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Critique de Arimbo


Quel bonheur de retrouver mon cher Kundera avec ce recueil de nouvelles dans lequel je replonge pour la troisième fois et toujours avec une vision différente.

Dans sa postface, François Ricard, ce remarquable essayiste québécois décédé en février de cette année, et qui fut, entre autres, l'exégète éminent de l'oeuvre de Kundera, nous dit que ce recueil, qui fut le premier écrit par Kundera, bien que publié après La plaisanterie et La vie est ailleurs, « est le point de départ de toute l'entreprise romanesque de Milan Kundera. »
En effet, ce regard lucide, ironique et désabusé, ce détachement, cette attitude désenchantée mais si profondément humaine, tout cela est dans ce recueil, ainsi que les thèmes récurrents de l'auteur, l'amour et la fidélité, les question de l'identité, de la vérité, du paraître et de l'être, de la vie que l'on ne contrôle pas., etc..

Et puis, cette postface m'a fait toucher du doigt un aspect que je n'avais pas vu, ou bien oublié, c'est la beauté de la construction, sa structure symétrique dans laquelle la première nouvelle Personne ne va rire et la dernière l'incroyable Édouard et Dieu, se répondent en abordant le même thème « politique », celle du monde communiste où l'on ne peut plus rire de tout, mais auquel on peut échapper à l'aide de la dérision, du recul amusé sur la situation.
Et de même la deuxième et l'avant-dernière ont pour sujet une certaine forme de Donjuanisme qui est celle du jeu de la séduction devenu comme un but en soi, bien plus que son résultat.
Il en est de même pour l'extraordinaire et ambiguë nouvelle le jeu de l'auto-stop, et Que les vieux morts cèdent la place aux jeunes morts, deux nouvelles qui abordent le thème de l'illusion amoureuse.
Et ces six récits enchâssent la formidable nouvelle « centrale » ( au total 7 récits, un des chiffres fétiches de Kundera) le colloque, traitée comme une pièce de théâtre en cinq actes et à cinq personnages ( cinq, encore un chiffre Kunderien!), et dans laquelle les dialogues sont prépondérants. Dans cette nouvelle, derrière l'apparence de légèreté d'un vaudeville, toute une série de thèmes existentiels sont évoqués, avec une extraordinaire profondeur que je redécouvre, entre autres, la vérité et le mensonge, l'identité des êtres, l'amour, la vieillesse, etc…

En conclusion, une oeuvre bien plus aboutie que je ne l'avais gardée dans mon souvenir.
Mention spéciale pour le jeu de l'auto-stop qui m'a bouleversé, une fois de plus. Jeu où chacun dans ce couple de jeunes gens se crée, par jeu, une identité différente de ce qu'il est, lui le jeune homme très amoureux transformé en séducteur cynique, elle, timide et réservée, devenant une aguicheuse, une « putain ».Mais ce jeu qui était vécu initialement comme libérateur devient un piège redoutable dont les deux n'arrivent plus à se libérer, jusqu'à ce que, à la toute fin, la jeune fille éclate en sanglots en criant « je suis moi, je suis moi » et que le jeune homme allant chercher loin en lui-même la compassion, ne revienne vers elle; mais, est-ce que leur vie redeviendra comme avant, l'énigme reste entière. C'est magnifiquement écrit et décrit.
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