AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Foxfire


Outre le fait que depuis que je suis gamine j'adore le film de Kubrick avec l'indestructible Kirk Douglas, Spartacus est une figure historique qui, par ce qu'il symbolise, fait vibrer mon petit coeur d'éternelle gauchiste. Dès le 18ème siècle, il est utilisé comme référence politique progressiste. Ainsi, il devint le symbole de la lutte en faveur de l'abolition de l'esclavage. On peut citer Lamartine qui, dans une pièce de théâtre, compare Toussaint Louverture à Spartacus. Par la suite, il incarnera la figure de l'exploité qui se révolte contre le puissant, son combat devenant celui du prolétariat face au capitalisme. Ce n'est pas pour rien que Rosa Luxembourg et ses amis ont choisi d'appeler leur mouvement la ligue spartakiste.

Le roman de Koestler s'inscrit dans cette veine politique. Il ne s'agit pas ici de raconter la vie de Spartacus comme s'il s'agissait simplement d'une figure historique ayant eu une vie mouvementée et romanesque. Koestler propose ici d'avantage le récit de l'échec d'une révolution qu'un simple récit biographique. D'ailleurs, son roman démarre alors que les 70 gladiateurs viennent de s'échapper. La jeunesse et la capture de Spartacus n'intéressent pas l'auteur. Koestler est avant tout un intellectuel engagé qui n'a cessé de questionner le monde et de questionner ses propres convictions. Très tôt, il a eu une conscience sociale aigue, qu'il a toujours tenté de mettre en pratique. Il est un penseur qui agit. A 21 ans il participera même à une expérience collectiviste d'un kibboutz en Palestine où il travaille en tant qu'ouvrier agricole. Revenu en Europe, il adhère au Parti communiste allemand en 31. En premier lieu car il en voit en cette idéologie une opposition au nazisme qui commence à prendre de l'ampleur et également car il est sensible au modèle égalitaire promis. Très vite, il va de désillusions en désillusion, la déception culminant en 35 au moment où commencent les procès de Moscou. C'est à cette époque qu'il commence la rédaction de « Spartacus ». La révolte tragique du gladiateur lui offre le point de départ idéal pour s'interroger sur la façon dont se déroule une révolution, comment, inévitablement, confrontée à la réalité elle se dénature jusqu'à se trahir elle-même. Koestler n'achèvera son roman qu'en 1938 (entre-temps il a été prisonnier des franquistes lors de la guerre d'Espagne qu'il couvrait en tant que journaliste) après avoir quitté le Parti communiste. S'il y a donc un sens évident à lire « Spartacus » en faisant le lien avec la vie et les engagements de son auteur, le roman se suffit à lui-même et peut se lire sans cet éclairage.
En effet, il n'est nul besoin de connaitre les détails de la vie de l'auteur pour apprécier les réflexions du roman. le texte parle de lui-même e a une portée universelle et intemporelle. A travers la révolte de Spartacus, c'est toutes les révolutions que Koestler évoque, pas seulement celles qu'il a vu. « Spartacus » est une lecture stimulante, intelligente. le lecteur réfléchit, se pose des questions, longtemps après avoir fini le livre.

Si Koestler fait appel à l'intelligence de son lecteur, il n'en oublie pas pour autant son coeur. « Spartacus » n'est pas un roman désincarné. le récit est parcouru de moments d'émotion. Mais l'auteur ne cherche jamais les émotions faciles. Il ne va donc pas jouer sur un registre romantique exalté. A ce titre, la fin du roman est remarquable ; L'émotion que Koestler distille au cours de son récit est plus subtile. Ce qui marque le plus, c'est le ton désespéré du roman. L'auteur est tellement désabusé, tellement déçu qu'il semble nous dire que toute révolution est vouée à l'échec. Cette absence d'espoir est bouleversante. Mais si je comprends le pessimisme de l'auteur vu son parcours, je n'ai pas envie de le partager. Peut-être, sans doute Koestler a-t-il raison, mais je me refuse à admettre cette idée. S'il n'y a plus d'espérance, il n'y a plus rien. Et d'une certaine façon, rien que cette espérance qui ne s'éteint pas totalement, c'est une victoire.

Au-delà de son fond très politique « Spartacus » se lit très facilement. le récit est très bien mené et est passionnant de bout en bout. La plume de koestler est fluide et agréable.
Cette lecture m'a donné envie de revoir le film de Kubrick (dont je ne me souviens quasiment plus de rien) et surtout de lire le « Spartacus » de Howard Fast dont il est l'adaptation. Howard Fast, encore un autre homme engagé au destin singulier (membre du parti communiste américain, il sera inscrit sur les fameuses listes noires de la commission des activités anti-américaines lors du Maccarthysme).
Commenter  J’apprécie          5412



Ont apprécié cette critique (44)voir plus




{* *}