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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
« Ma mère est morte hier » nous dit Farida Khelfa dès la première phrase de ce recueil de souvenirs. Elle expliquera ensuite que cette mort a été le déclencheur de l'écriture. L'enfance qu'elle nous raconte dans Une enfance française est particulièrement douloureuse, avec deux parents déficients : le père alcoolique, fragile mentalement, violent et incestueux ; la mère en constante dépression, gavée de médicaments, aveugle voire consentante aux exactions du père et, forcément, démissionnaire. Toute la famille est plongée dans cet engrenage de violence, frères et soeurs inclus, jusqu'à cet oncle maternel qui violera Farida alors qu'elle a sept ou huit ans. Une histoire pathétique dans une HLM de Vénissieux, une banlieue lyonnaise… Les confidences s'égrènent, d'abord à mots couverts, puis plus brutalement. L'autrice nous confie les diverses violences, les coups quand le père est ivre, et c'est fréquent, mais aussi l'inceste sur plusieurs des enfants, et l'indifférence, même parfois l'hostilité de la mère. Elle raconte sans entrer dans les détails et nous livre l'horreur brute, la peur constante qui l'habite et son désir d'en finir : elle fera deux tentatives de suicide avant l'âge de 14 ans. Pour mettre fin à cet enfer, elle fugue et « monte » à Paris. Elle fréquente alors un monde interlope, entre dealers et grands noms de la mode, qu'elle rencontre essentiellement au Palace. On reconnaît au passage certaines célébrités de l'époque et d'autres en devenir : Jean-Paul Goude, Jean-Paul Gauthier, Christian Louboutin et aussi Azzedine Alaia. Elle fréquente alors des politiques et des intellectuels, dont Claude Lanzmann qu'elle qualifie d'ami indéfectible et qui a droit à toute sa reconnaissance pour lui avoir fait découvrir Franz Fanon.
***
On se promène ainsi d'anecdotes douloureuses en découvertes enrichissantes. Farida entre dans un monde qui lui était jusqu'alors inconnu, consciente de ses manques, mais forte de ses expériences passées. Elle porte encore, nous dit-elle, les marques indélébiles des enfants d'immigrés, écartelés entre deux cultures, celle des parents et celle du pays d'accueil, et désespérés de n'appartenir entièrement ni à l'une ni à l'autre. J'ai lu avec intérêt le parcours étonnant de Farida Khelfa. J'ai admiré sa force de caractère, sa capacité à se sortir de l'héroïne et des autres drogues, sa faculté étonnante de rebondir après de terribles expériences, sa remarquable résilience. J'ai regretté certaines incohérences, dues probablement aux longues et fréquentes ellipses ainsi qu'à des sauts dans le passé ou l'avenir pas toujours clairs, qui m'ont laissée sur ma faim. Par exemple, comment une mannequin héroïnomane devient-elle directrice de collection, puis réalisatrice ? Une relation amoureuse avec un grand nom de la mode et un mariage avec un homme d'affaires ne suffisent pas à l'expliquer, me semble-t-il. La narratrice laisse donc de côté les étapes de sa réussite qu'elle évoque comme des évidences sans nous en dire davantage. J'ai été surprise par sa vision du monde artistique des années quatre-vingt : en bref, les yéyés votent à droite et les chanteurs à texte plus âgés, à gauche… J'avoue avoir été agacée par la quantité de lieux communs et de généralités qu'on trouve dans ces souvenirs très personnels. Un ouvrage qui vaut pour la franchise et le réalisme de tout ce qui concerne son enfance maltraitée, je crois, plus que par ce qui raconte, plus superficiellement, la vie professionnelle et l'âge adulte.

[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de Elle]
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Évidemment, cette lecture est touchante à la fois par le destin singulier de Farida Khelfa, mais aussi sur ce que cela dit d'une époque, ou plus largement de la vie de celles et ceux de l'immigration qui n'ont rien hormis la violence la plus grande sous toutes ces formes.

Farida Khelfa, que j'avoue avoir découverte avec ce roman, se raconte avec des détails les plus cruels, les plus sombres et qui sont pour autant, tout autant de choses qui vont la pousser de l'avant, lui donner une force pour affronter la vie. Elle raconte la violence de ce père qui sombre dans l'alcool, la folie et se livre comme tant d'autres à l'inceste avec la complicité de cette mère qui ferme allègrement les yeux. Une fratrie qui vole en éclat, une fratrie qui fuit ce domicile dès qu'elle le peut pour survivre. Ailleurs et dans la pauvreté qui est toujours mieux que cette ambiance glauque, pauvre et ou tout est fait pour sombrer encore plus que la génération précédente. C'est le destin d'une jeune fille qui, avec courage, mais aussi naïveté, force et sensibilité va peu à peu se droguer, mais aussi intégrer la mode avec les grands noms des maisons.

C'est une femme qui se raconte sans tabous, avec une franchise cruelle, qui ne cache rien pour mieux saisir qui elle est, mais aussi met en lumière sa famille, son vécu qui parlera sûrement (et malheureusement) à d'autres. On sent toutes ses blessures, toute cette prison avec ses parents qui n'ont pas été protecteur, ni des exemples. Des figures qui ont du quitter sa vie, la vie, pour qu'elle puisse enfin respirer.

Un témoignage honnête, franc et qui met en lumière les blessures d'une catégorie de la population, d'une époque, de la difficulté d'une jeunesse qui n'a pas sa place, quelqu'elle soit et qui se bat encore et encore.
Lien : https://www.mamzellepotter.fr
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Farida Khelfa est une icône de la mode. Figure du Palace, elle a été la muse des plus grands couturiers, avec son port de tête altier et ce regard sombre. Ce regard sombre que rien n'a épargné. Cette jeune femme a vu l'enfer, a vécu l'enfer. Inceste, viols, violence physique et psychologique, c'est dans une famille de cris et de silences qu'elle a grandi. Une famille venue d'Algérie qui s'installe dans la banlieue lyonnaise et qui va se disloquer sous les coups.

Ça cogne dès le début. le problème de ce texte étant qu'il cogne tout du long. Ce n'est pas tant que j'aime les choses bien structurées mais là, j'aurais bien aimé un récit chronologique. On revient continuellement aux violences subies dans l'enfance, à une soeur qui aurait été oubliée au début du texte, à un autre fait d'armes du père, Farida est ado, de nouveau enfant, puis ado, puis à Paris. Ce serait exagéré de dire que je me suis perdue. Mais j'ai trouvé que ça desservait le propos même du livre.

Et puis, on finit par croire que c'est un fait social. Que c'est comme ça dans toutes les familles d'immigrés algériens. Ça manque de nuances. Cette violence sociale, que je ne nie pas, n'est pas propre aux immigrés, d'Algérie ou d'ailleurs. Elle est ce qui immerge de la misère. Et c'est là que j'aurais aimé, en plus du récit chronologique, une mise en perspective plus sociologique.

Et puis, quitte à faire la liste de ce qui m'a manqué dans ce texte, j'ajoute que la midinette qui sommeille en moi aurait aimé en savoir plus sur la mode, le Palace, les coulisses de ces soirées mythiques. Oui, parce qu'on peut être une lectrice de Paris Match et aimer la littérature.

Mais malgré tout, et c'est l'ambivalence de cet avis, après un démarrage diesel, j'ai lu ce texte d'une traite lors d'une journée parisienne. Installée en terrasse, impossible de le lâcher. C'est qu'il y a une telle urgence dans le style...
Et je serai curieuse de lire un texte de fiction de la part de l'autrice. Comme l'intuition que sans le poids familial sur ses épaules, elle s'en sortirait mieux.
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Encore une histoire d'intégration déchirante qui bouleverse, mais fort heureusement, se termine plutôt bien. Un récit sans tabou, une franchise qui parfois frise l'auto destruction, mais certainement la volonté de transmettre un message à ceux qui sont désespérés de n'avoir eu la chance de naître dans le confort d'une famille aimante. Si avant de devenir mannequin pour les défilés de Jean-Paul Gaultier, puis l'épouse de Henri Seydoux, Farida Khelfa a connu une vie de violences et de dangers qui auraient pu la détruire, elle a su s'extraire de sa famille, s'éloigner de la drogue et mettre à distance les blessures de l'enfance. Un récit singulier qui parfois fait frémir et donne espoir.
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Les souvenirs d'enfance de Farida Khelfa (que je ne connaissais pas) refont surface au décès de sa mère. Elle qui a connu la violence, l'amour, la haine, les coups et la drogue se livre dans une sensible autobiographie. Pour elle, il n'y a pas de bons ou de mauvais souvenirs. Farida Khelfa raconte comment elle a puisé dans la force de ses blessures afin de devenir la femme qu'elle est aujourd'hui.
Une lecture en demi-teinte pour le premier livre de Farida Khelfa, grande figure de la mode, réalisatrice et productrice. La boîte de Pandore s'ouvre dès le début et ne se referme jamais. L'histoire est rude, les mots sont crus. Je regrette le manque de chronologie dans les faits. Sautant du coq à l'âne, il m'a fallu parfois faire les liens à rebours, ce qui m'a gênée pour accrocher à l'histoire de cette femme. La langue est belle, poétique, pleine de fureur donnant une lecture fluide.
http://www.mesecritsdunjour.com/2024/04/une-enfance-francaise-farida-khelfa.html
Lien : http://www.mesecritsdunjour...
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Une enfance française

L'éditeur ne mentionne aucun genre littéraire auquel ce livre pourrait se rattacher. Ni autobiographie, ni souvenirs, ni essai. Une lectrice regrette l'absence de chronologie. Cela ne me gène pas. Au contraire, le récit rompt la monotonie d'une formule trop inscrite dans le temps. N'est pas Pagnol qui veut. J'y vois plutôt une manière de miscellanées c'est à dire un recueil de notes diverses.
Sur la forme, rien à redire. Madame Khelfa maîtrise la langue, son style se révèle alerte, la composition est aérée, le tout se lit avec plaisir.
Le fond, en revanche, prête à réserves. Accuser le colonialisme français d'être responsable du comportement violent et incestueux de son père ressort non seulement comme une absurdité mais, par surcroît, tel un jugement téméraire. Que le déracinement ait profondément perturbé son géniteur, cela se conçoit. Mais venir travailler en France fut son choix. Même avant Victor Schoelcher la France avait cessé de remplir les soutes de ses bateaux d'esclaves se contentant de maintenir aux Antilles un statut déjà pas mal adouci par Colbert puis par des réformes successives jusqu'à l'abolition pure et simple. Les médecins psychiatres qu'ils soient français ou d'autres nationalités ont quasiment tous considéré les écrits de Frantz Fanon comme des textes politiques et polémiques n'ayant que très peu de contenus scientifiques. Notons que la famille de Farida Khelfa a, d'emblée, bénéficié d'un logement H.L.M. Ces logements dès les années 70 comportaient des équipements (sanitaires, chauffage, ascenseur) qui faisaient pâlir d'envie bien des ménages vivant dans de vieux logements en centre ville, habitations dépourvues de chauffage hormis un conduit de cheminée et disposant de toilettes uniquement sur le palier. Je puis me permettre d'en témoigner. Ma femme et moi, lors de notre première installation, nous eûmes à vivre dans de vieux logements dégueulasses. Quant, après la naissance de notre troisième enfant, nous pûmes avoir accès à un logement H.L.M. quel changement ! Salle de bain, chauffage, insonorisation, W.C. privé, cuisine, salon. La famille Khelfa comportait 9 enfants ; je vous laisse imaginer toutes les prestations sociales. Farida, elle même, mentionne les cadeaux de la mairie pour Noël. A Villeurbanne où nous logions, malgré nos 4 enfants (car entre temps nous en avons eu un quatrième), nous n'avions rien de la mairie. le parcours de l'autrice témoigne de sa part d'un volonté d'acier et d'un courage hors norme. Servis, il faut le noter, par un physique particulièrement avantageux. Aurait-elle eu ailleurs une telle forme physique sans l'apport d'une alimentation et des soins quasi gratuits dispensés par notre société ? Et que dire de l'enseignement et de l'accès aux activités sportives comme éléments libérateurs? Notons toutefois que Mme Khelfa n'accuse pas la France de tous les mots. Elle se reconnaît parfaitement française. Ses origines non seulement n'ont pas entravé son ascension sociale mais l'ont avantagée dans le milieu de la mode avide de diversité. Elle note -et c'est toutefois exact- des discriminations à l'emploi pour les garçons. Mais pas pour les filles : lisez les noms de conseillères de clientèle et de chefs de service dans les banques et les assurances et vous rencontrerez de plus en plus de noms à consonance arabe. Preuve que notre société n'est ni  machiste ni raciste. Quant aux ressentiments des pieds-noirs (lire ses lignes concernant madame M…) je suppose qu'elle les comprend. Voilà des gens dont nombreux étaient modestes qui quittent leur terre natale avec plus rien et qui retrouvent en France des ressortissants du pays qui les jetés dehors. Et ces mêmes ressortissants sont bien logés et mieux payés, mieux soignés, mieux éduqués que dans leur pays d'origine.
Au final un livre instructif, bien rédigé, comportant moult réflexions intéressantes venant d'un regard neuf et très scrutateur sur notre société.
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