Il ne faut pas retourner à Birkenau au printemps. Quand les enfants jouent sur leur tobbogan dans les jardins des petites maisons longeant l'ancienne voie ferrée qui menait au camp et à son funeste arrêt, la Judenramp.
Birkenau, maintenant c'est un décor.
Quelqu'un qui n'en connait pas l'histoire, ne peut rien voir.
D'ailleurs, quand j'y retourne, je dis toujours aux élèves : " Surtout, fermez les yeux, ne regardez pas !"
Et je leur répète : "Sous chacun de vos pas, il y a un mort."
"L'avenir me donne raison " ( page 51 )
C'est étrange, les lycéens (...) me posent tout un tas de questions pertinentes, mais jamais sur ça, la faim. Alors que le camp, c'est la faim.
Tous les jours, il y a des mortes. Certaines filles, plus sentimentales que moi, prennent la peine de les traîner dans un coin, pour les entasser. Moi, j'en ai une, de morte. Ma morte. Elle tombe sur mon épaule, je la redresse, elle retombe, je la relève à nouveau ah ça, pour m'énerver, elle m'énerve ! Mais je la garde, ma morte, je la conserve précieusement, je me dis qu'un jour ils vont bien finir par nous ouvrir, nous donner à manger, quelque chose, n'importe quoi. Et alors, je leur dirai : "Mais non, elle dort, ma copine, donnez-moi sa part !" Voilà où j'en suis. Voilà ce que je suis devenue.
Moi, j'en ai une, de morte. Ma morte. Elle tombe sur mon épaule, je la redresse, elle retombe, je la relève à nouveau, ah ça pour m'énerver elle m'énerve ! Mais je la garde, ma morte, je la conserve précieusement, je me dit qu'un jour ils vont bien finir par nous ouvrir, nous donner à manger, quelque chose, n'importe quoi. Et alors, je leur dirai : "Mais non, elle dort ma copine, donnez moi sa part !" Voilà où j'en suis. Voila ce que je suis devenue.
Il ne faut pas être trop intelligent dans la vie. Si vous êtes trop intelligent, si vous réfléchissez trop...
A cette époque, je n'éprouve pas le besoin de parler, ni à ma famille, ni aux amis. Et quand on me demande comment ça s'est passé là-bas, je réponds : "Si un jour j'ai un enfant et qu3 ça recommence, je l'étrangle de mes propres mains." Et je le pense.
Aux élèves, je le répète : c'est la haine qui a fait ça, la haine à l'état pur. Les nazis ont exterminé six millions de Juifs. Souvenez-vous de ce que vous avez trouvé impensable. Si vous entendez vos parents, des proches, des amis, tenir des propos racistes, antisémites, demandez-leur pourquoi. Vous avez le droit de discuter, de les faire changer d'avis, de leur dire qu'ils ont tort.
Le font-ils ?