La guerre du lotus, tome 2 : Kinslayer

Ses pensées étaient entrelacées avec celles de Yukiko, des images se faisaient échos d'un esprit à l'autre, ils étaient réunis par un lien plus fort que le sang. Yukiko et Buuru. Buuru et Yukiko. Il était de plus en plus difficile de savoir où l'un finissait et où l'autre commençait.

Les mots ont un pouvoir. Il est des mots qui nous font rire et d'autres qui nous font pleurer. Des mots pour commencer et des mots pour finir. Des mots qui nous serrent le cœur et des mots qui nous chatouillent la peau. Des mots si magnifiques qu'ils nous façonnent, nous changent pour toujours, qui vivent en nous aussi longtemps que nous avons du souffle pour en parler. Il y a des mots oubliés. Des mots qui tuent. Des mots grandioses et effrayants et terribles. Il y a des mots vrais.

_ Que feras-tu une fois que tu pourras voler par toi-même?
_ QUE PENSES-TU QUE JE FERAI?
_ Je ne sais pas. Rentrer chez toi, peut-être. Quitter cet endroit.
_ TU ME DEMANDES SI JE VAIS TE QUITTER, TOI.
_ Oui...
_ APRÈS TOUT CE QUE NOUS AVONS VÉCU?
_ Ce n'est pas ton combat. Ce n'est pas ton territoire. Tu pourrais t'envoler loin d'ici et oublier tout ce qui est arrivé.
_ TU SAIS QUE CE N'EST PAS VRAI.
_ Vraiment?
_ TU ME CONNAIS. COMME SI JE FAISAIS PARTI DE TOI.
_ Je ne sais rien, Buuru.
_ ALORS JE TE LE DIS: AU-DELÀ DE TOUT CE QUE JE PEUX ÊTRE, JE SUIS AVANT TOUT TIEN. JE NE T'ABANDONNERAI JAMAIS, JE NE RENONCERAI JAMAIS A TOI. COMPTE SUR MOI COMME SUR LE LEVER DU SOLEIL ET LA TOMBÉE DE LA NUIT. CAR TU ES MON ÂME.

"C'est mon enfer personnel, ma parole. Lorsque j'irai dans l'autre monde et que je serai puni pour mes péchés, ce sera mon tourment: être entouré d'une multitude d'enfants-singes adolescents amoureux qui s'embourbent dans des flaques de leur propre bave." # Buuru

Yukiko: Tu es un peu splendide, tu sais.
Buuru: UN PEU SEULEMENT?

Yukiko recula, Buuru baissa la tête et griffa les dalles de ses serres. Elle sentait se rassembler autour de lui des courants d'électricité statique, comme un vrombissement à peine audible qui lui faisait dresser le poil, et une odeur d'ozone emplissait l'air. Le tigre de tonnerre étendit ses ailes, fit craquer les pistons de ses prothèses d'ailes qui frissonnaient tandis que de petits éclairs parcouraient ses plumes coupées. Le monde se tut lorsqu'il se cabra sur ses pattes arrières. Yukiko serra les dents et se couvrit les oreilles. Buuru fit claquer ses ailes l'une contre l'autre, faisant naître les notes assourdissantes du chant de Raijin.
Il était écrit dans les vieilles légendes que les arashitora étaient les enfants du dieu du tonnerre, Raijin. Et pour les marquer comme siens, leur père leur avait donné des ailes à la mesure de son pouvoir. Yukiko avait pensé qu'il s'agissait d'un mythe avant de le voir de ses propres yeux, la nuit où Buuru avait failli embraser l'Enfant du Tonnerre en plein ciel.

– Tu donnes de l’espoir aux gens, Yukiko. La force au cœur de toute force. Les étapes que tu franchis maintenant – les premiers pas – c’est toujours ce qui est le plus difficile. Mais les empreintes que tu laisses dans la terre derrière toi, des milliers y mettront leurs pas.

– Je suis fille des renards, tueuse de shōgun, impéricide. La plus gigantesque tempête qu’a jamais connue Shima attend en coulisse que je l’appelle par son nom, et sa venue fera trembler ses fondations comme les tambours du dieu du tonnerre.
Dans le ciel, les nuages s’ouvrirent et un halo de foudre s’alluma au-dessus de sa tête.
– Je suis la Danseuse d’orage. Et maintenant on va m’écouter.

Elle avait perdu assez de temps à rester assise dans le noir et à s’abrutir à force de pleurer. C’en était fini d’attendre que la foudre tombe. Il était temps de se lever au lieu de ramper. Temps de se creuser un tunnel de sortie avec les outils sur lesquels elle parviendrait à mettre la main.
Et si elle n’en trouvait pas, il lui restait ses ongles.

– Le temps de la peur est depuis longtemps révolu. Il s’est éteint avec le dernier phénix, le dernier papillon. Il est mort lorsque nous avons échangé la grâce de notre âme pour la facilité de la machine. Rien ne changera si nous chérissons nos inquiétudes comme une bénédiction. Si nous craignons de détruire l’ancien, avec les risques de pertes que cela comporte, jamais nous ne bâtirons le nouveau.