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Critique de Foxfire


Il y a quelques années, Stephen King avait dit qu'il envisageait d'arrêter l'écriture. Il est revenu sur sa décision et c'est tant mieux pour nous. Non seulement son rythme de publication s'est accru (son envie d'écrire semble décuplée depuis quelques temps) mais en plus, il semble avoir envie de surprendre le lecteur à chaque nouveau roman.

"Mr Mercedes" ne déroge pas à cette nouvelle ambition. Surpris, le lecteur l'est assurément. Non pas que le registre dénué de tout élément surnaturel soit nouveau pour King, il a déjà oeuvré dans le non-fantastique, mais c'est bien le traitement du sujet qui surprend.

La 4ème de couverture évoque le grand James Cain, et s'il y a bien quelques clins d'oeil au roman noir (le chapeau à la Bogart, le personnage de Janey...), on est plutôt ici dans le registre du thriller. Dans ses précédents thrillers (je pense par exemple à "Misery" ou "Jessie"), le lecteur assistait à une confrontation entre deux personnages, le bon et le mauvais. Ce face à face ne mettait en danger que le héros. Dans "Mr Mercedes", si on assiste bien à une confrontation, un duel entre le bien et le mal, la menace ne pèse plus seulement sur le héros. le tueur menace autre chose que des intérêts intimes, il s'attaque à l'espace public, à la société dans son ensemble. C'est à mon sens une des nouveautés de l'univers de King proposé par "Mr Mercedes".
Alors que ses récits sont souvent teintés d'une atmosphère rétro, celui-ci est vraiment un roman du 21ème siècle. King a bien intégré la nouvelle donne du monde moderne, notamment la crise sociale, le climat sécuritaire post 11 septembre, les nouvelles technologies.
Ce dernier point est crucial, il sera un des éléments principaux du roman. La confrontation entre les deux personnages n'est pas directe, ce sont les réseaux sociaux qui seront leur terrain d'affrontement, les indices ne se cherchent plus sur des scènes de crimes mais dans les ordinateurs. Pour autant, tout en étant crédible (et apparemment très documenté), King ne laisse pas cet aspect technologique envahir le récit. Les nouvelles technologies sont ici toujours rattachées à quelque chose d'humain, elles ne sont qu'un vecteur, un moyen ou une arme, jamais une fin en soi. L'humain ne s'efface jamais derrière la machine, ce qui évite au récit toute froideur.

Comme souvent chez King, les personnages sont admirablement bien dessinés. Hodges s'avère très attachant et intéressant malgré le ressort classique, voire éculé, du personnage de flic à la retraite vivant mal son inactivité.
Jérôme, beau, intelligent, droit, qui aurait pu être un personnage trop lisse, est rendu crédible par son amusant mais aussi parfois agaçant côté puéril.
A travers, Holly, King fait preuve de tout son talent en faisant, petit à petit, évoluer son personnage et, progressivement, nous le rendre extrêmement attachant.
Même le personnage du tueur psychopathe qui pouvait sembler au départ très manichéen, voire simpliste, va se révéler, au cours du récit, de plus en plus complexe. Il va s'étoffer et même s'humaniser. de machine froide, il va finir par prendre le visage d'un tueur terriblement et tristement humain. Après le terrifiant sang-froid dont il fait preuve au début, il sera ensuite animé par une haine féroce (et après tout, quoi de plus humain que la haine ?), et on surprend même tout au fond de lui une toute petite dose d'amour (aussi tordu soit cet amour), une lueur, faible et vacillante, mais là tout de même. Cette humanisation du tueur est une réussite. Même si à aucun moment on ne comprend ni excuse ses actes, il apparait comme un être malade, inadapté à la vie. Sans que l'on ressente la moindre empathie, on ressent malgré tout envers lui un soupçon de pitié.

Le petit bémol qui m'empêche de mettre 5 étoiles est lié au style. J'ai trouvé l'écriture parfois un peu facile, voire simpliste. Je ne sais pas si cela est dû à la traduction, je n'avais pas eu ce ressenti à la lecture de "Joyland" ou "Dr sleep" dont la traduction était assurée par les mêmes personnes.

Cette légère déception quant à l'écriture n'a cependant pas amoindri mon plaisir à la lecture de ce jeu du chat et de la souris d'une efficacité diabolique. le suspense et la tension sont intenses et accrochent le lecteur de bout en bout.
Pas de doute, Stephen est toujours le King !

Challenge Variété 10 (catégorie "un livre à suspense ou un thriller")
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