Je voyais le visage de ma mère, madame Zakeya. Je voyais les rides de son visage qui me faisaient penser aux rues de Jérusalem… Je ne suis jamais allée à #Jerusalem, et je ne pense pas que j’irai jamais, mais les rides du visage de ma mère évoquaient pour moi des rues étroites, les rues de Jérusalem dont Kamâl m’avait longuement parlé avant de partir en Amérique. Lui était parti. Il n’avait pas connu le goût du feu qui vous pénètre les entrailles. Je ne savais plus rien de lui.
Et voici Beyrouth. Un amoncellement de pierres ; des immeubles de béton où le soleil étincelle. La mer est bleue. Elle va se couvrir de marins partis à la recherche d’horizons lointains (…)
Voici Beyrouth ; comme accrochée à la hanche du monde… Mes lunettes noires enlevées, j’ai vu la ville dans sa blancheur. J’étais arrivé. Je descendis la passerelle ; dans l’aéroport, tout le monde courait et se bousculait ; on entendait des bruits d’obus ; quelqu’un près de moi, qui attendait des voyageurs, se plaignit de ce qu’on allait sans doute fermer l’aéroport.
Je descendis la passerelle, mais personne n’était là à m’attendre
Talâl m'a dit d'attendre et j'attends. J'attends ma mère ; j'attends de me marier ; j'attends de mourir ; j'attends la révolution ; je n'attends rien de particulier ; je suis là, sans rien attendre de particulier.