Je ne me doutais pas qu'un jour, je pouvais être jugé non sur ce que j'ai fait dans mon existence, mais sur ce que je suis : un mâle blanc hétérosexuel (vade retro satana). Cadre supérieur au coeur d'une grande agglomération urbaine ou paysan creusois crève-la-faim, peu importe, ces mâles blancs doivent rendre compte des « crimes » commis par leurs aïeux, mettre un genou à terre en signe d'éternelle repentance, supporter stoïquement l'injure parce qu'elle est justifiée, quand bien même il faudrait pour cela remonter jusqu'aux croisades…
J'ai lu «
Racée » pour essayer de comprendre ce radicalisme identitaire des minorités dites « visibles », ethniques ou d'origine sexuelle. Ces minorités qui exigent que « deux clans s'opposent. Ceux qui seraient strictement identiques, « nos frères », et les autres, la cause de tous les drames. »
Essayer de comprendre cette recherche absolue d'homogénéité, ces revendications victimaires et souvent outrancières qui inondent les réseaux sociaux, la signification de mots à la connotation vaguement stalinienne, émasculateurs, comme « intersectionnalité » ou « déconstruction » …
Mais ce livre écrit par la très courageuse
Rachel Khan (les haineux victimaires lui en ont mise plein la figure) m'a apporté bien plus. Beaucoup plus. D'une certaine manière, il m'a réconcilié avec moi-même.
Avec comme fil conducteur les propos sages et provocateurs de
Romain Gary ou d'Émile
Ajar ou d'autres identités prises par ce personnage flamboyant, avec beaucoup de poésie et de drôlerie,
Rachel Khan démonte ces mots qui enferment, qui rétrécissent, qui accusent, qui rejettent pour en promouvoir avec vitalité et sans haine d'autres : intimité, création, désir. Des « mots qui réparent », des mots qui recousent, des mots qui ont des bras grands ouverts, des mots qui apaisent, qui additionnent, qui font sourire, qui aiment…
Rachel Khan a parlé avec beaucoup de tendresse de ses origines, cette mosaïque de religions, de langues, de pays, de couleurs. Moi, je suis le fruit improbable de paysans corses madrés et de grands bourgeois bordelais. Par quel hasard, par quel chemin tortueux ces gens-là se sont-ils rencontrés ? C'est cette histoire que j'aimerais lui raconter, avec son lot de drames, de défaites, de mystères et de jours heureux.
En chacun de nous, il y a une grande Comédie Humaine.