Honneur à la science, honneur à celui qui s'y entend à traiter savamment la savante question de l'immortalité, mais la question de l'immortalité n'est pourtant pas essentiellement une question savante, elle est une question d'intériorité que le sujet lui-même doit se poser en devenant subjectif. Objectivement, on ne peut pas du tout y répondre, parce qu'on ne peut pas du tout objectivement poser la question de l'immortalité, car l'immortalité est justement la potentialité et le plus haut développement de la subjectivité. (p. 152)
la conscience de mon immortalité m'appartient à moi tout seul ; au moment précis où je suis conscient de mon immortalité, je suis absolument subjectif et ne puis devenir immortel en compagnie de deux autres messieurs à tour de rôle. (p. 153)
Je préfère rester où j'en suis avec mon intérêt infini dans le problème, dans la possibilité. Il n'est pas en effet impossible que celui qui éprouve un intérêt infini pour sa béatitude éternelle devienne un jour éternellement bienheureux, par contre il est sans doute impossible que celui qui en a perdu le sens (qui ne peut pourtant être qu'une préoccupation infinie) devienne éternellement bienheureux. Oui, quand on a une fois perdu ce sens, il est peut-être impossible de le recouvrer. Les cinq vierges folles avaient perdu la passion infinie de l'espérance. (...) La porte fut fermée sur elles, et, quand elles frappèrent, l'époux leur dit : je ne vous connais pas (...). c'était la vérité, car au sens spirituel elles étaient devenues inconnaissables parce qu'elles avaient perdu la passion infinie.
Quand un homme qui vit au sein du christianisme va dans la maison de Dieu, du vrai Dieu, avec, dans l'esprit, la vraie représentation de Dieu, et ensuite prie, mais pas en vérité ; et quand un homme vit dans un pays païen, mais prie avec toute la passion de l'infini, bien que son œil se repose sur une idole : où y a-t-il le plus de vérité ? L'un prie Dieu en vérité, bien qu'il prie une idole ; l'autre prie le vrai Dieu, mais pas en vérité, et prie donc en vérité une idole.