliothèque pour recopier des passages d’auteurs qu’il admirait. Au début, cela m’avait choqué, mais ensuite j’avais compris. Et j’ai fait la même chose avec des livres de la bibliothèque.

Ce soir-là, après avoir ouvert mon anthologie de littérature anglaise pour préparer la prochaine interrogation sur les poètes britanniques, j'ai parcouru le sommaire et j'y ai trouvé le nom d'Algernon Charles Swinburne. Et je me suis dit : Que drôle de prénom !

Ensuite il se levait de table, me tapotait le crâne, me disait de bien me tenir en classe et d'étudier sérieusement .À cette époque, je pensais qu'il partait à son travail. C'est bien plus tard que j'ai appris qu'il avait honte d'être au chômage.

Plus il s'élève, plus il voit loin; et quand il atteint le sommet, il se tourne et aperçoit tout autour de lui un monde de connaissance. Mais ensuite, il doit redescendre de l'autre côté.

Il y a des gens qui veulent écrire et d'autres qui veulent devenir des
écrivains .Pour quelques génies , le succès arrive sans efforts. Pour le reste d'entre nous, ce qui compte, c'est l'amour de l'écriture.

Pour un écrivain, il n'y a pas de sensation comparable à l'allégresse qui vous envahit lorsqu'on voit son nom imprimé sous le titre de son premier récit publié. En marchant dans les rues de Manhattan, on se demande pourquoi les gens ne se précipitent pas vers vous pour vous solliciter des autographes. On caresse l'idée de quitter son travail et d'écrire à temps plein pour obtenir gloire et fortune .
Quand les récits suivants sont refusés, on retombe sur Terre.