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Critique de JIEMDE


La vérité ? Quelle vérité…

Je ne sais plus qui m'avait conseillé de lire Richard Krawiec, mais comme d'habitude en pareil cas, je me suis précipité. Et j'ai bien fait. Car cette autopsie d'un fait divers dans l'Amérique des années 60 servant de support à une réflexion sur la vérité est d'une grande puissance.

Quand la jeune Masha Kucinzki, ado immigrée d'origine polonaise, est retrouvée quasi-morte au lycée après avoir été sexuellement agressée et lardée de coups de couteaux, les soupçons se portent rapidement sur Emmett, un jeune black qui sera arrêté et condamné.

Tout le monde est satisfait, sauf Stewie, qui fut le petit ami de Masha et qui traîne son mal-être d'ado entre parents violents et absents, fréquentations douteuses de Doyle et Murphy, et questionnements incessants sur le chemin de vie qu'il devrait tracer.

Car Stewie sait ce qu'il s'est passé, conjonction de facteurs défavorables issus des liaisons faussées du quintet improbable formé entre Masha, Emmett, Doyle, Murphy et lui. Il sait, ou se souvient. Ou tente de se souvenir, des années plus tard, rongé par le remords, le flou de l'oubli, la mémoire volontairement sélective.

Déployant ses réflexions sur la violence, le racisme et les luttes qui opposent Américains de classes modestes et immigrés qui le sont tout autant, Paria - traduit par Charles Recoursé – n'est pas seulement un roman noir de plus.

C'est aussi un habile exercice de style sur l'écriture et sa vérité (qui n'est pas sans rappeler le dernier livre du regretté Russell Banks), sur le lien qui réunit le lecteur et l'auteur le temps d'un livre, sur la façon dont le second influence le premier et sur le libre arbitre que celui-ci peut toujours conserver.

D'où les nombreuses adresses directes de l'auteur à son lecteur, « comme s'ils étaient amis. Comme s'ils n'étaient pas seuls, chacun de leur côté, l'un qui écrit et l'autre qui lit. Isolés tous les deux (…) Est-ce mon histoire ? Est-ce la vôtre ? ».

Un livre sur la conscience, où celle des protagonistes est tout aussi importante que celle du lecteur : « Vous voudriez que cet acte de violence soit la conséquence “logique“ de la dépravation d'une personne, l'aboutissement dramatique mais logique d'une vie dérangée ». Mais la vérité n'est-elle pas ailleurs que là où l'auteur semble nous emmener ?

Krawiec tourne autour de son fait divers, à 360° pour en explorer toutes les facettes, en questionner toutes les dimensions et n'en laisser aucun angle dans l'ombre. Libre à chacun ensuite de trancher les responsabilités et culpabilités.

Suivant les conseils d'un auteur entendu dans sa jeunesse - « On ne se souviendra pas de nous, il a dit (…) Ce que nous pouvons espérer de mieux, c'est de laisser une blessure dans le monde » - le jeune Stewie étale au grand jour la blessure qu'il a laissé au monde, avec une conclusion froidement réaliste : « Et si, au fond, c'était moi le problème ? »

À celle ou celui qui me l'avait conseillé, un grand merci pour la découverte !
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